" L'ADN des objets " permet à n'importe quel objet du quotidien de se dupliquer lui-même. © WIKIMEDIA COMMONS

« ADN des objets »: la machine autorépliquante

Rosanne Mathot
Rosanne Mathot Journaliste

L’humain est-il en train de confier aux objets, aux machines et aux robots la clé de leur reproduction autonome ? Une association helvético-israélienne de chercheurs vient de mettre au point un lapin en résine plastique contenant, dans sa matière, de l’ADN artificiel. Celui-ci stocke le programme requis pour réimprimer, à l’identique et à l’infini, ce « Stanford Bunny » originel (un objet en forme de lapin fréquemment utilisé pour tester la validité des graphiques informatiques et des plans utilisés par les imprimantes 3D).

Ils appellent ça  » l’ADN des objets « , les auteurs de l’étude passionnante parue dans Nature Biotechnology dont le travail permet à n’importe quel objet du quotidien de se dupliquer lui-même, en passant par une imprimante 3D. Pour faire simple, le tandem Robert Grass – Yaniv Erlich a inséré, dans de la matière inerte, le  » plan de fabrication  » du fameux lapin, un code inscrit dans un brin d’ADN. Ce faisant, il n’a fait qu’imiter la nature : pour rappel, chaque cellule vivante comporte le programme complet de l’organisme dont elle fait partie.

Concrètement, des gènes synthétiques ont été injectés dans le plastique du lapin-bibelot. En encapsulant ces brins d’ADN, les chercheurs leur assurent une protection durable contre les traitements chimiques et thermiques et, plus globalement, contre les effets du temps. Désormais, l’humain sait donc comment stocker, dans de l’ADN artificiel, n’importe quelle information : le plan-programme d’un objet, mais aussi des clés privées Bitcoin ou des éléments secret-défense…

Une aubaine pour les agents secrets qui pourraient, à leur aise, franchir en toute décontraction l’ensemble des douanes du monde, avec des infos top secrètes discrètement enregistrées dans le verre de leurs lunettes, dans un bouton de chemise ou encore, dans leur montre. De quoi permettre aussi aux archéologues du futur de  » lire « , dans n’importe quel artefact fabriqué par l’homme, des données relatives à notre civilisation. On pourrait – en théorie – grâce à ce procédé, stocker l’ensemble des données de notre planète dans seulement quatre grammes d’ADN artificiel. A titre de comparaison, rappelons que les infos stockées dans l’ADN humain sont de l’ordre de 300 grammes.

En filigrane se dessine la possibilité, pour les machines, de s’autorépliquer via une imprimante 3D, ce qui ne laisse évidemment pas insensibles les scientifiques rêvant de coloniser Mars ou la Lune. Imaginons des robots capables de s’y autoreproduire : que de gain de temps et d’argent ce serait !

Le concept des machines autoréplicables est aussi ancien que l’idée de l’évolution elle-même. Dans son texte  » Darwin parmi les machines « , l’alerte écrivain britannique Samuel Butler donna d’ailleurs la réplique au maître de l’évolution, en prophétisant un monde dans lequel les machines s’affranchiraient définitivement de leurs maîtres de chair… en se répliquant toutes seules. C’était en 1862.

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