L’exception
Le nouveau back droit malinois est un juriste de formation, qui passe son examen en D1.
Découvrir la D1 à 23 ans : trop tard diront certains. Peut-être dans un plan de carrière où le foot oblitère tout le reste. Xavier Chen a pour lui un CV impressionnant : 10 ans de formation à Anderlecht dont deux dans le noyau élargi de l’équipe Première, une montée de D2 en D3 avec Courtrai, plusieurs sélections en équipe nationale de jeunes (-17, -19), des convocations avec les Espoirs, etc. Plus une licence en droit à l’Université Libre de Bruxelles, décrochée l’an dernier. Un diplôme universitaire qui lui permet de garder une certaine distance par rapport au milieu du foot et de ne pas se mettre inutilement la pression sur sa future réussite au sein de l’élite. Les bonnes prestations qu’il affiche en ce début de saison n’y sont certainement pas étrangères.
Il y a deux ans, lors de votre deuxième saison à Courtrai, vous déclariez dans Sport/Foot Magazine : » Je n’ai plus trop envie de retourner en D1. Mon expérience au Sporting a englouti ma motivation « . Vous semblez avoir changé d’avis…
Je me donne deux ans pour réussir, ce qui correspond à la durée de mon contrat à Malines. Finalement, quand d’autres voyagent après avoir décroché leur diplôme ou continuent à se spécialiser, moi j’ai décidé de tenter ma chance dans le foot pro. C’était difficile de résister.
Mais vous avez opté pour Malines, à un moment où le club était loin d’être assuré de sa montée.
En effet. Je signe à Malines peu avant le tour final que dispute également Courtrai. Heureusement, je me blesse peu avant ce mini-championnat ( ilrit). En plus, c’est à Courtrai que Malines fêtera son accession à la D1. Imaginez le conflit d’intérêt si j’avais joué. Aloys Nong, qui était dans le même cas que moi, a joué et a même marqué ce jour-là. Je n’irai pas jusqu’à dire que je lui en ai voulu au moment du but mais le sentiment était spécial…
Vous auriez pu cumuler le rythme pro avec vos études de droit ?
Cela aurait été difficile. Cette année, j’ai choisi de suivre des cours du soir en notariat et je n’y ai pas encore été. Mon arrivée en D1 tombe au bon moment. J’ai toujours privilégié les études. Ma famille aussi. C’est bien simple, quand je débarque à neuf ans à Anderlecht, mon père se dit que ce sera sympa, qu’il pourra faire des photos de son fils pendant un an avec le maillot du Sporting. Finalement, il passera plusieurs années à me conduire quatre fois par semaine aux entraînements. Ça devenait moins drôle pour lui.
Vous avez des regrets de ne jamais avoir percé à Anderlecht ?
Oui et non. Pendant mes deux années au sein du noyau élargi de la Première à Anderlecht, je n’ai jamais été dans les bons papiers de Frankie Vercauteren qui supervisait en compagnie de Daniel Renders le noyau B. De ce groupe, seuls Mark De Man et Olivier Deschacht ont réussi à percer. Même Maarten Maertens a dû partir à l’étranger pour s’imposer. J’oubliais Vincent Kompany. Mais lui était véritablement au-dessus du lot.
» Qu’est-ce que tu foot ? » inquiète
Ce peu de réussite explique-t-il un problème d’écolage à Anderlecht ?
Chez les Mauves, je crois avoir reçu la meilleure formation. Le problème se situe ailleurs : lors du passage de jeunes au noyau A. Mes deux dernières années ont été difficiles, je ne jouais même plus en Réserve. J’aurais peut-être dû m’éclipser plus tôt. D’autant que j’avais décidé de diviser ma première candidature à l’unif en deux ans pour mettre un maximum de chances de mon côté.
On vous sent très réfléchi sur l’après- football. Dans le même article de 2005, cité plus haut, vous déclariez » avoir peur quand je lis la rubrique Qu’est-ce que tu foot ? ».
Je continue à suivre cette rubrique et ça m’effraye toujours autant. Je lisais dernièrement l’histoire d’un ex-joueur de Bruges aujourd’hui chauffeur. Il passe d’un statut de vedette à un boulot moins valorisé et plus éreintant. Certains oublient que la carrière pro s’arrête vers 35 ans. Que faire, à part pour ceux qui trouvent un poste d’entraîneur, pendant les 25 années qui suivent ?
Vous avez le sentiment que les mentalités évoluent ?
Oui, un peu. A Malines, par exemple, vous avez Jonas Ivens qui fait des études d’ingénieur commercial. D’autres du même âge que moi prennent des cours du soir. Ailleurs, j’ai lu que Jeroen Simaeys avait terminé des études de psycho, que Nicolas Lombaerts avait débuté le droit. Enfin, depuis son départ en Russie, je ne sais pas si ça lui sert encore à grand-chose ( ilrit).
Comment expliquez-vous ce changement ?
Je crois que c’est dû au fait que les salaires sont à la baisse. Il y a cinq ans, vous aviez encore plusieurs joueurs de clubs modestes qui dégotaient de gros contrats. Aujourd’hui, c’est de plus en plus rare.
Foot et argent
Toutefois, on gagne très vite sa vie par rapport aux autres jeunes de son âge. Est-ce délicat à gérer ?
Pour ma part, j’ai signé à 16 ans un contrat où je gagnais 1.250 euros bruts par mois. Mais je n’ai jamais affiché cet argent. D’ailleurs, je ne supporte pas ceux qui le font.
C’était important pour vous de passer du milieu du foot à celui d’universitaire ?
Complètement. J’ai vécu plein de choses en côtoyant les jeunes à Anderlecht, tout comme j’avais besoin de m’évader avec mes amis de l’unif’. D’ailleurs, je ne suis pas un grand fanatique de foot. Regarder, par exemple, un match à la télé m’ennuie.
Vous ne discutez donc pas tactique toute la journée ?
Je suis même nul en tactique. Jamais, je ne serai entraîneur, c’est une évidence. Dernièrement, un journaliste d’un quotidien francophone m’a appelé pour me demander la clef du match Mons-Dender. Mons-Dender ! Je ne sais pratiquement pas vous dire qui y joue. Après une longue hésitation, j’ai donné un semblant de réponse.
Vous savez quand même me dire si Malines a des chances de se sauver ?
On est optimiste. Le groupe est jeune et les joueurs découvrent pour la plupart la D1. Je ne dis pas que l’on terminera dans la colonne de gauche mais quant au maintien, j’en suis convaincu.
par thomas bricmont – photo: reporters
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