Mettre en contact une personne à mobilité réduite avec une personne valide afin de voyager ensemble : la version sociale et solidaire de Blablacar. © BELGAIMAGE

Faciligo, le réseau qui rend le voyage solidaire

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

C’est la toute première plateforme de « covoyage solidaire » au monde. Né en France, ce réseau social encore balbutiant promeut la mobilité pour tous en mettant en relation des personnes fragiles, à mobilité réduite permanente ou provisoire, avec des voyageurs valides, soucieux d’aider tout en faisant des économies.

 » J’ai 75 ans, j’ai le bras cassé et j’ai besoin d’un accompagnement pour me rendre, mardi prochain, de Paris à Bruxelles.  »  » Je suis malvoyante et j’aimerais être accompagnée lors de mes déplacements dans le métro.  » Voilà le genre d’annonces publiées sur le site Web de Faciligo, une start-up du secteur de l’économie solidaire et sociale, adhérente du mouvement des entrepreneurs sociaux (Mouves) et née à Montpellier en 2016. En échange de six euros de frais de mise en relation, payés par le voyageur souhaitant être accompagné pour un trajet en train ou en avion, Faciligo met en contact une personne à mobilité réduite avec une personne valide pour leur permettre de voyager ensemble.

Tout se passe sur la plateforme Internet de la start-up française. Car même si Faciligo bénéficie du statut d’agence de voyage, vous n’en trouverez nulle mention sur le site de la SNCB, de la SNCF ou de l’aéroport d’Orly, avec lequel Faciligo a conclu un partenariat.  » Notre service est encore jeune et méconnu  » reconnaît l’entrepreneuse Hind Emad, à l’origine du projet. C’est donc sur le site qu’accompagnants et accompagnés doivent déposer leur annonce et c’est là aussi qu’ils achèteront leur billet de train ou d’avion, de façon indépendante. Ensuite, la start-up se charge de mettre les voyageurs en contact, en fonction de leurs besoins et affinités.

Comme pour la voiture, l'accompagné verse à l'accompagnant une modeste participation financière.
Comme pour la voiture, l’accompagné verse à l’accompagnant une modeste participation financière.© JEKATERINA NIKITINA/GETTY IMAGES

Un avatar de Blablacar

 » Le principe ressemble à celui du service de covoiturage Blablacar, où le conducteur perçoit une participation financière du passager « , explique Hind Emad. Pour un voyage en train ou en avion, le voyageur accompagné paiera six euros par heure d’accompagnement, à quoi il lui faudra ajouter les six euros de frais de mise en relation.  » Pour un voyage qui dure six heures, l’accompagné payera donc 36 euros + 6 euros de frais à Faciligo. Si le voyage s’est bien passé et que l’accompagné émet un avis positif, nous reversons alors 36 euros à l’accompagnant, sur la cagnotte dont il dispose sur le site Web. Nous gardons seulement les six euros de frais.  » L’accompagnant peut récupérer l’entièreté de sa cagnotte… ou en faire don à une association.

Mais il y a mieux. En Belgique comme en France, un voyageur détenteur d’une carte d’invalidité a droit à un second billet de train gratuit pour un accompagnant.  » Les jeunes plébiscitent Blablacar pour leurs déplacements, parce que ce n’est pas cher. Mais ils ignorent qu’en escortant une personne invalide en train, ils ne paieront rien du tout, tout en rendant service !  » relève Hind Emad. Dans ce cas précis, lorsque les voyageurs sont mis en relation par Faciligo, le covoyageur ne paiera pas son billet dont le prix sera pris en charge par l’opérateur de transports. Quant à l’accompagné invalide, il paiera six euros à Faciligo pour profiter de l’aide d’un camarade de voyage.

En France, 22 millions de personnes dépendent de leurs proches pour voyager.

Pour que les gens fragiles puissent se déplacer en sécurité, gagner en autonomie et ne plus dépendre de leurs proches, Faciligo propose aussi une mise en relation pour des déplacements urbains. Dans certaines cités françaises, comme Montpellier, Rennes ou Lyon, c’est la Ville qui paie le billet de bus ou de métro de l’accompagnant, grâce à un partenariat avec la plateforme. Si le voyageur désirant être accompagné dispose d’une carte d’invalidité, il paiera un euro par trajet à Faciligo pour être mis en relation avec un accompagnant. Sans carte d’invalidité, l’accompagné paiera 2,50 euros par voyage à Faciligo, dont 1,50 euro sera reversé sur la cagnotte de l’accompagnant. La start-up multiplie les contacts avec d’autres villes européennes, pour que ce service prenne de l’ampleur.

Un modèle économique qui se cherche

En 2016, Faciligo faisait partie des lauréats des premiers prix de l’innovation urbaine  » Le Monde – Smart Cities « .  » Pendant les deux années durant lesquelles j’ai développé cette plateforme, Faciligo a gagné énormément de prix, ce qui a permis de lancer le concept « , souligne Hind Emad.  » Il nous faut à présent lever des fonds et booster la communication. Pour garder la tête hors de l’eau, il nous faudrait faire énormément de volume, puisque nous ne gagnons que six euros par voyage. Pour être rentables, nous devrions toucher 300 000 utilisateurs par an « . Aujourd’hui, 50 000 personnes sont inscrites sur la plateforme. On est encore loin du compte.

Hind Emad, qui a fait incuber son projet au BIC de Montpellier – le Business & Innovation Centre, classé 2e meilleur incubateur mondial, selon le classement UBI Global -, avait déjà créé une société d’aide à la personne en 2014. C’est ainsi qu’elle s’est inspirée des besoins des personnes âgées :  » Les seniors me disaient : j’aimerais voyager, aller voir mes enfants, mais je n’ai personne pour m’accompagner ! En France, 86 % des seniors n’osent plus prendre le train parce qu’ils ont peur de se perdre dans les gares, qu’ils n’ont pas l’énergie pour porter leurs bagages et qu’un taxi plus un accompagnement personnalisé, c’est trop cher.  »

L’entrepreneuse s’est aussi appuyée sur les études du laboratoire de la mobilité inclusive qui estime qu’aujourd’hui, en France, 22 millions de personnes dépendent de leurs proches pour voyager. La SNCF, quant à elle, précise que ce sont cinq à six millions de Français qui ont carrément renoncé à prendre le train pour voyager parce qu’ils n’ont personne pour les accompagner. Finalement, en permettant des rencontres humaines et en brisant l’isolement social, Faciligo donne plus que jamais raison à l’exploratrice Alexandra David-Néel, qui écrivait :  » Voyager sans rencontrer l’autre, ce n’est pas voyager, c’est se déplacer.  »

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire