Volte-face
Naturel, spontané, proche de ses joueurs et ambitieux. Telles sont les caractéristiques qui définissent le mieux l’entraîneur carolo. Mais le T1 brugeois n’est-il pas beaucoup plus retors ?
L’herbe est fraîchement coupée et sent bon. En ce mercredi, les joueurs carolos ont pris possession de leur aire d’entraînement à Marcinelle. A première vue, on croirait que rien n’a changé depuis la saison passée. Les séances ressemblent de loin à celles concoctées par Jacky Mathijssen. Pourtant, l’homme au costume bleu d’entraîneur n’est plus le même. La page Mathijssen est bel et bien tournée. Si les phrases choc de Philippe Vande Walle ont déjà contribué à sa réputation lors des interviews, il est, là, très calme, loin du cliché d’amuseur public et de clown de service. Ses recommandations tombent au compte-gouttes. » Ouvrez le jeu ! Je veux davantage d’animation sans ballon « , crie-t-il. Parfois, il lâche une formule dont il a le secret. » On ne ramasse pas les billes cassées « , dit-il à l’encontre d’un joueur coupable de ne pas rattraper une perte de balle.
11 h 40 : la séance touche à sa fin. Lors des étirements, Vande Walle n’hésite pas à dicter ses dernières consignes. » Si on utilise nos points forts, à savoir la technique individuelle dans un esprit de groupe, on va bouffer nos adversaires. Même chez eux. Mais si on ne presse pas en groupe, on va se faire niquer… « . Tout cela avant de relâcher la pression en souhaitant un joyeux anniversaire à Majid Oulmers et en rappelant aux joueurs désireux d’effectuer le ramadan de ne pas hésiter à venir le trouver en cas de problèmes. Après quatre mois à la tête de son groupe, Vande Walle l’a déjà bien en main.
C’est pourtant avec un certain scepticisme que tout le monde a accueilli la nomination de Vande Walle à la tête des Zèbres. » Il semblait tellement détaché de toutes les contraintes et les responsabilités qui incombent au T1 que personne n’aurait misé sur lui « , confie un proche du club, » Certes, on voyait bien que Dante Brogno était tombé en disgrâce et on sentait que le président ne le choisirait pas pour prendre les rênes du club. Thierry Siquet semblait plus à même d’être promu. Sans doute a-t-il payé le fait d’être trop proche de Mathijssen « . Et c’est Vande Walle qui a surgi. » Il était présent dans le staff précédent mais son boulot d’entraîneur des gardiens le plaçait un petit peu à l’écart « . Ce qui expliquerait qu’il n’ait pas pâti d’une proximité avec Mathijssen.
Mais qui est cet homme, connu de tous les observateurs grâce son expérience de 460 matches en D1 sous les maillots de Bruges, Ekeren, du Lierse et d’Alost, mais dont la capacité à entraîner une équipe de D1 reste une énigme ? Quelqu’un de paradoxal. Un wallon, profondément carolo par sa manière d’être et sa spontanéité naturelle, mais viscéralement flamand, lui qui a passé toute sa carrière de joueur dans des cercles du nord du pays. Un amoureux de la vie, de ses plaisirs et autres plaisanteries mais un travailleur sans commune mesure.
» A Bruges, il n’arrêtait pas de plaisanter mais on voyait qu’il aimait travailler « , explique Franky Van Der Elst, qui l’a côtoyé de 1984 à 1990, » C’est quelqu’un qui a besoin de souffrir pour bien se sentir dans son corps. Il avait une grande capacité à supporter les efforts physiques. Il avait apporté sa joie toute wallonne mais il a vite assimilé le caractère flamand. Bruges est devenu l’équipe de son c£ur et, à une époque, il a même emménagé dans la région brugeoise. Pour lui, c’était un rêve de jouer pour le Club « .
Ambition et rage de vaincre
Paradoxal aussi de se satisfaire de son statut de réserviste mais de cultiver une ambition dévorante. » Sur le terrain, c’était un gagneur « , continue Van Der Elst. » Il avait la rage au corps. Pourtant, il a su se montrer patient. Il s’est d’abord contenté d’observer et d’être la doublure de Birger Jensen. Il l’admirait et il y avait un respect énorme entre les deux gardiens. Mais quand son tour est venu, il était prêt. Il n’a pas fallu le lui dire deux fois avant qu’il ne saisisse sa chance « . Un peu comme à Charleroi.
» Il n’a pas voulu devenir entraîneur principal « , explique Majid Oulmers, « mais on sent qu’il y a pris goût très vite « . Voilà pour la version idyllique. Quand à la version plus pernicieuse : » Quand Jacky Mathijssen a été limogé, personne ne devait reprendre les rênes. Le staff devait collectivement s’occuper des quatre dernières rencontres mais Philippe Vande Walle a sauté sur l’occasion « , explique ce proche du club.
Désormais, Vande Walle entend faire rejaillir sur le groupe toute son énergie. » Il est hyper motivé et hyper organisé. Il transmet à l’équipe sa propre motivation. On sent qu’il a un grand vécu du championnat belge et on perçoit qu’il a côtoyé de grands entraîneurs « , commente Frank Defays.
» Il n’y a pas à dire : il a le goût de la victoire et de la gagne « , surenchérit Bertrand Laquait, » et cela se remarque aussi dans sa façon d’appréhender une rencontre. Il veut sans cesse que son équipe attaque. C’est sa volonté et celle des dirigeants. On rentre sur le terrain pour gagner. Vous allez me dire qu’avec Mathijssen, c’était déjà le cas. C’est vrai mais à l’époque, tout était plus calculé. On attendait le bon moment avant de placer une banderille. Avec Vande Walle, tout est plus direct. On veut faire la différence d’emblée, le plus vite possible. On n’attend plus la deuxième mi-temps avant d’assommer l’adversaire « .
Joueur-entraîneur
En acceptant la lourde succession du monument Mathijssen, Vande Walle se mettait une grosse pression sur les épaules. D’autres avant lui ont sacrifié leur personnalité sur l’autel de la réussite. Pas lui. Oulmers : » Il n’a pas changé. Il avait déjà son style lorsqu’il était entraîneur des gardiens. Même après notre mauvais début de championnat, lorsqu’il fut mis sous pression, il est resté le même. Quand il déclare qu’il ne connaît comme pression que celle des pneus de son vélo, je pense que c’est vraiment le cas ! «
» Il n’a pas deux visages, il n’en a qu’un « , renchérit Laquait, » Il sait nous protéger. Même dans la défaite, il a préféré relever nos points positifs, afin de ne pas nous décourager. Il a certainement plus de stress et de responsabilités mais rien ne transparaît. Il apparaît toujours aussi décontracté « .
Le capitaine Defays nuance toutefois : » Il a conservé sa ligne de conduite mais il avait besoin de quelques bons résultats pour se libérer. On ne l’a jamais senti crispé mais on a perçu malgré tout qu’il se sent de mieux en mieux dans son nouveau costume « .
Avec les joueurs, Vande Walle a adopté également le ton de la proximité. Laquait : » Il est très proche du groupe, passe dans les vestiaires, vit dans le groupe. Il est presque joueur-entraîneur. Il n’est pas avare de plaisanteries mais tout cela s’arrête quand on monte sur le terrain. Il arrive toujours à garder la distance nécessaire pour ne pas se faire avaler par son noyau. Mathijssen était plus éloigné. Avec lui, parfois, il n’y avait pas lieu de discuter. Il savait ce qu’il voulait. Avec Vande Walle, c’est un peu différent. On peut discuter de tout. Il est toujours disponible et à l’écoute et prend ensuite les décisions « .
Propos confirmés par Defays : » Il parle beaucoup avec moi. Mais pas rien qu’avec moi. Il prend la température sur le niveau de fatigue de chacun. L’avis des cadres compte beaucoup pour lui. Il fait le tour de la question et tranche par la suite « . Quant à Oulmers, il ajoute : » Tout cela s’explique par le fait qu’il n’a pas arrêté sa carrière depuis longtemps. Il s’informe auprès des joueurs. Notamment au niveau des blessures. Il parle d’abord aux joueurs avant de demander l’avis des médecins. Il considère que le meilleur médecin, c’est le joueur « .
Discours simple et imagé
Proximité et simplicité. Deux mots clés pour Vande Walle. » Ses discours sont simples, jamais compliqués. Ses consignes sont claires « , résume Oulmers. » Son discours fleuri est plus accentué devant la presse « , sourit Defays, » Avec le groupe, c’est un langage de coach avec un côté naturel qui tombe bien « . Laquait renchérit : » Il passe du discours psycho-moral à la tactique. Il aime rentrer dans le lard en utilisant des mots comme – on va se bouger les c… Bon, je ne sais pas si vous pouvez écrire tout cela mais c’est bien son langage. Dans le groupe, cela ne choque personne. Le fait qu’il alterne les temps calmes avec les temps forts permet de réveiller le groupe quand celui-ci ronronne « .
La télévision en redemande et les supporters commencent à apprécier celui qui ne se gonfle pas le cou.
Fan de Bundesliga
Les quatre victoires obtenues en clôture du dernier exercice ont lancé la carrière d’entraîneur de Philippe Vande Walle. Pourtant, elles avaient été obtenues avec le système mis en place par son prédécesseur. » Il a travaillé quatre ans avec Mathijssen et il a préféré rester dans la ligne de conduite du Limbourgeois. Par facilité. On n’allait pas tout changer à quatre journées de la fin « , explique Oulmers, » Cependant, quand on a repris les entraînements, il a directement apporté sa touche. Il regarde beaucoup les matches de Bundesliga et il aime le jeu physique. Il veut allier notre jeu technique avec davantage de physique « .
Le schéma de la semaine et la répartition des entraînements ont très peu évolué. » Maintenant, le vendredi est réservé à la vidéo « , conclut Defays. » Mario Notaro décortique le jeu des adversaires. C’est une nouveauté et cela fait aussi partie de sa griffe. Il délègue beaucoup à ses adjoints alors que Mathijssen voulait avoir la main mise sur tous les aspects de l’entraînement. Il n’y a que le travail spécifique aux attaquants qu’il laissait à Dante Brogno. Vande Walle responsabilise davantage son staff. Cependant, c’est toujours lui qui prend les décisions. En cas de mauvais résultats, il portera l’étendard avec ses c… mais en cas de bons résultats, il partagera la gloire avec son staff « .
par stéphane vande velde
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