A l’origine du soft hooliganisme, un groupe de supporters suédois de l'équipe nationale féminine, créé en 2017. © Belga

Le soft hooliganisme: un max de bruit dans les stades mais sans coups, ni insultes

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Né en Suède à l’initiative de deux supportrices de football, le soft hooliganisme prône un soutien indéfectible, à coup de chants emblématiques et de banderoles, à son équipe fétiche. Mais sans les dérapages et dans une ambiance positive et inclusive.

En 2017, alors qu’elles assistent à l’Euro féminin aux Pays-Bas, Kajsa Aronsson et sa fille, Estrid Kjellman, ont l’idée de créer un mouvement destiné à soutenir les joueuses scandinaves, sans faire usage de la moindre violence et de manière inclusive, notamment envers la communauté LGBTQIA+. Un hooliganisme positif qui se veut à l’opposé de celui qui s’exprime à travers les insultes (racistes ou homophobes), les incivilités et les actes de vandalisme. Les partisans (Soft Holligans) de ce hooliganisme doux entendent faire un maximum de bruit pour encourager leur équipe mais sans chercher à dénigrer, insulter ou provoquer les joueurs et les supporters adverses. Il y a bien un peu de moquerie, mais toujours avec humour et bienveillance, défendent-ils. Le groupe Facebook créé par Kasja et sa fille compte près de 6.000 membres. Mais leur présence, dans les stades comme sur les réseaux sociaux, ne plaît pas toujours. Depuis la création de leur mouvement, les Soft Hooligans sont victimes de harcèlement et de discrimination en ligne. 

Un terme bien choisi?

Utiliser l’étiquette «hooliganisme» pour désigner un mouvement non violent est interpellant, estime Natacha, supportrice de longue date de l’Union Saint-Gilloise (USG) et fine observatrice de la dynamique des stades de football. «Je me questionne sur le terme « hooliganisme ». Est-il bien choisi? Faut-il chercher à l’adoucir? Selon moi, ce groupe se rapproche plus de la culture « ultra », qui consiste à défendre son club à coups de chants, de pyrotechnie et de drapeaux, bien que dans les pays du nord de l’Europe, le hooliganisme prenne un place importante dans les tribunes mais de façon plus cadrée. C’est une forme de hooliganisme « sain ». Ce qui importe, c’est la dimension qu’on souhaite donner à la démarche. Il est possible de se réapproprier l’identité d’un groupe, en choisissant ses propres codes, ses propres règles, mais sans pour autant utiliser le nom « ultra » ou « hooligan ». A moins qu’il s’agisse d’un acte militant…»

Dans l’imaginaire collectif, le hooligan est de nationalité anglaise. Il est jeune, de sexe masculin, mal inséré socialement, délinquant dans la vie ordinaire, imbibé d’alcool et prend prétexte du match de football pour venir commettre ses méfaits dans le stade.

Selon une récente enquête menée par des chercheurs de l’ULB et de la VUB, en partenariat avec Le Soir, Sudinfo, RTL Info et Het Laatste Nieuws, les femmes sont de plus en plus présentes dans certains stades belges. Elles représentent 25% des abonnés à l’USG, alors qu’elles ne sont toujours que 14 % au Standard et 12% à Charleroi.

Les « soft hooligans » lors du championnat d’Europe féminin, qui s’est déroulé en juillet 2025 en Suisse.

«Le football reste un sport très masculin. Dès qu’une femme s’exprime sur le sujet, on lui assène de retourner dans sa cuisine. Pour créer un groupe de femmes qui s’engagent dans les tribunes, il faut avoir les reins solides, assure Natacha. Je ne suis pas certaine que le monde du foot soit prêt à accepter cela. Déjà que le football féminin galère pour se faire une place…»

«Ultras» au féminin

La violence dans les stades est-elle exclusivement le fait d’un public masculin? Les femmes jouent-elles un rôle actif dans le hooliganisme? La question est très peu étudiée. Dans une analyse (un peu datée mais qui donne tout de même un certain éclairage, «Les femmes hooligans : paralogisme ou réalité sociale éludée?», Science et motricité 2007/3)) sur le rôle des supportrices dans les débordements, des chercheurs français rappellent que «traditionnellement, dans l’imaginaire collectif, le hooligan est de nationalité anglaise. Il est jeune, de sexe masculin, mal inséré socialement, délinquant dans la vie ordinaire, imbibé d’alcool et prend prétexte du match de football pour venir commettre ses méfaits dans le stade».

La réalité est nettement plus complexe. Selon les données qu’ils ont recueillies, seules 8,8% des femmes admettent être impliquées dans des actes de violence physique, une proportion nettement inférieure à celle des femmes mises en cause pour des faits similaires dans la société civile. La tranche d’âge de femmes la plus représentée dans les groupes de hooligans est 17-24 ans (33%). Toutefois, si les femmes ne finissent pas souvent au cœur des bagarres, elles y participent souvent de manière détournée, puisque «certaines héritent cependant d’un rôle très important,celui de responsables des emblèmes et des insignes.»

Sur le site du Huffingtonpost, Sébastien Louis, sociologue et spécialiste du supportérisme, observe pour sa part qu’il y a «de plus en plus de femmes ‘ultras’, en Europe mais aussi partout dans le monde, notamment au Maghreb».

«Dans le foot, on a un public très particulier, les stades sont le miroir des sociétés, mais un miroir déformant, souligne-t-il. On trouve toutes les classes sociales, toutes les ethnies, toutes les religions, ils sont très représentatifs à l’exception d’une chose: les femmes restent minoritaires.»

*Selon le Larousse, le terme «ultra» désigne un supporteur qui encourage son équipe (de football, particulièrement) de manière extrême, afin de la soutenir lors des rencontres dites à l’extérieur, au moyen de chants continus et d’animations visuelles durant les matchs, au cours des déplacements, etc. Les ultras s’organisent souvent en une structure indépendantevdu club qu’ils soutiennent. Quant au hooligan, il s’agit d’un «voyou qui se livre à des actes de violence lors des compétitions sportives».

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