Michel Vandenbosch

Gaïa répond aux chercheurs scientifiques : « arrêtez votre procès d’intention non fondé et teinté de paranoïa »

Michel Vandenbosch Président de GAIA

En tant que président de GAIA, je me permets de réagir à la carte blanche signée par une soixantaine de scientifiques intitulée  » La souris, le patient, et le faux expert. Décryptage d’une mystification « , publiée le 27 avril dernier sur le site web du Vif/L’Express.

Sans entrer dans le fond de la discussion soulevée par les auteurs, je tiens tout d’abord à rectifier un point qui s’avère être absolument faux et mensonger. L’article explique en effet que GAIA diffuse régulièrement, dans le cadre de ses animations dans les écoles, une vidéo d’enquête réalisée sous couverture en 2016 à l’animalerie de la VUB, montrant des négligences et lacunes de soins envers les animaux et qui résultent en maltraitance et souffrance animales. L’enquête a aussi démontré un effet d’estompage des normes, qui a d’ailleurs été reconnu par les responsables de l’animalerie avec lesquels nous nous sommes concertés afin de remédier à la situation. Suite à nos dénonciations, la VUB a décidé de développer un tout nouveau système de gestion plus performante et censé offrir plus de garanties au niveau du bien-être des animaux utilisés, y compris la construction d’une nouvelle animalerie afin d’éviter que certaines pratiques dénoncées puissent encore avoir lieu.

Teinté de paranoïa

Les auteurs utilisent alors cet exemple pour bâtir ce bon vieil argumentaire simpliste teinté de paranoïa, affirmant que le message porté par les associations de défense des animaux n’a rien à voir avec une sensibilisation au respect et à la protection de l’animal, mais qu’il s’apparente plus à une campagne de dénigrement et de manipulation émotionnelle à l’égard de la recherche fondamentale. Ce qui m’étonne le plus, c’est le manque flagrant d’ouverture d’esprit ainsi que les partis pris dont font preuve les signataires de cette carte blanche, remplis d’a priori idéologiques, plein de préjugés et de propos fantaisistes à l’égard de GAIA. Leur texte reflète une incapacité ou une non volonté regrettable de sortir des tranchées. Ce qui demeure pour le moins surprenant venant de la part de chercheurs qui se vantent d’exprimer leurs propos par souci de rigidité scientifique.

Coût moral

Or, il convient ici de rappeler que ce débat ne doit pas être uniquement l’apanage du monde scientifique, dès lors que l’utilisation d’animaux sensibles, capables de souffrances et d’émotions, soulève bien plus que la simple question de savoir si l’on est opposé ou non au progrès scientifique in fine (ce que GAIA n’est pas, tout en gardant l’esprit critique lorsqu’il y a lieu de nuire à des êtres sensibles et vulnérables de par leur nature même, et qu’ils se retrouvent dans une situation de rapport de force, privés de quasi toute liberté d’action et incapables de donner leur consentement informé. Et c’est là où nous touchons le noeud du problème éthique de l’expérimentation animale.

Plutôt que de dégrader une problématique complexe et légitime en une simplification manichéenne qui perd toute légitimité de part sa simplification extrême, il serait plus sage de faire preuve d’ouverture d’esprit. GAIA reconnait l’importance du progrès scientifique. Nous reconnaissons les contributions historiques de l’expérimentation animale mais nous ne sommes pas aveugles à l’égard du coût moral de cette méthodologie en termes de souffrances et de vies animales.

Idéaliste et pragmatique

Loin d’être une association extrémiste aveugle telle que les signataires de la carte blanche veulent faire apparaître, GAIA s’inscrit dans le courant idéaliste et pragmatique (1) qui cherche des réponses efficaces à la question comment préserver, voire même améliorer la qualité de la recherche scientifique et médicale tout en diminuant progressivement, mais sûrement, le nombre d’animaux sensibles soumis à des expériences douloureuses et létales. L’un n’exclut pas forcément l’autre. Or force est de constater que les statistiques européennes les plus récentes (2) indiquent que la Belgique fait partie des états membres de l’UE où sont effectués le plus grand nombre d’expériences douloureuses, infligeant aux animaux concernés le degré le plus élevé en termes de douleur et de souffrance.

Défi aux chercheurs

Une recherche de haute qualité sans avoir recours à l’usage d’animaux doués de sensibilité, voire de conscience, soumis à ce type d’expériences constitue notre objectif à long terme, sans porter des oeillères idéologiques. A moins long terme, nous définissons des objectifs intermédiaires. Dans la mesure où ces objectifs sont éthiquement bien fondés, ils sont parfaitement légitimes, et font même honneur à notre humanité, tout en posant un défi à la communauté scientifique. Bien sûr, ces objectifs seront plus facilement réalisables au fur et à mesure que des innovations techniques se développent et permettent d’obtenir des résultats plus fiables. Ces objectifs deviendront davantage réalisables à condition que l’objectif à long terme sus-mentionné soit compris par les milieux de la recherche comme une obligation morale tout au moins presque aussi forte que de vouloir faire progresser le savoir scientifique ou de préserver la santé ou la vie humaine. Pourquoi ne pas essayer de relever ce défi ensemble et de trouver des terrains d’entente, plutôt que de se barricader éternellement derrière des positions tranchées, ce qui me paraît contraire à l’esprit scientifique?

(1) Vandenbosch, M. (2017): Les combats de GAIA. Une vie consacrée à la défense des animaux. Borgerhof-Lamberichts. Gand

(2) Taylor, K., Rego, L. (2016): EU Statistics on Animal Experiments for 2014. ALTEX 33

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