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Fin du monde : j’ai participé à un stage de survie urbaine

Comment survivre à Paris ou à Bruxelles en cas de catastrophe sans aucune aide des services publics ? Le temps d’un après-midi, j’ai suivi un cours de survivalisme urbain en compagnie d’une trentaine de stagiaires prévoyants. Une pollution de l’eau, une pénurie de nourriture ou une tempête de neige ? Même pas peur.

Il est 13 heures, aux abords du Théo théâtre, en plein coeur du 15e arrondissement de Paris lorsque David Manise instructeur en survie fait son entrée dans le hall. Ce Québécois de 37 ans, au physique d’armoire à glace né à Bruxelles et qui vit aujourd’hui dans le sud de la France sert la main de tous ses élèves du jour. Etudiant, retraité, haut fonctionnaire, chef d’entreprise, hommes, femmes, ils ont tous des profils différents mais une chose pourtant les réunit : la volonté d’apprendre à survivre 72 heures en ville en cas de catastrophe. « En général, c’est la durée qu’il faut attendre avant que l’aide extérieure puisse arriver », explique d’emblée David Manise.

Dès le départ, une rapide présentation de chaque participant permet de mieux cerner les raisons qui ont poussé les membres de l’assemblée à débourser 75 euros pour assister à ce cours. Il y a les néophytes comme France « qui a suivi son mari », un étudiant aux cheveux longs très attentif « qui craint un bouleversement économique ». D’autres, comme mon voisin qui a vécu l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, ont déjà été confronté à diverses situations d’urgence et pour certains, comme Jorge Aguilera de Bruxelles, il s’en ai fallu de peu. « J’ai échappé à deux tsunamis pour un ou deux jours au Nicaragua et au Costa Rica, j’étais à New-York lorsqu’il y a eu un black-out. Cela fait quand même réfléchir. »

Pour aider les survivalistes en herbe à établir un ordre des priorités en cas d’urgence, David Manise reprend à son compte une règle de Ron Hood, l’un des pères du survivalisme : la règle des trois (voir encadré). Si un jour vous êtes pris dans une catastrophe, peu importe vos connaissances, votre condition physique ou vos outils, c’est d’abord la posture mentale qui détermine votre survie. « Il ne faut pas subir ! », s’exclame-t-il. « On doit sortir d’un état de stress car dans ce cas on a le QI d’un chimpanzé. »

Il faut ensuite très rapidement penser à respirer. En cas de pollution de l’air, par exemple, vous devrez veiller à bien calfeutrer votre domicile en utilisant du scotch, éteignez votre hotte et couper le chauffage. « Pour lutter contre le froid, il faut avoir chez soi une couverture de survie, une tente, des duvets, manger quelque chose et surtout dormir à l’étage ou même sur une table. » Grâce à la magie de la physique, l’air chaud, en effet, monte car il est moins dense et donc plus léger que l’air froid. Enfin, dernier conseil d’ami, si par le plus grand des hasards, vous vous retrouvez perdu en pleine tempête de neige avec seulement un pantalon en votre possession. Oubliez votre amour propre, votre pudeur et enfilez-le autour de la tête et du cou, « les zones à protéger en priorité. »

« Pas parano, juste prévoyant »

« Je m’attendais à des personnes plus borderline, je suis quand même un peu déçue. » En pleine pause, un groupe plaisante à l’arrière de l’amphithéâtre de la petite salle. Il faut dire qu’à quelques semaines du 21 décembre 2012 et de la supposée fin du monde, les survivalistes particulièrement aux Etats-Unis, ont bien souvent mauvaise presse. Une stagiaire, qui estime que la plus grande menace pesant sur elle serait « un risque d’empoisonnement de l’eau par des espions ennemis », renforce quelque peu les clichés… « Je ne suis pas survivaliste. J’ai reçu une cinquantaine de mails de personnes qui souhaitaient connaître des techniques pour survivre à la fin du monde. Ils sont paranos. Cela ne sert à rien de s’enfermer dans des bunkers avec des mitraillettes en attendant d’éventuels zombies. Il y a des petites pilules pour cela », plaisante David Manise entre deux bouffées de cigarette. Les participants ont d’ailleurs bien souvent du mal à évoquer leurs penchants survivalistes avec leur entourage. « Ils me disent que je regarde trop de films, que je suis parano mais je suis prévoyant. La plupart des mes amis comptent sur les services publics. Moi je pense que l’on est très vulnérable en ville », argumente Simon, 29 ans, chercheur en océanographie en reprenant sa place dans l’auditoire.

Pas de panique, en cas de contamination de l’eau, il sera ainsi possible de vous abreuver dans la cuvette de vos toilettes, vos radiateurs ou votre chauffe-eau. Pour filtrer l’eau du robinet contaminée, munissez-vous d’un filtre à 0,2 microns, d’un osmoseur inversé, de pastilles purificatrices et de charbon actif. Avec cet attirail, vous devriez pouvoir vous prémunir contre « la plupart des contaminations. » En ce qui concerne la nourriture, David Manise garde chez lui trois semaines de stock : des conserves et des rations de l’armée. Son réseau de petits exploitants pourra par la suite l’approvisionner. « Les chaînes de distribution fonctionnent en flux tendus. A Paris, ils sont ravitaillés deux à trois fois par jour », explique en connaissance de cause un professionnel de l’agroalimentaire.
Après six heures de cours, la séance du jour se termine par une petite simulation en groupe. Histoire de montrer qu’en cas de catastrophe, votre voisin qui vous empêche de dormir en regardant la télévision jusqu’à quatre heures du matin peut devenir votre meilleur ami. « Plus en tout cas que votre mitraillette » conclut avec humour l’instructeur.
Selon cette règle, l’homme peut rester en vie :

Trois secondes sans prudence
Trois minutes sans oxygène
Trois heures sans abris
Trois jours sans eau
Trois semaines sans manger
Trois mois sans contact social


Jacques Besnard

Stage à Bruxelles le 5 janvier 2012

Plus d’infos sur le site : http://www.ceets.org/

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