Walter Pauli

« N’est-il pas temps d’instaurer une série de mesures pour les LGTB? »

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

« Quand les Grecs menacent la stabilité de l’euro, toute la zone euro se retourne contre eux. Quand la Hongrie menace de porter atteinte à l’intégrité des homosexuels, les principales institutions européennes perdent leur esprit de décision » écrit Walter Pauli.

Le week-end dernier, « La vie en rose » d’Edith Piaf a donné le ton. Tout a commencé à Bruxelles : 80.000 LGTB ont défilé dans le cadre de la Belgian Pride – anciennement la Gay Pride. Il s’agit là d’un changement de nom tout à fait justifié, car la Pride n’est plus un spectacle d’extravagances gay-érotiques, mais attire des milliers de LGTB « ordinaires », beaucoup de couples accompagnés de leurs enfants. Et c’est ce qui rend ce défilé si particulier.

Ensuite, il y a eu le Luxembourg où le premier ministre Xavier Bettel et son ami Gauthier Destenay ont célébré leur mariage gay. Le premier ministre luxembourgeois dirige un gouvernement violet de libéraux et de socialistes qui a autorisé le mariage homosexuel et permet aux couples homosexuels d’adopter des enfants. L’union de Bettel, une première en Europe, a fait la une dans le monde entier.

Retour à Anvers. Dimanche, deux cents personnes s’y sont rassemblées pour une « marche pour la famille ». Munis de drapeaux belges et flamands, et de banderoles du Vatican, les manifestants ont protesté contre la loi sur l’euthanasie et le mariage homosexuel. Aux LGTB venus exprimer leur désaccord, la police anversoise a demandé « de ne pas s’embrasser et de ne pas se promener main dans la main afin de ne pas provoquer les manifestants ». L’opposition est indignée : demander à des LGTB de cacher leur orientation sexuelle est insensé. Dans notre « monde libre », l’hétéro- et l’homosexualité font partie de ce qu’on appelle le « nouveau normal » : désormais, peu importe.

Malheureusement, les apparences sont trompeuses. Le mariage homosexuel est reconnu dans 10 états membres de l’Union européenne. Ce chiffre pourrait augmenter rapidement : cette semaine, les Irlandais, autrefois très catholiques, se prononceront par référendum. Entre-temps, la question du mariage gay pose toujours problème dans une série d’états membres européens pourtant assez avancés en matière de droits de l’homme, tels que l’Allemagne et la Finlande. Et en Hongrie, les homosexuels risquent la régression et même des poursuites.

Star Trek

Cette contradiction se produit aussi ailleurs dans « le monde libre ». Plus de vingt états américains reconnaissent l’une ou l’autre forme du mariage homosexuel. Mais Jeb Bush, futur candidat à la succession de son père et de son frère à la Maison-Blanche, estime que le mariage homosexuel n’est pas un droit constitutionnel. Jeb Bush ne se qualifie pas de conservateur. « Il y a quatre ans, Hillary Clinton et Barack Obama disaient la même chose que moi. Mais on change une tradition culturelle de milliers d’années à la ‘warp speed' ».

La warp speed est une vitesse fictive, plus rapide que la lumière, de la série de science-fiction Star Trek. Il faut croire que le comportement d’extraterrestres dans le genre de Monsieur Spock pose moins de problèmes à Jeb Bush que les homosexuels de son propre pays même s’il a raison sur un point : ici et là, l’émancipation gay se développe à la vitesse grand V. Mais les femmes et non-blancs doivent toujours lutter pour leurs droits et contre la discrimination.

Dégager

Quand les Grecs menacent la stabilité de l’euro, toute la zone euro se retourne contre eux. Quand la Hongrie menace de porter atteinte à l’intégrité des homosexuels, l’Europe perd son esprit de décision

Toute une génération a été prise de vitesse. Louis Tobback a eu beaucoup de mal à accepter le soi-disant mariage (avant qu’il n’y ait de cadre légal) de l’écrivain flamand Tom Lanoye et son ami René Los, à l’hôtel de ville d’Anvers. « Si demain deux personnes du même sexe viennent à l’hôtel de ville de Louvain pour se marier, je leur demanderai de dégager. Je ne veux pas d’exhibitions ». Tobback a fait cette déclaration en 1995. Aujourd’hui, les homosexuels et les hétérosexuels se marient à l’hôtel de ville de Louvain, comme s’il en avait toujours été ainsi.

Pourtant, les droits accordés récemment n’en sont pas acquis pour autant.

Si la Commission européenne et le Conseil européen sont prêts à imposer un package de mesures socio-économiques aux états membres, ils ne parlent pas d’une série de conventions émancipatrices et sociales. Quand les Grecs menacent la stabilité de l’euro, toute la zone euro se retourne contre eux. Quand la Hongrie menace de porter atteinte à l’intégrité des homosexuels, les principales institutions européennes perdent leur esprit de décision. Comme si l’Union européenne était redevenue un projet économique et non politique.

Pourquoi ne pas imposer des normes européennes minimales et contraignantes pour les nouveaux droits du citoyen ? Une série de mesures pour les LGTB et les transgenres ne rendraient pas seulement l’Union européenne plus sexy, mais plus pertinente aussi.

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