Christine Laurent

Sacro-saint choix

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

Un véritable chemin de croix, aux stations interminables. Une fois encore, Benoît XVI est au coeur de la tourmente.

Par Christine LAURENT

Un véritable chemin de croix, aux stations interminables. Une fois encore, Benoît XVI est au coeur de la tourmente. Après les Etats-Unis, l’Australie, une cascade de scandales de pédophilie a déferlé sur l’Europe, une bourrasque qui a éclaboussé les clergés irlandais, allemand, autrichien et néerlandais. Des révélations en série, sans oublier les bombes à retardement susceptibles d’exploser demain un peu partout dans le monde. Un véritable tourment pour le pape.

Car, aujourd’hui, les victimes osent parler, elles ne se cachent plus. La chape de silence du secret d’autrefois a bel et bien sauté. Plus de camouflage. « Les affaires ne sont plus étouffées, enfin de l’air », se réjouissent déjà certains fidèles. Désormais, on appelle une brebis égarée une brebis égarée. Les « péchés effroyables », selon les propres mots du pape, doivent être dénoncés et sanctionnés. Tolérance zéro! Accusée souvent d’être plus soucieuse du tort qui peut lui être causé que des souffrances endurées par les victimes, la « Sainte » Eglise avoue donc, enfin, être contaminée, aussi, par des pécheurs. Presque une révolution.

Mais hélas, hélas, comme trop souvent, les dérives de certains jettent l’opprobre sur tous les autres. Amalgames hâtifs, raccourcis, préjugés, peurs irraisonnées et voilà l’ensemble du clergé mis à l’index. Non, tous les prêtres ne sont pas des pédophiles et tous les pédophiles ne sont pas prêtres. Depuis plusieurs années, les spécialistes le ressassent inlassablement: les professions en contact avec les enfants et les ados attirent « ceux qui souffrent d’un trouble de la personnalité caractérisé par l’attirance pour de jeunes enfants ». L’Eglise n’est donc pas épargnée. « On devient pédophile car on a été soi-même séduit par un pervers », affirme dans Le Vif/L’Express, cette semaine, le psy Philippe Van Meerbeeck.

En toile de fond, la question du célibat des prêtres

Il n’empêche. Les graves accusations d’abus sexuels ont perturbé les fidèles. Nombreux sont ceux qui pointent du doigt le sacro-saint célibat des prêtres, « signe de la consécration tout entière au Seigneur », selon Benoît XVI, et « source de tous les maux », pour le théologien suisse Hans Küng. Abolir le célibat pour réprimer les pulsions déviantes de certains? Pas sérieux! Mais Küng insuffle indéniablement un soupçon d’esprit critique au sein même de l’Eglise. « Institution vivante », ne doit-elle pas se pencher courageusement sur les causes de ses propres dysfonctionnements?

Délicat, certes, car elle est tout aussi « gênée » que ses religieux face à la sexualité, un tabou. Or il s’agit, ici, de redéfinir ce qui, en cette matière, relève aujourd’hui de Dieu et ce qui relève des hommes.

Maintes fois, les psys ont alerté sur les dangers du refus de toute sexualité. Le célibat obligé exige une sublimation permanente des pulsions que les « appelés » ne sont pas toujours capables de vivre au quotidien. Et puis la libération sexuelle a bouleversé la société. Comment l’Eglise peut-elle rester à la marge, alors que ses prêtres, souvent bien démunis et dans une grande solitude affective, sont confrontés quotidiennement aux interrogations, voire à la détresse des fidèles?

Primauté masculine et célibat: les deux pierres angulaires de l’Eglise vacillent. Mais pour épouser l’humanité de son temps, celle-ci ne devrait-elle pas, enfin, lever l’interdiction et laisser à chaque prêtre le libre choix du célibat? Nul doute que sa crédibilité morale en sortirait grandie.

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