Un monde incapable de faire son autocritique

La semaine dernière, Roland Duchâtelet, le président du Standard, a reconnu qu’il avait commis une erreur en annonçant le départ de Mircea Rednic au lendemain de la conquête d’un ticket européen par les Rouches. Peu avant cela, Patrick Decuyper s’était étonné de la violence de la réaction des fans de Zulte Waregem lorsque ses idées de déménagement à Anvers furent évoquées. On dirait que ces hommes d’affaires, tellement obsédés par leurs envies de diriger les clubs comme bon leur semble, sont incapables de se mettre dans la peau des supporters. La saison dernière, Bart Verhaeghe avait également dû rectifier certaines choses lorsqu’il s’était aperçu que le produit Club Bruges était touché et que le club risquait de devenir un chaudron émotionnel. Il le fit tant sur le terrain qu’en dehors en professionnalisant la communication et en rappelant Timmy Simons.

Il n’est pas habituel que le monde du football fasse son mea culpa comme l’a fait Roland Duchâtelet. Les dirigeants s’estiment souvent intouchables et ils rejettent les critiques quant à leur gestion sur le dos des journalistes. Pire : ils lisent les analyses à la loupe et les interprètent mal. Si le ton ne leur plaît pas, ils décrètent un boycott. Cela démontre que ce monde incapable de faire son autocritique est de plus en plus nerveux. Ce phénomène est typiquement belge et la faute en incombe principalement aux responsables de presse, qui ne parviennent pas à conserver la tête froide parce que leur direction ne leur donne pas suffisamment de compétences.

Les joueurs aussi se remettent rarement en question. S’ils ne jouent pas, c’est la faute de l’entraîneur. On s’en apercevra encore au cours des prochains jours en lisant les interviews de ceux qui vont tenter leur chance ailleurs. Mais les entraîneurs ne font pas davantage leur mea culpa car ils prennent cela pour un aveu de faiblesse. Au cours de notre longue carrière, nous n’avons connu qu’un seul cas contraire, lorsque l’illustre anversois Rik Pauwels, alors entraîneur de Beveren, sortit de son vestiaire après une défaite face à l’Antwerp (0-2) et dit aux journalistes :  » Messieurs, ma tactique n’était pas la bonne.  »

C’est justement à Beveren que, cette saison, une toute nouvelle équipe est mise en place. Quatorze transferts ont déjà été réalisés et Glen De Boeck peut actuellement compter sur un noyau de 24 joueurs issus de 14 pays différents. Ce n’est d’ailleurs pas fini et il ne lui sera certainement pas facile de former un groupe de ce bouillon de cultures. A la fin des années 70, Beveren avait obtenu ses plus grands succès avec une équipe-type au sein de laquelle on retrouvait huit Belges.

Mais les temps ont changé, les clubs éprouvent des difficultés à conserver la tête hors de l’eau et à terminer la saison sans pertes d’exploitation. Certains clubs ont trop de joueurs et doivent donc vendre avant d’acheter. Des installations vieillissantes les empêchent d’évoluer, les dossiers de construction de stades restent dans des placards parce que, dans ce pays, tout le monde a un droit de veto. En ce sens, le football belge vivra mercredi prochain un moment historique lorsque Gand inaugurera sa nouvelle enceinte à l’occasion d’un match amical contre Stuttgart. Il y a exactement 25 ans, le club était proche de la faillite. On ne pourra pas ôter à Ivan De Witte et Michel Louwagie le mérite d’avoir assaini ses finances. Reste à espérer pour les Buffalos qu’ils soient à la croisée des chemins sur le plan sportif et qu’ils puissent effectuer la jonction avec le Top 4.

Dans le présent numéro, Sport Foot Magazine a cherché à savoir à quoi ressembleront les équipes qui entameront le prochain championnat. Notre Spécial Championnat, lui, paraîtra le 24 juillet et sera le numéro le plus épais de l’histoire de notre hebdomadaire : 212 pages avec, notamment, des statistiques mais aussi la présentation des équipes du championnat de D2. Sans oublier les interviews richement illustrées et les sujets insolites qui nous permettent de nous distinguer dans un monde envahi par les mots et l’image.?

PAR JACQUES SYS

 » Messieurs, ma tactique n’était pas la bonne.  »