Ferre Reggers (numéro 2, à gauche en rouge) est la nouvelle star de l’équipe belge de volley. © Getty Images

Le volley belge va-t-il imiter le hockey? «Ce résultat n’est pas un hasard»

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

L’équipe nationale masculine belge de volley a atteint les quarts de finale des Mondiaux aux Philippines. Grâce aux moyens mis par la Flandre dans son école sportive de haut niveau à Vilvorde, et un peu aux clubs wallons qui se débrouillent comme ils peuvent.

Un Italien averti en vaut visiblement deux. Surpris par la Belgique lors de la phase de poules, les champions du monde en titre italiens ont remis les points sur les i et au marquoir en quart de finale des Mondiaux. A Manille (Philippines), les grands coups de poignet des géants Alessandro Michieletto (2,11 mètres sous la toise) et Roberto Russo (2,07) ont fait craquer les Red Dragons en trois petits sets. La Belgique du volley masculin s’arrête donc là, aux portes du dernier carré, avec un tournoi réussi dans le rétroviseur et l’espoir d’un futur écrit en majuscules. Capitaine trentenaire, le patron Sam Deroo cache mal son amertume face à la lourde défaite, mais glisse une note d’optimisme à l’heure de chanter la conclusion: «Il y a de l’avenir dans cette équipe.»

Il faut dire que contrairement au football, où les premiers exploits de la désormais célèbre «génération dorée» étaient le fruit d’une heureuse collusion de talents, la montée en puissance du volley belge semble plus minutieusement préparée. «On a toujours eu de très bons joueurs qui se sont expatriés. Ça, ce n’est pas nouveau, et c’est encore le cas maintenant avec Sam Deroo qui joue en Russie ou Ferre Reggers en Italie. Ce qu’il manquait, c’était que la sauce prenne», explique Audry Frankart, coach de l’équipe fanion du Guibertin en Ligue A (l’élite du volley belge).

Ses hommes forment l’une des deux seules équipes francophones de la première division nationale, avec celle de Waremme. Si les Liégeois sont un peu plus ambitieux que des Brabançons wallons qui se contentent volontiers du maintien, ils ne tutoient pas encore les grosses écuries flamandes du championnat pour autant. Et si Eric Salmon, membre du comité waremmois et suiveur assidu du volley belge, se réjouit de voir des jeunes de 15 ou 16 ans venir grossir chaque année sa liste d’affiliés ainsi que de constater que la salle se remplit avec «entre 500 et 1.000 spectateurs quand l’hiver pointe le bout de son nez», il doit bien reconnaître que la Wallonie n’a pas encore le rythme de croisière du paquebot sportif flamand: «On a la chance d’avoir de très bons entraîneurs qui ont rejoint la ligue, mais aussi une belle émulation au sein des clubs wallons pour servir de référence régionale avec Guibertin dans le Brabant, Tchalou à Charleroi ou Waremme dans la province de Liège. Nos entraînements ont également évolué, avec une vraie recherche scientifique vers la perfection du mouvement pour frapper la balle. Mais la politique flamande, avec le centre de Vilvorde, c’est encore autre chose».

La machine de Vilvorde

Vilvorde, c’est la nouvelle explication favorite du nord du pays pour raconter l’histoire à succès du volley belge à Manille. Ancien sélectionneur et consultant de la VRT pour couvrir l’événement, Dominique Baeyens connaît tous les contours de la «Topsportschool», école sportive qu’il a aidée à mettre en place et dirigée au nord de la capitale: «Des joueurs comme Seppe Rotty, Simon Plaskie ou Ferre Reggers sont passés par là. De manière générale, je dirais que 70 à 80% des membres des équipes nationales masculine et féminine ont passé les quatre dernières années de leurs études secondaires à Vilvorde.»

Un cursus sportivo-scolaire où les horaires sont bien remplis. On y empile jusqu’à cinq heures de sport par jour, à raison de six jours par semaine, pour développer la quinzaine de talents qui sont choisis chaque année lors des processus de détection puis de sélection soigneusement mis en place par Sport Vlaanderen. Le tout avec un encadrement digne d’une équipe professionnelle, et une intégration d’ailleurs précoce en Nationale 1 et Nationale 2 (troisième et quatrième divisions nationales) où l’école compte des équipes directement confrontées à des adultes de haut niveau. «Les meilleurs talents s’entraînent très vite ensemble, et ça les rend plus forts», explique Baeyens, dans un secteur où rien n’est laissé au hasard pour extraire la crème de la crème d’un vivier «plus petit que l’Italie ou la Pologne, et qui souffre de la concurrence du basket».

«A Vilvorde, ils ne recrutent que des joueurs d’une certaine taille, avec des critères très stricts», complète en effet Audry Frankart. La hauteur finale des volleyeurs et volleyeuses de demain sous la toise est effectivement estimée grâce à des tests, notamment grâce au soutien financier de Sport Vlaanderen qui permet de professionnaliser l’approche. Avec 1,6 million d’euros par an, le volley est le troisième sport le mieux financé en Flandre, derrière le cyclisme et la gymnastique. De quoi affiner les stratégies et obtenir des résultats. Eric Salmon en a la certitude: «Ce n’est plus un hasard, c’est une pyramide de formation.»

Le volley wallon en manque de soutien

En haut de la pyramide, la Belgique s’est depuis peu associée aux Pays-Bas pour que la fin de sa saison devienne une BeNeConference. En résumé, les quatre meilleures équipes de chaque pays s’affrontent dans un tournoi final pour élire le champion. La première mouture, disputée au début de l’année 2025, a vu le couronnement de Knack Roulers, puissance incontestable du volley depuis de longues années et dont l’ossature belge sert de référence à l’équipe nationale. Ils étaient plusieurs Roulariens sur le terrain pour cette victoire contre l’Italie, qualifiée par Dominique Baeyens de «meilleur match de la Belgique que j’ai vu de ma vie».

Plus rares, les Wallons font également partie de l’aventure, avec deux sélectionnés parmi les hommes repris par le coach italien des Red Dragons, Emanuele Zanini. Dix-septième équipe mondiale avant le tournoi, la Belgique a signé des succès autoritaires contre l’Ukraine ou la Finlande, membres du top 20. «Contrairement à la Flandre, qui se repose énormément sur cette école de Vilvorde, le volley wallon vit à travers ses clubs formateurs», justifie Pierre Honnay, manager sportif du club de Waremme. «Récemment, une nouvelle direction sportive à la tête du volley wallon s’est mise en place et a l’ambition, avec des moyens moindres, d’équilibrer les choses en comblant une partie du gouffre avec la Flandre. Des subsides vont être dégagés pour mettre en place une formation spécifique avec des joueurs âgés de 15 à 17 ans, mais le manque de soutien politique reste un énorme frein pour les clubs formateurs. On doit tous un peu faire avec les moyens du bord.»

En attendant, à côté de cette politique à long terme surtout mise en place au nord du pays, avec des entraînements spécifiques pour l’équipe nationale mais aussi les talents les plus prometteurs en marge de la saison officielle, il reste de la place pour les belles histoires. Celle du libéro Gorik Lantsoght, par exemple. A 19 ans, il s’attendait à meubler ses journées en montant des cuisines pour le compte de Thuismakers, sponsor principal de son club du Brabo Antwerp. Le libéro a profité de l’arrivée de son club en Ligue A pour taper dans l’œil du sélectionneur, et s’est distingué sur les terrains philippins. Il n’est pourtant jamais passé par Vilvorde, mais ses prestations contre l’Ukraine et l’Italie devraient lui ouvrir les portes d’une carrière professionnelle à plein temps.

Parce que même dans les scénarios les mieux huilés, il reste une part de chance. «Contre l’Italie, toutes les planètes étaient alignées, conclut Audry Frankart. Maintenant, il faudra voir ce que ça donne sur le long terme.»

Aux Jeux olympiques de 2028, par exemple?

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Expertise Partenaire