Le trio vidéo-arbitral face aux écrans de la VAR © Damon De Backer

On a passé un match dans les coulisses de la VAR

Au coeur des polémiques, l’arbitrage vidéo reste un rouage méconnu du grand public. Dans son dernier numéro, Sport/Foot Magazine a levé le voile sur la VAR.

Vendredi soir, 19 heures. Dans le réfectoire du bâtiment de l’Union belge à Tubize, l’arbitre VAR du jour Nathan Verboomen, l’assistant VAR (AVAR) Ken Vermeiren et le Replay Operator Glenn Claes mettent leur repas surgelé dans le four à micro-ondes. Après avoir mangé, l’ancien professeur d’éducation physique M. Verboomen insiste sur quelques points. « Ralentissez les images si nécessaire », dit-il aux membres de son équipe. « Sur les images en direct, on ne voit pas tout. » Il n’a manifestement pas perdu ses réflexes d’enseignant. On s’en apercevra encore après le match Ostende-Anderlecht. Il a aussi beaucoup d’expérience. Il y a vingt ans, Verboomen a commencé à siffler alors qu’il n’avait encore que quinze piges.

Pendant que le trio arbitral prend un café, le responsable technique Xavier Bouquiaux s’affaire dans le Replay Center de la VAR. « Tout doit fonctionner parfaitement pendant le match », dit-il. Bouquiaux habite non loin du bâtiment de l’Union belge et travaille presque tous les week-ends. « Lorsque la VAR a cessé de s’installer dans des camionnettes à côté du stade et qu’il a pris place dans les locaux ici, je me suis inscrit », explique-t-il. En plus de ceci, son travail consiste à faire fonctionner la spidercam lors des grands tournois. « Depuis 2010, j’ai fait toutes les Coupes du monde », avance-t-il fièrement. « Au Qatar, j’ai commandé la spidercam au-dessus du terrain pendant la finale. » Pour ses amis et sa famille, il est donc l’Eden Hazard des techniciens.

Bouquiaux nous montre un dispositif avec un levier comme dans un petit avion. « C’est le DreamCatcher, un système américain homologué par l’UEFA. Avec cela, le Replay Operator recherche les meilleures images pour revisionner une situation. »

Sur huit grands écrans vidéo, les opérateurs de la VAR verront les séquences de match d’ElevenSports. Des câbles partent de tous les stades des clubs de Jupiler Pro League jusqu’à Tubize. « Aujourd’hui, il y a six caméras utilisables », explique le coordinateur de la VAR Christof Dierick, qui suivra tout depuis le deuxième rang. « Pendant les matches de haut niveau, il y a jusqu’à treize caméras dans le stade. »

La VAR aide aussi les médecins

La tension monte. Verboomen s’assied au milieu. En tant qu’arbitre principal de la VAR, il regarde les images du match en direct sur l’écran du haut. En dessous, les images sont diffusées avec un retard de deux secondes. Verboomen, Vermeiren et Claes mettent leurs écouteurs. À partir de maintenant, ils ne s’entendent plus qu’entre eux et entendent également ce que disent l’arbitre sur le terrain, ses assistants et le quatrième arbitre. En appuyant sur un bouton lumineux, ils peuvent communiquer directement avec l’arbitre grâce à son oreillette et son microphone. Aujourd’hui, l’arbitre principal est Wesli De Cremer. « Bonsoir, tout va bien? » demande Vermeiren. « Pour l’instant, oui », plaisante De Cremer.

Alors que Jan Vertonghen, le capitaine de l’équipe d’Anderlecht, tient un discours à ses équipiers réunis en cercle sur la pelouse de la Diaz Arena, Verboomen s’adresse une dernière fois à ses collègues de gauche et de droite avant le coup d’envoi. « Aujourd’hui, chaque décision sera prise par l’arbitre sur le terrain, pas par nous. Ce n’est qu’après que nous pourrons éventuellement intervenir. Si nous intervenons trop tôt, ça revient comme un boomerang. »

Avant la rencontre, les arbitres de la VAR partagent un repas, suivi d’un briefing effectué par l’arbitre VAR du soir, Nathan Verboomen (Copyright : Damon De Backer)

De Cremer siffle le coup d’envoi. Les dix premières minutes restent étonnamment calmes dans la salle de contrôle. « Nathan est un arbitre VAR silencieux », murmure Dierick. Le contraste est frappant avec la communication sur le terrain. L’arbitre De Cremer et ses assistants se parlent constamment. « Du calme, les gars. » « Rentrée pour Ostende. » « Bonne décision. » « Putain, ma cheville. » « Ok, correct. » Et ainsi de suite, tout le temps.

Au Replay Center, on peut entendre une mouche voler lorsque les canaux sonores des conversations sur le terrain sont coupés. Avec un « hors-jeu possible », Vermeiren rompt le silence. Et quelques instants plus tard, Verboomen revisionne un tacle. L’opérateur Claes prépare les images. Rien d’incorrect, c’est le verdict rapide. Pendant le revisionnage par l’arbitre VAR, l’assistant continue à regarder les images en direct du match. De cette façon, l’équipe ne peut rien manquer.

À la troisième minute, le joueur d’Ostende Brecht Capon reste couché sur le terrain après une collision. « Wes (De Cremer, l’arbitre, ndlr), va dire aux médecins que c’était tête contre tête », dit Verboomen dans son micro. L’arbitre VAR fournit également une assistance médicale.

Le doigt sur l’oreille, signe de la VAR

« Le jeu d’Anderlecht est tellement médiocre qu’on pourrait croire que c’est l’équipe en blanc qui est avant-dernière au classement, et non Ostende », déclare le commentateur Peter Vandenbempt sur la chaîne flamande Radio 1. Ces paroles à peine prononcées, voilà que l’impensable se produit: Anderlecht marque. Amir Murillo inscrit un but sorti de nulle part. En un rien de temps, la VAR vérifie qu’aucune faute n’ait été commise, poussée ou tirage par exemple. « Check complete, correct goal », dit Verboomen à l’oreille de De Cremer. Avant de s’adresser à ses collègues dans les locaux de la VAR: « Il n’y a aucune raison d’attendre. On peut reprendre le jeu, tout semble correct. »

À la mi-temps, la faiblesse du niveau de jeu n’est pas un sujet de conversation au Replay Center. « On regarde le match de manière très technique », explique-t-on. « On ne le suit pas comme un supporter ou un analyste, et on n’examine pas qui joue bien ou mal. »

Il n’y avait pas grand-chose à signaler jusqu’à ce qu’Anderlecht porte le score à 0-2 à la 89e minute. Anders Dreyer conclut une attaque intelligente sur un centre de Yari Verschaeren. Mais… l’arbitre De Cremer met un doigt sur son oreille. Le signe universel que le Replay Center cherche le contact. La captation montre aux téléspectateurs à la maison une image fixe du nouvel attaquant d’Anderlecht, Islam Slimani, hors-jeu d’un pied. Ce qui suit est la confusion désormais classique. Ni le public dans le stade ni les téléspectateurs à la maison ni les commentateurs ne savent exactement ce qu’il se passe. « J’aimerais revoir la ligne si nous l’obtenons », déclare le commentateur d’Eleven, Nicolas De Brabander. « Sur la base de l’image que nous venons de voir, il faut annuler », déclare le co-commentateur Gilles De Bilde. Après quelques remplacements, le jeu reprend. « Bizarre », conclut De Bilde.

Quelques instants plus tôt, dans le Replay Center… Après avoir tiré la ligne de hors-jeu, Verboomen rend son verdict, avec une conviction totale: « Check complete. Correct goal. » Quelques instants plus tard, la VAR transmet l’image avec la ligne tracée à la régie, afin que les téléspectateurs puissent également constater qu’il n’y avait pas de hors-jeu sur le but de Dreyer. « Étrange », rapporte le site internet de Sporza, « car le replay nous a montré le contraire. » L’explication de la VAR ne convainc personne à ce moment-là.

VAR et nouvelle attaque

Après six minutes de temps additionnel, Verboomen lance le décompte: « 3, 2, 1, tuuuut ». Le coordinateur de la VAR Dierick secoue la tête. Il est clair que l’aide verbale à l’arbitrage ne fait pas partie des tâches essentielles de l’arbitre vidéo.

Lorsqu’on demande à l’équipe de la VAR comment elle a vécu ce match ennuyeux, Verboomen proteste. « Dans ce match, il y a eu un certain nombre de situations extrêmement intéressantes que l’observateur extérieur n’aura pas vues ou ne comprendra pas immédiatement ». Du point de vue de la VAR donc, qui diffère clairement du point de vue technique du football. Ce qui suit est un cours accéléré de VAR pour les débutants.

Chaque phase litigieuse est passée au peigne fin (Copyright : Damon De Backer)

Verboomen montre la phase juste avant le 0-2 de Dreyer. Elle montre clairement que Slimani était effectivement hors-jeu d’un pied. Verboomen: « La question pour nous était de savoir si une nouvelle attaque commençait après ce hors-jeu ou si nous étions toujours dans la même attaque. Le ballon se dirige vers le milieu du terrain. C’est là que pour nous, en tant que VAR, une nouvelle attaque commence et nous ne sommes donc pas intervenus. Bien qu’il n’y ait aucun doute sur le fait qu’il y avait un hors-jeu. »

Selon Verboomen, ça met en évidence le gros point sensible de la perception de la VAR. « Le problème est que les amateurs de football et les analystes ne comprennent pas cela. Parce que pendant la retransmission en direct, l’image montre que Slimani est hors-jeu. Les gens ne reçoivent pas l’explication de cette phase. Ils ne savent pas qu’une nouvelle phase a commencé et que nous ne sommes donc pas autorisés à intervenir. On ne peut pas expliquer tout ça. »

Et Verboomen veut revoir une autre phase. « À la 62e minute, on a observé une main dans la surface de réparation d’Ostende », explique-t-il. La frappe de Yari Verschaeren est dirigée vers le but. Le défenseur central Matej Rodin défend avec les mains derrière le dos et peut dégager. Rien d’incorrect. Au sens propre et au sens figuré. C’est du moins ce qu’il semble. Au Replay Center, la VAR a observé cette phase sous un angle de caméra différent. On peut y voir Rodin baisser malgré tout le bras vers le ballon, par réflexe.

« Après notre analyse, nous avons constaté qu’il s’agissait d’un contact innocent », dit Verboomen. « Personne ne l’a remarqué pendant le match. Personne n’a protesté. Sur les images en direct, on ne le voit pas. Je ne pense pas que l’arbitre ait commis une erreur claire et évidente en ne sifflant pas un penalty. C’est pourquoi nous ne sommes pas intervenus. Si Wesli avait quand même sifflé un penalty pour cette faute de main, nous ne serions pas intervenus non plus. Parce que l’on pouvait accorder un penalty pour cette phase. »

Bienvenue dans le monde de la logique de la VAR. C’est l’exemple d’une phase qui passe sous silence alors qu’elle aurait pu donner lieu à une discussion. Au stade et à la maison, aucun supporter n’a vu de quoi il s’agissait exactement.

Qui travaille dans le Replay Center ?

• VAR : Nathan Verboomen. Est assis au milieu des trois chaises. L’arbitre VAR doit avoir de l’expérience comme arbitre et suivre une formation.

• Assistant-VAR (AVAR) : Ken Vermeiren. Il est le bras droit de l’arbitre VAR et suit le match en direct lorsque ce dernier analyse une phase.

• Replay Operator : Glenn Claes. L’homme actif aux boutons, aux manettes et aux écrans. Il se charge de revoir les images, de les accélérer, de les ralentir et de les préparer pour l’arbitre VAR.

Conclusion pour Verboomen: « Si nous étions intervenus pour la faute de main, un penalty aurait pu suivre. Et pour ce hors-jeu, un but aurait pu être refusé. Tout n’est donc pas aussi facile que beaucoup le pensent. Officier comme arbitre VAR n’est vraiment pas simple. Mieux l’arbitre siffle, plus c’est facile pour nous. Parce que ce sont les décisions sur le terrain que nous devons remettre en question ou non. »

Il est maintenant plus de 23 heures. Préfèrent-ils travailler au Replay Center de la VAR comme maintenant ou au stade? « Ce qu’on préfère, c’est siffler sur le terrain », entend-on en chœur. « La VAR est apparue soudainement », dit Verboomen. « Si c’était mieux avant? On doit revenir à la situation où l’arbitre est le seul à décider. La VAR n’est qu’une solution de secours. Pour moi, c’est une valeur ajoutée. Il y a moins d’erreurs. Il y aura toujours des discussions. Le football n’est pas noir ou blanc. Ça reste un travail humain. Ce qui ne veut pas dire qu’on ne devrait pas s’efforcer de prendre des décisions correctes à 100%. »

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