Laurence Van Ruymbeke

Affaire Galant : Charles Michel n’agit plus dans l’intérêt général, mais uniquement pour préserver le sien

Laurence Van Ruymbeke Journaliste au Vif

Ce ne sont plus des fuites. C’est une canalisation qui lâche. Depuis la publication dans Le Vif/L’Express, il y a deux semaines, d’une enquête relative aux sommes consenties par le cabinet Galant pour s’adjoindre les services du bureau d’avocats Clifford-Chance, chaque jour apporte son lot de révélations. Toutes ont pour point commun d’appuyer là où cela fait mal : dans ce dossier, les choses ont été décidées et gérées sans respect des procédures.

On peut bien sûr se demander à qui profite le crime. Le cabinet Galant et une partie des élus MR ne s’en privent d’ailleurs pas. Mais la question n’est déjà plus là. Tous les regards se focalisent désormais sur le Premier ministre Charles Michel. Gardera-t-il Jacqueline Galant dans son équipe ?

La semaine prochaine, plusieurs étapes cruciales sont encore prévues à l’agenda de ce feuilleton d’automne : remise par la ministre Galant, lundi à la Chambre, de l’ensemble des documents relatifs à ce dossier, conférence des présidents ensuite, à 9h30, possible convocation de la Commission Infrastructure dans la foulée, nouvelle interpellation de Jacqueline Galant, voire du Premier ministre lui-même, audition de Laurent Ledoux, président du comité de direction du SPF Mobilité – le bras administratif du cabinet Galant-, le vendredi 13. Le matin même, l’homme aura été convoqué pour un nouvel entretien de fonctionnement, à 7h30…

L’après-Toussaint risque donc d’être chaud pour le MR, un parti qui, se sentant acculé de toutes parts, se replie sur lui-même . Depuis qu’il a défendu sa ministre à la Chambre, en concédant une « imprudence de bonne foi », Charles Michel ne s’exprime plus sur le dossier. Denis Ducarme, chef de groupe, qui avait été jusqu’à parler de « faute », est en vacances. Olivier Chastel, président du MR, est diaphane. On sait trop combien son silence confirme qu’à l’intérieur du parti libéral, les tensions sont fortes entre ceux qui plaident pour un retrait de Jacqueline Galant et ceux qui veulent tenir bon coûte que coûte, en espérant que le temps passe et qu’avec lui, la houle se dissipe.

Affaire Galant : le Premier ministre n’agit plus dans l’intérêt général, mais uniquement pour préserver le sien

Quoiqu’il en soit, le MR, seul parti francophone représenté au gouvernement fédéral, aurait sans doute été bien inspiré de trancher plus tôt, selon le vieux principe du sparadrap vite arraché qui fait moins mal que celui que l’on tente de décoller lentement. Car l’impression qui prévaut actuellement, évidemment pour l’opposition, mais aussi pour une large partie de l’opinion publique, c’est que Charles Michel n’agit plus ici dans l’intérêt général, mais uniquement pour préserver le sien. Un reproche qu’il a pourtant formulé, pendant des années, à l’égard de son vieil ennemi socialiste…

On sait que Galant lui est particulièrement fidèle. On sait que le « clan Michel » ne veut pas faire preuve de faiblesse face au « clan Reynders », qui ricane. On sait que le Premier ministre ne pourrait accepter une mise à l’écart de Jacqueline Galant sans considérer que sa propre crédibilité est mise en cause.

Mais elle l’est déjà, comme l’est celle de sa ministre. Comment celle-ci pourra-t-elle à l’avenir retravailler avec une administration qu’elle a vouée aux gémonies ? Avec des associations de riverains qui la savent en brouille avec les procédures légales ? Avec des Régions qui ne sont pas consultées pour des projets aéronautiques qui les concernent pourtant ?

Et que fait-on de l’intérêt général ? Depuis quinze jours, une grande partie de l’énergie et du temps du cabinet Galant est consacrée à colmater les fuites. N’y a-t-il pas, pourtant, urgence à faire avancer les dossiers de mobilité dans ce pays ? Quel message le Premier ministre envoie-t-il, en laissant le temps filer sans intervenir, aux navetteurs qui attendent encore que leurs trains soient à l’heure ? Ou aux Bruxellois toujours survolés ?

Qu’on ne s’y trompe pas : le propos serait identique si Jacqueline Galant n’était pas libérale, ni wallonne, ni femme. Car les temps ont changé : en 2015, les électeurs réclament de leurs représentants politiques des comptes et de la transparence. On attend des citoyens qu’ils paient correctement leurs impôts, se rendent aux convocations de l’Onem, ne fraudent pas dans les transports en commun, sous peine d’être sanctionnés ? C’est bien la moindre des choses que les élus se comportent de la même manière. Voir mieux encore.

Or ce n’est pas le cas. Après la faute commise par le cabinet Galant, le chef de groupe MR Denis Ducarme n’a pas manqué de culot en affirmant de sa voix de stentor, au Parlement, que la ministre avait joué la transparence et répondu à toutes les questions des membres de la Commission Infrastructure. Elle n’avait pas donné suite à 8 questions sur 10 ! Qu’on ne s’étonne pas, au siège du MR, si le sigle du parti a été transformé depuis lors, sur la toile des réseaux sociaux, en « Menteurs Réunis »…

Dans ces conditions, limoger Jacqueline Galant ne serait pas un aveu de faiblesse, dans le chef du MR et de Charles Michel. Plus maintenant. Au contraire, ce serait, tant que le Premier ministre en a encore le choix, une démonstration, saine, de force. Morale et politique. Même s’il est déjà très très tard.

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