PASSAGE EN FORCE

Un football basé sur des reconversions rapides peut-il être le salut d’un Sporting en manque d’idées ? Analyse.

Roger Vanden Stock peut ranger les armes. La réaction a bien eu lieu face à Gand une semaine après la débandade de Roulers. Pas besoin donc de  » les fusiller tous (sic) « , sentence lancée à la presse par le président anderlechtois en guise de menace à quelques jours de la venue du champion en titre.  » Mais on doit relativiser. Rien n’est jamais assez bien à Anderlecht. A écouter certains, on devrait vendre tout le monde.  »

Sur ce point, l’homme fort de la maison mauve a raison : ses supporters et les médias ont été particulièrement virulents après la défaite honteuse face à Ostende. Les observateurs ont-ils été trop loin alors qu’Anderlecht a remis les pendules à l’heure une semaine plus tard ? Peut-être, d’autant qu’il ne s’agissait  » que de trois points  » (qui risquent certes de peser très lourd au décompte final) lors de play-offs plutôt bien manoeuvrés jusqu’ici.

Avec 13 sur 18, Anderlecht affiche le meilleur bulletin du sprint final. Et Besnik Hasi ne manque d’ailleurs pas de féliciter ses joueurs lors de chaque sortie (hormis le couac de Roulers).  » La mentalité était bonne  » a une nouvelle fois répété le coach kosovar en conférence de presse après Gand. Comme face à Genk, Zulte ou Bruges.

Désormais Anderlecht est  » sérieux « ,  » appliqué « ,  » volontaire « , des adjectifs que l’on colle généralement à un élève moyen pour faire passer la pilule. La dictature du résultat doit-elle nous aveugler devant l’absence de spectacle ? Car aujourd’hui, Anderlecht ressemble à une équipe banale sauvée par l’organisation et une dose de talent supplémentaire.

PRAET : DE CRACK À BON SOLDAT

La métamorphose de Dennis Praet est un symbole de cet Anderlecht version Hasi. En 2012, lors de sa première titularisation en championnat, le futur Soulier d’Or couchait, grâce à un crochet dévastateur et quelques feintes de corps, le gardien gantois avant de pousser calmement le ballon au fond des filets.

Coup de patte, vista, dribble, la palette de ce nextbigthing anderlechtois était impressionnante, ce qui avait notamment amené Marc Degryse à l’envoyer chez les Diables avant l’heure. Dans la maison mauve, on était également persuadé d’avoir affaire à un numéro 10 d’exception. Et tant pis si le salaire de 800.000 euros/brut du teenager avait fait grincer pas mal de dents.

Quatre ans plus tard, la magie semble avoir disparu. Et pourtant dimanche, face à Gand, Praet fut peut-être le meilleur joueur sur le terrain, une semaine après avoir été l’un des rares à avoir maintenu sa tête hors de l’eau face à Ostende. Si Praet se distingue encore aujourd’hui, c’est grâce à une qualité technique bien au-dessus de la moyenne mais qui n’amène pourtant que de trop rares coups de génie. Un joueur à l’image de son coach : courageux, appliqué mais en manque d’idées.

A Anderlecht, une frange importante du public tire la tête depuis plusieurs mois, l’autre tente de se rassurer et applaudit les coups de coin glanés grâce aux courses de Frank Acheampong ou s’émerveille des percussions de déménageur, nez dans le gazon, de Stefano Okaka. Un jeu basé sur une reconversion rapide en contre, une défense repliée très bas, et des infiltrations d’un des joueurs du triangle du milieu (StevenDefour face à Gand).

Anderlecht brille sur contre-attaques mais se perd quand le jeu est bouché devant lui. Ce qui explique pourquoi les occasions se comptent autant, voire davantage, sur le sol européen que face aux sans-grade. Bercé de longue date par le calcio, Besnik Hasi s’inspire de ce football où l’on laisse le ballon à l’adversaire, où le bloc équipe défend très bas avant de repartir très vite vers l’avant.

Une méthode qui lui avait permis de réaliser un exploit lors de son intronisation peu avant les play-offs de 2014 quand les échalas de Cheikhou Kouyaté nettoyaient les ballons pour Youri Tielemans qui brillait par son jeu long. Aujourd’hui, Tielemans irrite par son inconstance, balançant entre coups d’éclairs et pertes de balle grossières.

HASI, L’ÉLÈVE ASSIDU

Si ce football dénature le label anderlechtois, le coach garde ses soutiens. Herman Van Holsbeeck en premier lieu, qui profite secrètement avec le maintien de son coach d’un paratonnerre. Hasi n’est pas, non plus, abandonné par son noyau, même si plusieurs éléments doutent de la pertinence de son coaching.

 » S’il y a bien une chose que l’on ne peut pas reprocher à Besnik, c’est la quantité de travail qu’il abat quotidiennement. On ne peut pas en dire autant de ces prédécesseurs à Anderlecht « , nous lance une coach de l’élite.  » Par contre, on ne voit pas d’évolution dans le jeu depuis sa prise de fonction.  »

Au Sporting, tout le monde souligne son côté bosseur et son attitude irréprochable hormis quelques fameux coups de sang. Autre stakhanoviste mauve mais version moderne, Nicolas Furtos attend, lui, son heure dans l’anonymat des U21 alors que le crédit d’Hasi semble épuisé.

Cet été, les chamboulements risquent donc d’être nombreux au Sporting. La cellule scouting devrait être cette fois écoutée et le portefeuille de MogiBayat moins indispensable. Anderlecht cherche aussi son leader. Si Olivier Deschacht jouit d’une certaine reconnaissance pour la longévité de sa carrière, il est peu impliqué dans le vestiaire.

Le capitaine Silvio Proto, qui réalise une saison irréprochable, tente désespérément de faire bouger les choses mais n’est pas suffisamment suivi pas ses équipiers. Même avec son propre public, la situation est parfois tendue. En cause, certaines sorties médiatiques ou attitudes qui sont loin de faire l’unanimité. La dernière en date : le gain de temps grossier, dimanche, devant Laurent Depoitre, qui fut accompagné de quelques coups de sifflet.

Steven Defour devait être celui-là. Sur et en dehors du terrain. Et pourtant, le mariage entre l’ex-capitaine du Standard et le Sporting semble irrémédiablement tourner à la rupture. Autant le joueur semblait épanoui en terre liégeoise, autant il n’a jamais semblé heureux dans la capitale.

Son passé en rouche lui est toujours reproché par une frange dure des supporters et son prix de 6 millions d’euros (plus gros transfert de l’histoire d’Anderlecht) apparaît aujourd’hui excessif pour un joueur incapable de s’imposer à Porto, régulièrement blessé, et que Lucien D’Onofrio avait habilement mis en avant du temps du Standard pour faire augmenter sa valeur marchande.

Si, la saison dernière, le club lui reprochait à un comportement peu professionnel, Defour s’est racheté une conduite. Difficile de lui reprocher son manque d’engagement, lui qui s’époumone souvent en pure perte aux quatre coins du terrain. Mais c’est un peu court. L’ensemble aussi pour rêver d’un titre surprise ?

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTO BELGAIMAGE

Anderlecht ressemble à une équipe banale sauvée par l’organisation et une dose de talent supplémentaire.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire