© Remon Rijper/Flickr

La taxe « carats », pain béni pour les fraudeurs?

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le projet de loi du ministre Van Overtveldt ne fera-t-il que renforcer le régime particulier accordé aux diamantaires, via une circulaire du fisc, depuis 2000 ? Un régime qui a permis aux fraudeurs de se cacher derrière une façade légale

La taxe des diamantaires, ou taxe « carats », que prépare le cabinet du ministre des Finances Johan Van Overtveldt (N-VA), portera sur le chiffre d’affaires des professionnels de la pierre précieuse et non sur leurs bénéfices comme pour les autres entreprises du pays. Le taux retenu sera de 0,55 %. La recette fiscale annoncée par le gouvernement est évaluée à 50 millions d’euros. Pour l’opposition, il s’agit clairement d’un régime de faveur accordé au secteur.

Par ailleurs, les négociants et tailleurs de diamants bénéficient déjà, depuis l’année 2000, d’un régime spécifique, très similaire à celui envisagé par le gouvernement. Ce régime a été instauré par une circulaire de l’administration fiscale d’Anvers, après des discussions avec le Conseil supérieur du diamant sur l’opportunité d’obliger les négociants à établir un inventaire de leurs marchandises. Face au refus des intéressés, le fisc a alors prévu de calculer un taux d’impôt sur le chiffre d’affaires déclaré, tout en fixant une base imposable plancher. Le taux devait être discuté d’année en année par l’administration et le secteur diamantaire. Selon Le Soir, les taux de taxation réels étaient proches de ce que le projet de loi de Van Overtveldt prévoit.

On peut donc s’interroger sur l’utilité de la loi « carats » dès lors qu’il existe une circulaire administrative, toujours d’application aujourd’hui, dont la teneur et les effets en termes de rentrées fiscales ressembleraient comme deux gouttes d’eau à ceux du projet du gouvernement. Une loi a évidemment une force juridique plus grande qu’une simple circulaire. C’est sans aucun doute le but recherché, a fortiori lorsqu’un litige entre un diamantaire et le fisc arrive devant un tribunal. Un juge ne peut écarter une loi comme il le ferait d’une circulaire. Difficile de ne pas voir dans ce renforcement législatif un effet pervers, surtout au vu d’une note du SPF Finances, révélée, fin avril, par Het Nieuwsblad.

Cette note, qui date d’octobre 2013, contenait un avis très défavorable au projet de taxe « carats » que le précédent ministre des Finances, Koen Geens, avait déjà tenté de faire passer, au sein du gouvernement Di Rupo. Le SPF y rappelait que « le secteur du diamant est extrêmement sujet à la fraude » et que « la question est de savoir si le chiffre d’affaires déclaré est correct », avant de recommander une « surveillance renforcée » du secteur. On peut aisément deviner qu’en deux ans l’avis du fisc n’aura pas changé. A la Chambre, Ahmed Laaouej (PS) a récemment demandé au ministre s’il avait consulté son administration, l’ISI (Inspection spéciale des impôts) en particulier, sur son projet de taxe « carats ». Mais Van Overtveldt n’a pas répondu à la question…

Au sein du SPF, on nous fait remarquer que les grandes affaires judiciaires concernant des diamantaires coïncident curieusement avec la mise en place du régime fiscal forfaitaire de 2000 et que la circulaire, en limitant la base imposable à un taux calculé sur le chiffre d’affaire déclaré, a créé une façade de revenus déclarés. Ce façadisme pourrait bien être prolongé par la taxe « carats », à la différence qu’il s’agira alors d’une loi, avec une sécurité juridique plus grande que pour une circulaire. Tout bénéfice pour les fraudeurs ?

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