
Un petit air de guerre
Cette fois, pas de Nicolas Colsaerts ni de Thomas Pieters pour représenter la Belgique au tournoi de golf le plus médiatisé du monde : la Ryder Cup. Ce duel entre l’Amérique et l’Europe, qui se déroule tous les deux ans, est une source inépuisable d’anecdotes. En voici quelques unes.
La première : juin 1927
La toute première Ryder Cup, ainsi baptisée en l’honneur de l’homme d’affaires anglais Samuel A. Ryder, promoteur du golf, s’est déroulée en 1927 dans le Massachusetts. C’était alors un duel entre Britanniques (et Irlandais) et Américains. Sam Ryder poursuivait un objectif : miner la domination – et l’arrogance – de l’Amérique en golf. Initialement, il n’y est pas parvenu. Ce n’est qu’à partir de 1979, quand la Grande-Bretagne et l’Irlande se sont renforcées avec des joueurs issus d’autres pays européens, que le tournoi s’est équilibré. Depuis, la rivalité entre les deux continents n’a cessé de croître.
Le coup le plus fou : Gene Sarazen en état d’ébriété
Selon la légende, l’Américain Gene Sarazen, fils d’immigrés italiens, a réussi un des coups les plus mémorables en 1931, sur le domaine de Scioto. Son coup a atterri dans un stand Coca-Cola. Normalement, on écope d’un point de pénalité et on reprend son parcours au même endroit mais Gene avait découvert une brèche derrière le frigo. Comme il s’agissait d’un obstacle non naturel et déplaçable, il avait demandé qu’on le retire. Le tenancier avait aidé le golfeur et son caddie à reculer le lourd engin. Ensuite, Sarazen a expédié son deuxième coup à travers la fenêtre, sur le green. De là, il avait envoyé la balle dans le trou : par. Son concurrent anglais Fred Robson était tellement perturbé qu’il ne toucha plus une balle et perdit le match.
Le tournant : The Belfry 1985
L’équipe européenne s’est étoffée à partir de 1979 mais elle a dû patienter trois éditions avant de s’imposer une première fois contre l’Amérique dans sa nouvelle forme. Sur un score impressionnant, en plus : 16,5 – 11,5. Ce premier succès en 28 ans a constitué un tournant dans les rapports de force entre les deux continents et cette tendance se poursuit depuis le début du siècle : l’Europe a remporté six des huit confrontations qui ont eu lieu depuis 2000. L’Écossais Sam Torrance et les Anglais Paul Way et Ian Woosnam, à peine plus grands que leur driver, ont été à la base du succès de l’équipe, qui comprenait quatre Espagnols. Les Américains ont très mal vécu leur défaite sur le terrain de Belfry, le port d’attache du PGA britannique, près de Birmingham. Ils ont accusé les Européens de tous les maux, comme d’avoir marché sur leur trajectoire de tir ou harcelé leurs femmes. Le capitaine Lee Trevino, qui avait le verbe franc, a parlé de guerre. Ce fut encore le cas lors de l’édition 1989, à nouveau au Belfry. Le légendaire golfeur espagnol Seve Ballesteros s’est disputé avec son concurrent direct, Paul Azinger. L’aimable Seve a perdu son sang-froid le dimanche, quand Azinger, véritable bête de compétition, a protesté contre sa demande de remplacement d’une balle abîmée. Azinger a gagné la partie mais ça n’a pas suffi à priver l’Europe d’une troisième victoire d’affilée.
Le plus dramatique : Kiawah Island 1991
Une des éditions les plus passionnantes de l’histoire de la Ryder Cup, sur le splendide Ocean Course, sur la côte est de l’Amérique. Europe et Amérique étaient à 8-8 à l’entame du dernier jour. Les matches en simple aboutirent aussi à un nul, jusqu’au duel entre l’Allemand Bernhard Langer et l’Américain Hale Irwin. Langer, réputé pour son calme et sa précision, n’avait plus qu’à envoyer la balle dans le trou, à deux mètres, pour porter le score à 14-14, ce qui aurait permis à l’Europe de conserver le trophée. Mais… le spécialiste a loupé son coup.
Le plus controversé : the Battle of Brookline
Les Américains ont pris leur revanche sur le déroulement du tournoi 1985 en 1999, à Brookline, Massachusetts. C’est le plus ancien green américain. Au 17e trou du simple entre José Maria Olozabal et Justin Leonard, ce dernier savait qu’il pouvait plier le duel d’un put des 14 mètres. La balle a majestueusement roulé d’un coin du green sur un renflement du terrain avant de tomber gentiment dans le trou. Olozabal a égalisé mais toute la délégation américaine a sprinté sur le green puis dansé et sauté de joie. Le capitaine américain Ben Crenshaw s’est même couché pour embrasser le gazon. Frustré par un tel manque de sportivité, l’Espagnol a raté son coup. C’était la douloureuse finale d’une édition remplie d’incidents entre supporters et joueurs. Les golfeurs européens avaient été constamment conspués et insultés. Ça allait devenir une constante du tournoi, surtout en sol américain. Nos compatriotes Nicolas Colsaerts (en 2012 à Medinah) et Thomas Pieters (en 2016 à Hazeltine) en ont fait la triste expérience. Les golfeurs les plus connus, comme Sergio Garcia et Rory McIlroy, sont constamment visés. Ce genre de choses n’arrive pas en Europe. »
Le come-back le plus mémorable : the Miracle of Medinah
La Ryder Cup 2012 a été mémorable pour plusieurs raisons. Pour nous, les Belges, parce que le capitaine José Maria Olozabal avait donné une wild card à Colsaerts, qui devenait le premier représentant du Benelux à ce tournoi. The Belgian Bomber a fait parler de lui d’emblée en enlevant son fourball le premier jour, aux côtés de Lee Westwood, face au duo Tiger Woods– Steve Stricker. Le deuxième jour s’est moins bien déroulé et à l’entame de l’ultime journée, l’Europe était menée 6-10. Elle devait donc gagner huit des douze dernières parties pour égaliser et conserver le trophée.
Ce fut le plus beau come-back de l’histoire de l’épreuve. Colsaerts perdit bien son duel contre Dustin Johnson mais le beau parcours de l’Allemand Martin Kaymer permit à l’Europe de triompher 14,5-13,5, après trois journées passées dans une atmosphère hostile. The Miracle of Medinah était né. Un Olozabal ému, en pleurs, dédia la victoire à son ami et inspirateur Seve Ballesteros, décédé un an plus tôt d’une tumeur au cerveau.
C’est toutefois l’Anglais Ian Poulter, qui s’était sublimé, qui était le visage de cette édition. C’est pour cela que malgré peu de résultats brillants ces dernières années, le capitaine Thomas Bjorn lui a offert une wild card cette année. Poulter vit le golf avec beaucoup d’expressivité. À chaque point réussi, il serre les poings, les yeux brillant de passion. Il est Mister Ryder Cup.
Le plus émouvant : le chagrin de Darren Clarke
L’édition 2001 a été reportée d’un an suite aux attentats de New York. En 2002, c’est une équipe américaine encore marquée par les événements mais déterminée à faire preuve de résistance qui s’est présentée au Belfry. C’était sans compter avec les Européens : Phil Mickelson et Cie ont repris l’avion les mains vides. Mais on n’a plus jamais vu les Américains aussi désemparés après une défaite.
En 2006, deux éditions plus tard, l’émotion a refait surface. Ce fut le tournoi de Darren Clarke. L’aimable Irlandais du Nord, très apprécié dans le milieu, avait perdu son épouse Heather des suites d’un cancer six semaines plus tôt. Clarke avait accepté la wild card offerte par le capitaine Ian Woosnam. Pour lui, c’était l’occasion de rendre hommage à sa femme, qui adorait la Ryder Cup.
Au premier coup de Clarke au K-Club, en Irlande, tout le public l’a applaudi. Il a remporté ses trois compétitions, un exploit dans ces circonstances. Les trois années précédentes, il n’avait quasiment rien gagné, tant il était accaparé par les soins à prodiguer à sa femme. Une fois le trophée en possession de l’Europe, il a laissé couler ses larmes. Ses collègues, américains comme européens, l’ont chaleureusement enlacé et félicité.
Le plus beau début : Thomas Pieters en 2016
Cinq participations, quatre victoires. Aucun débutant européen n’a fait mieux en Ryder Cup que notre Thomas Pieters. En 2016, il n’était professionnel que depuis trois petites années mais ses succès aux tournois des Pays-Bas, de République tchèque et du Danemark avaient convaincu le capitaine Darren Clarke d’accorder sa chance au Belge de 24 ans. Mieux même : il l’aligna à cinq reprises, ce qui est pour le moins inhabituel pour les débutants.
Pieters n’a pas déçu. Il a formé un duo redoutable avec Rory McIlroy durant les deux premières journées. Trois victoires en trois parties. Pieters a ensuite couronné son tournoi d’une victoire dans son duel personnel contre JB Holmes. Malheureusement, ce début historique n’a pas permis à l’Europe de s’imposer : la formation américaine, très forte, a conservé le trophée suite à sa large victoire 17-11. C’était sa première victoire depuis 2008.
Pieters a ensuite connu un passage à vide, comme Colsaerts avant lui. Cette saison, la Ryder Cup constituait un de ses principaux objectifs mais il a été trop irrégulier pour être sélectionné.
Le Golf National 2018 : tous les yeux sont braqués sur Tiger Woods
Tiger Woods (42 ans), un des plus grands golfeurs de tous les temps, si pas le plus grand, est de retour, après avoir raté deux éditions. C’est sa huitième participation mais il n’a gagné la Ryder Cup qu’une fois, en 1999. Le Golf National doit couronner la saison de son retour. Son dernier grand succès remonte à 2008 à l’US Open. Il a ensuite subi de nombreuses opérations au genou et au dos, sans oublier son divorce très médiatisé d’ Elin Nordegren. Woods n’est redevenu un grand golfeur que cette année. Il a terminé sixième de l’Open et deuxième du PGA Championship, deux majors, ce qui lui a valu une place dans l’équipe de Ryder Cup du capitaine Jim Furyk.
Mode d’emploI
La Ryder Cup se déroule tous les deux ans. Le tournoi réunit les douze meilleurs joueurs d’Europe, qui affrontent leurs homologues américains, en alternance sur les deux continents. La prochaine Ryder Cup a lieu à Paris, au Golf National (28-30 septembre).
L’événement se déroule pendant trois jours, selon le principe du match play : on reçoit un point par trou gagné. Celui qui gagne donc dix des 18 trous remporte le match. Celui-ci peut s’achever sur un nul 9-9 et dans ce cas, chaque équipe obtient un demi-point. Il y a 28 matches au total. Il faut donc prendre au moins 14,6 points pour enlever la Ryder Cup. En cas de nul, le tenant de la coupe la conserve.
Le vendredi et le samedi, on joue en foursome et fourball, en duos. En foursome, on joue en duo avec une seule balle, deux coéquipiers la frappant à tour de rôle. En fourball, chacun a sa balle et c’est le meilleur score du duo qui compte.
Le dernier jour, le dimanche, est clôturé par douze matches en simple, homme contre homme. Le capitaine, cette année, est le Danois Thomas Bjorn pour l’Europe. Il doit donc effectuer les bons choix stratégiques dans la composition des duos, qui doivent être complémentaires, et choisir le bon ordre le dernier jour : va-t-il commencer avec ses meilleurs joueurs ou les garder pour la fin, en prenant le risque que ce soit trop tard ?
C’est une lutte pour l’honneur car il n’y a pas de primes. » Il y a deux objectifs majeurs en golf : remporter un major et participer à la Ryder Cup « , avait expliqué Nicolas Colsaerts à notre magazine. » C’est davantage qu’une simple compétition individuelle. On représente un continent, l’Europe. Australiens, Asiatiques et Sud-américains sont tous supporters de l’Europe. Au fond, c’est un peu le monde entier contre les USA. »
Team Europe : Paul Casey (GBR), Tommy Fleetwood (GBR), Sergio Garcia (ESP), Tyler Hatton (GBR), Rory McIlroy (NIR), Francesco Molinari (ITA), Alex Noren (SWE), Thorbjorn Olesen (DEN), Ian Poulter (GBR), Jon Rahm (ESP), Justin Rose (GBR), Henrik Stenson (SWE).
Team USA : Bryson Dechambeau, Tony Finau, Rickie Fowler, Dustin Johnson, Brooks Koepka, Phil Mickelson, Patrick Reed, Webb Simpson, Jordan Spieth, Justin Thomas, Bubba Watson, Tiger Woods.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici