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«Je vais devoir dévier de ma voie»

Julian Nagelsmann a entamé sa deuxième saison au Bayern Munich, avec une équipe remaniée et beaucoup d’attentes.

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L’année dernière, en signant un contrat de cinq ans au Bayern Munich, Julian Nagelsmann est devenu le prince héritier des entraîneurs allemands. Il avait déjà accompli un travail remarquable à Hoffenheim et au RB Leipzig en se distinguant par ses idées novatrices. Il a également essayé de les installer au Bayern, mais ça s’est avéré plus difficile que prévu. Le Bayern a été sacré champion d’Allemagne, mais il a trébuché en quarts de finale de la Champions League et a également été éliminé prématurément en Coupe d’Allemagne. Or, le titre ne suffit pas à un club de ce standing.

Le Bayern a subi une métamorphose cet été. Il y a le départ de Robert Lewandowski, certes, mais il ne doit pas éclipser le fait que le club a investi 137,5 millions en transferts entrants. Le Rekordmeister avait toujours eu un buteur spécifique, mais doit maintenant changer de tactique. Le montant des investissements accroît aussi la pression qui pèse sur les épaules de Nagelsmann, qui a toutefois tiré des leçons des erreurs commises durant sa première saison.

JULIAN NAGELSMANN : Je suis devenu l’entraîneur que je suis parce que j’ai obtenu du succès grâce à mes méthodes de travail et à ma philosophie. Je dispense des exercices différents et variés, souvent complexes, parfois des exercices qui surchargent délibérément les joueurs. Je conçois des situations extrêmement tactiques à l’entraînement, afin de nous adapter à l’adversaire suivant. Ça a toujours été mon mode de fonctionnement.

Le Bayern n’y était pas accoutumé. Un grand club ne s’adapte pas aussi rapidement à son adversaire. Je n’ai jamais considéré ça comme un signe de faiblesse, mais je vais quand même devoir modifier mon cap. On va abréger la préparation à l’adversaire et ne plus s’adapter à lui de la même manière. Au second tour de la saison passée, on a quelque peu perdu notre foi en un jeu varié. J’ai surtout appris à quel point il était important de convaincre chaque joueur, chaque caractère. C’est même plus important, par certains aspects, que l’apprentissage d’une tactique.

Qu’avez-vous appris d’autre?

NAGELSMANN: Comment communiquer avec les leaders d’un groupe, comment les convertir à mes idées. Un nouvel entraîneur doit être à la hauteur. Il ne peut pas demander, après trois séances: «Que fait-on, maintenant?» Il doit se forger une crédibilité. Pour cela, le contact avec les joueurs est crucial. Après tout, je dépends d’eux. L’inverse est nettement moins vrai.

«Au Bayern, il ne suffit pas de communiquer avec les joueurs»

Comment communiquez-vous avec vos joueurs?

NAGELSMANN: Pendant mes vacances, je leur ai régulièrement téléphoné pour leur exposer mes projets: je voulais qu’on se concentre davantage sur nous et moins sur l’adversaire. Je leur ai demandé ce qu’ils en pensaient. Mais au Bayern, il ne suffit pas de communiquer avec les joueurs.

Avec qui d’autre?

NAGELSMANN: Les dirigeants et parfois aussi avec les grands noms du passé. Il faut absolument qu’il y ait un échange d’idées.

Avez-vous sous-estimé cette communication?

NAGELSMANN: J’ai sous-estimé l’importance pour les joueurs d’entretiens individuels. J’ai mené trop peu de conversations de ce genre alors qu’ils en avaient besoin. Ils veulent sentir qu’on écoute leur opinion.

À ce propos, durant les conférences de presse, vous avez souvent dû donner votre avis sur des thèmes délicats: le Covid, la vaccination, le Qatar… Vos déclarations n’ont pas toujours été bien accueillies. Espériez-vous plus de soutien de vos patrons?

NAGELSMANN: Je n’ai pas besoin d’être soutenu, je suis capable d’affronter quelques orages et je donne toujours mon avis durant une conférence de presse. J’ai toujours quelque chose à dire, pas uniquement comme entraîneur, mais en tant qu’homme. Certains apprécient, d’autres pas.

Les collaborateurs du département médiatique vous tapent-ils souvent sur les doigts?

NAGELSMANN: C’est très rare. On a presque toujours le même avis et quand je me suis égaré, je suis toujours prêt à présenter mes excuses.

Thomas Müller a déclaré en mars que le vestiaire était parfois trop critique.

NAGELSMANN: Je sais ce que Thomas veut dire. Il faut être critique, mais il faut également être capable de replacer une courte victoire dans son contexte. Il ne faut pas exagérer. Il faut aussi accepter des compte-rendus critiques car le Bayern en recevra toujours. Mais sans tomber dans un langage dramatique car à la longue, ça donne l’impression que la situation est beaucoup plus noire qu’elle ne l’est.

L’hiver dernier, vous vous êtes plaint que le quotidien Bild ait écrit qu’il fallait réduire le salaire des joueurs non-vaccinés qui étaient en quarantaine. Comment vivez-vous le fait que, tôt ou tard, tout ce qu’il se passe en interne, soit révélé par Bild?

NAGELSMANN: Le football comporte différents groupes d’intérêt, qui veulent tous avoir leur mot à dire et exercent une certaine pression. Inévitablement, certaines choses fuitent. Il faut veiller à ce que ça ne compromette pas le succès de l’équipe. Au Bayern, même nos plans tactiques fuitent. Ce n’est pas bien, mais un entraîneur doit s’en accommoder.

Vous partagez la vie d’une journaliste du Bild. Il s’agit de votre vie privée, mais permettez-nous de poser une question à ce propos: on vous reproche de vous trouver dans une situation qui va vous associer à certaines fuites, que vous critiquez. Qu’en pensez-vous?

NAGELSMANN: Je suis parfaitement conscient de m’exposer à de tels reproches, mais je ne vais évidemment pas compromettre ma carrière. Un entraîneur dépend à 100% de la manière dont ses joueurs exécutent ses concepts. Je n’ai absolument aucun intérêt à trahir quoi que ce soit de la cuisine interne du Bayern. Je serais le premier à être limogé.

«On doit compenser collectivement le départ de Lewandowski»

En fin de saison, vous avez dit qu’il fallait prendre certains risques en football, que vous aviez moins de chances de vous qualifier pour les demi-finales de la Champions League si vous ne preniez aucun risque. Le Bayern vient d’investir 137,5 millions en transferts. Est-ce une prise de risque?

NAGELSMANN: On a en effet dépensé beaucoup d’argent, mais il le fallait pour conserver notre niveau. N’oubliez pas qu’on a perdu en Robert Lewandowski un attaquant qui inscrit cinquante buts par saison. On doit compenser collectivement son départ. Je comprends aussi que ces investissements augmentent les attentes.

Quel a été votre rôle dans ces transferts?

NAGELSMANN: On discute tout en interne. On établit une liste des joueurs qu’on veut. Ensuite, la direction du club et moi nous réunissons. Il ne s’agit pas seulement de dire si un joueur est bon. On veut être sûrs qu’il convient à l’équipe. Je veux donc le rencontrer.

Avez-vous un droit de veto?

NAGELSMANN: Je trouve que le club doit avoir le dernier mot, car la durée de conservation d’un joueur est plus longue que celle d’un entraîneur, surtout s’il s’agit d’un jeune joueur. Le club a donc le droit d’en embaucher un et de demander à l’entraîneur de travailler avec lui. Peu importe que j’aie ou non le sentiment que ce joueur nous convient. C’est différent dans le cas d’un gars plus expérimenté. Oliver Kahn et Hasan Salihamidzic n’engageront jamais un joueur que l’entraîneur ne veut pas.

«On va apporter plus de variété à notre football»

Estimez-vous que l’équipe est renforcée?

NAGELSMANN: Absolument. On a plus d’alternatives.

Le noyau actuel convient-il mieux au football que vous souhaitez développer?

NAGELSMANN: Les joueurs sont toujours plus importants que l’idée de l’entraîneur. L’idée perd en importance en fonction du talent des joueurs. Les grands clubs ont un tel noyau qu’on peut développer n’importe quel système. Ma philosophie, un jeu rythmé qui s’appuie sur la possession du ballon, ne change pas, qu’on procède en 4-3-2-1, en 4-3-3 ou en 3-5-2.

Comment convainquez-vous vos vedettes?

NAGELSMANN: Les joueurs doivent reconnaître qu’ils peuvent toujours progresser ou croire qu’ils peuvent gagner un titre grâce à mes idées. On croit ceux avec lesquels on entretient de bonnes relations. Il faut une certaine force de persuasion et un bon contact.

On raconte que Robert Lewandowski, qui a enfin pu partir, n’était pas vraiment convaincu par vos idées.

NAGELSMANN: C’est totalement faux. Lewandowski avait souvent une perception subjective, ce qui est normal. Ainsi, au premier tour, il avait dit qu’il recevait moins de centres. J’ai vérifié. Il en avait reçu trois de moins que la saison précédente.

À quel point le jeu va-t-il changer, sans lui?

NAGELSMANN: On doit marquer nos buts autrement. À part Maxim Choupo-Moting et Joshua Zirkzee, on n’a plus d’avant-centre typique. Comment compenser ce problème? Chacun va devoir assumer plus de responsabilités, se déplacer davantage. J’y vois un avantage: on va pouvoir apporter plus de variété à notre football.

Quel processus émotionnel votre équipe va-t-elle devoir subir pour connaître le succès en dehors de la Bundesliga aussi?

NAGELSMANN: On doit donner plus de stabilité à nos structures et en retirer beaucoup d’assurance. Et de la confiance dans le déroulement d’un match. La saison passée, on a peut-être changé trop souvent de configuration: 3-5-2, 3-4-3, 4-2-3-1. C’était très clair pour moi, mais peut-être moins pour les joueurs. Parfois, ils n’avaient plus cette assurance typique du Bayern: descendre du car et se dire qu’on mène déjà 2-0. On a encaissé quatre buts à Bochum. Ça peut arriver. Trois buts étaient splendides. Mais je voulais qu’on joue avec une assurance qui nous permette de marquer cinq buts. Peu importe que ce soit le cas ou pas. À Bochum, après le troisième but, je n’ai pas eu le sentiment qu’on pouvait gagner. Or, on doit pouvoir jouer d’une telle manière que même menés 0-3, on pense qu’on va tout simplement revenir à la marque. Si on y parvient, on connaîtra le succès.

Julian Nagelsmann en plein briefing: "Mais au Bayern, il ne suffit pas de communiquer avec les joueurs."
Julian Nagelsmann en plein briefing: « Mais au Bayern, il ne suffit pas de communiquer avec les joueurs. » © Belga

Nouvelle relation

Julien Nagelsmann (35 ans) a davantage fait la une des journaux à sensation à cause de sa vie privée que pour le succès qu’il connaît au Bayern. En juin, l’entraîneur s’est séparé de Verena, son amour de jeunesse, avec laquelle il a deux enfants. Trois semaines plus tard, on l’a aperçu en compagnie d’une journaliste, Lena Wurzenberger, en vacances à Ibiza.

L’affaire n’est pas restée sans suite pour la journaliste, qui suivait le Bayern pour le compte du quotidien Bild. Estimant qu’elle ne pouvait plus être objective dans ses commentaires sur le club, le journal confine désormais Lena aux faits divers.

Lucas Hernández et Benjamin Pavard célèbrent un but avec leur coach. Le Bayern a atomisé l'Eintracht Francfort 1-6 lors de la journée d'ouverture de Bundesliga.
Lucas Hernández et Benjamin Pavard célèbrent un but avec leur coach. Le Bayern a atomisé l’Eintracht Francfort 1-6 lors de la journée d’ouverture de Bundesliga.

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