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Sport: pourquoi la Wallonie « fabrique » beaucoup moins de champions que la Flandre (analyse)

Guillaume Gautier
Guillaume Gautier Journaliste

C’est un cliché… qui se confirme: les sportifs de haut niveau sont plus nombreux en Flandre qu’en Wallonie. Pour des raisons tenant à la fois des infrastructures, du soutien des pouvoirs publics et de stratégies différentes.

D’où vient le talent ? A-t-il des origines géographiques particulières ? Les médaillés viennent-ils plutôt des villes, ou des champs ? La réponse se trouve quelque part parmi les 360 trajectoires de sportifs de haut niveau analysées par Le Vif.

Et, à l’heure des comptes, la Wallonie est dans les cordes. Sur ces 360 profils, donc, seuls 76 ont grandi sur le sol wallon. Au décompte provincial, Bruxelles et les cinq provinces flamandes mènent un classement où seul le Liégeois semble capable de rivaliser avec les moins prolifiques des entités flamandes. Moins peuplée que le Hainaut, la province de Liège est pourtant deux fois plus prolifique que l’autre grande entité régionale. Alain Etienne (asbl Liège Sports) racontait ainsi dans Sport/Foot Magazine que «Liège a été le berceau de pas mal de sports en Belgique». Point de départ et d’arrivée de la Doyenne des classiques cyclistes, qui crochète par Bastogne pour revenir en Cité Ardente, la ville abrite également le chaudron de Sclessin, salle de spectacle sportif la plus prisée du sud du pays, et place ses clubs de sports collectifs dans la plupart des premières divisions du royaume.

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Un statut de bon élève que d’aucuns relient aux subsides plus importants octroyés par la Province, d’autres préférant mettre en avant le «know how» soigneusement installé aux postes importants du Liégeois. Ancien sélectionneur de l’équipe nationale belge de basket, sextuple champion de Belgique en tant que coach sur les parquets, Giovanni Bozzi occupe ainsi, depuis 2016, la fonction de patron du Service des sports de la Province de Liège, laquelle emploie également des conseillers du calibre de Benoît Thans, Olivier Doll (anciens Diables Rouges) ou Christel Deliège, six fois championne nationale de judo. Toujours est-il que Liège (s’)investit, et ne se prive pas pour le montrer en faisant briller Naimette ou en accueillant régulièrement des événements d’envergure internationale. Au XXIe siècle, la Principauté a ainsi accueilli le départ des trois grands tours du calendrier cycliste (Italie, France et Espagne). Un cas unique pour une ville étrangère.

Le grand plan flamand

De l’autre côté de la frontière linguistique, pourtant, la locomotive wallonne a un train de retard. La conséquence, notamment, d’un système morcelé sur le plan politique, avec un ministère des Sports attelé au pouvoir communautaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles tandis que les infrastructures sportives sont une compétence régionale. Les alliances variant d’une législature à l’autre compliquent encore l’équation face à une Flandre où la N-VA, par l’intermédiaire de Philippe Muyters puis Ben Weyts, gère le portefeuille sportif depuis près d’une décennie. Dans les coulisses du sport belge, on résume souvent la situation d’un pays à deux vitesses par la formule suivante: la Wallonie, dans le sillage de l’Adeps, prône avant tout le sport pour tous, alors que la Flandre a fait le choix de l’élitisme, misant sur l’idée que les champions qui triomphent au plus haut niveau seront une source d’inspiration pour la jeunesse et augmenteront la base sportive nationale.

C’est ainsi que malgré des subsides bien plus importants octroyés au nord du pays, la Fédération Wallonie-Bruxelles accompagne davantage de sportifs de haut niveau (78) que la Flandre (68). Pour cette dernière, les critères d’obtention de ce statut tant convoité – et des avantages qui l’accompagnent – créent parfois des situations étonnantes. Aux Jeux olympiques de Rio, en 2016, le marathonien ouest- flandrien Koen Naert n’a pu faire mieux qu’une modeste 22e place, à trois minutes d’un Top 8 qui sert souvent de juge de paix pour déterminer la réussite d’une performance olympique. Déçue par ce résultat, la fédération Sport Vlaanderen n’a pas prolongé son bail de sportif de haut niveau. Le fondeur s’est alors affilié à l’Excelsior Bruxelles pour obtenir plus facilement un statut protégé du côté francophone et créer la surprise en 2018, à Berlin, en s’offrant un titre de champion d’Europe.

La belle histoire fait néanmoins figure d’exception. Au bout de l’été 2021, dans la foulée de Jeux olympiques historiques pour la Belgique, le quotidien De Morgen soulignait que sur les 44 meilleurs résultats obtenus par nos compatriotes à Tokyo et à Rio, seuls quatre avaient été décrochés par des athlètes francophones entraînés au sud du pays. Les Jeux d’hiver à Pékin, disputés l’année suivante, confirmèrent la tendance avec deux médailles ramenées par les patineurs de vitesse louvaniste Bart Swings et malinoise Hanne Desmet.

«On n’a pas besoin de montagnes pour ramener une médaille», disait déjà le slogan du COIB, rythmé par les couplets du Plat Pays de Brel et illustré par des snowboarders dévalant des terrils. Le Comité olympique belge faisait alors monter la sauce lors d’une campagne publicitaire qui préfaçait les Jeux d’hiver de Pyeongchang, en 2018. Au nord du pays, les annonces furent suivies de faits. A Wilrijk, en bordure anversoise, un sport-études consacré aux sports de neige fut mis en place, avec une piste couverte à disposition des athlètes. Par la suite, ce sont deux pistes artificielles avec pente réglable qui furent inaugurées à Genk. Essentiellement pour les snowboarders, alors en vogue au nord du pays, avec une stratégie bien précise détaillée par Tom Coeckelberghs, responsable «Topsport» chez Sport Vlaanderen: «Nous avons choisi, avec SnowSport et Sport Vlaanderen, de nous concentrer sur ces disciplines de snowboard parce qu’en l’absence de pistes plus longues et pentues, nous ne pouvons pas entraîner d’autres athlètes dans des conditions suffisamment bonnes.» Les 6,4% du budget sportif flamand consacrés aux sports d’hiver sont ainsi répartis entre le snowboard, le short-track (ce patinage de vitesse sur piste courte où brille la fratrie Desmet) et le patinage artistique. «Nous devons investir nos ressources financières de façon très ciblée, reprend Coeckelberghs. De préférence dans des disciplines où nous avons désormais plus d’infrastructures et de tradition pour développer ces athlètes.»

Un sport pas vraiment pour tous, mais un sport qui gagne des médailles.

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