Les limites du box-to-box
Les deux joueurs anglais Frank Lampard et Steven Gerrard seraient des prototypes du joueur box-to-box et Karel Geraerts serait la version belge de ce concept introduit par Anderlecht. On ne nous a pas livré une définition parfaite de la fonction, mais disons qu’il s’agit d’un joueur qui ratisse toute la surface comprise entre les deux grands rectangles d’un terrain. Une aptitude à la course et une capacité d’inscrire des buts complètent un tableau qui nous rappelle un certain Lorenzo Staelens.
Mais Gerrard et Lampard sont-ils comparables ? Pas vraiment. Le joueur des Reds est partout sur le terrain et mène souvent ses actions à partir des flancs en s’infiltrant vers le centre. Lampard ne se présente que sporadiquement dans les seize mètres : il récupère plutôt les deuxièmes ballons et marque le plus souvent sur des tirs à distance. Ce que ne fait pas Geraerts, pas plus qu’il ne s’infiltre depuis les flancs. Les comparaisons valent ce qu’elles valent…
Le médian limbourgeois revenu à Bruges après trois ans passés au Standard est le plus dangereux lorsqu’on ne le voit pas. S’il est beaucoup au ballon, c’est que l’équipe ne tourne pas. Geraerts : » Cela veut dire que les partenaires autour de moi qui ont ces qualités de technique balle au pied ne sont pas dans le match. Je dois pouvoir surgir dans les seize mètres. Si je dois trop porter le ballon, c’est difficile « .
La même constatation vaut pour Wouter Vrancken, celui auquel on compare le plus souvent Geraerts. Vrancken parut se métamorphoser en meneur de jeu la saison dernière à Genk. Il demandait le ballon plus bas qu’à La Gantoise et osait des passes en profondeur. Au détriment de ses infiltrations offensives. En plus, cela a surtout eu le don de mettre à nu l’un de ses manquements : la technique. Avec comme résultat beaucoup de déchet et de pertes de balle. Tout comme Geraerts, Vrancken doit donc miser sur un jeu simple….
A propos des qualités de passeur et du bagage technique de Geraerts, les avis divergent. Lors des petits matches à l’entraînement, il ne perdrait que très peu de ballons sur des espaces réduits. D’autres connaisseurs font remarquer chez le Diable Rouge un grand nombre de mauvaises passes lorsqu’il est mis sous pression. » Je ne pense pas que l’on puisse disputer plus de 100 matches au Standard et être acheté par Bruges si l’on ne sait pas délivrer une passe « , argumente Geraerts. » Bien sûr je n’ai pas la technique d’ Ivan Leko qui peut délivrer un caviar avec son gauche en or. Ou comme Milan Rapaic, qui déposait la balle sur ta cravate. Mais je n’ai pas peur de donner des passes. Et si je ne touche pas beaucoup de ballons, pourquoi presser sur moi si je ne l’ai pas ? »
Peut-être Geraerts est-il comparable à un autre joueur de Genk : Faris Haroun. Courir, s’infiltrer, marquer, mais aussi oser faire courir son homme en phase de reconversion. Geraerts : » C’est impossible d’attaquer et d’être de retour en défense en même temps. Cela ne tient pas la route. D’ailleurs, je ne fais pas qu’attaquer, j’abats aussi une grosse part de travail défensif. Je peux revenir loin derrière et j’ai déjà évolué devant la défense, mais alors on me retire une qualité « .
Une différence de taille avec Vrancken et Haroun est que ces deux joueurs disposent d’un Wim De Decker qui couvre le terrain derrière eux. Quelqu’un qui reste en permanence devant sa défense et joue invariablement en fonction de son opposant direct. » Tout médian box-to-box a besoin de quelqu’un dans son dos « , dit Geraerts imperturbable. » C’est l’abc du football. Toutes les équipes jouent avec un ou deux tampons devant la défense, les grandes équipes souvent même avec deux : MomoSissoko et Xabi Alonso à Liverpool, ClaudeMakelele et MichaelEssien à Chelsea pour reprendre l’exemple « .
Au Standard, le rôle de fossoyeur des offensives adverses était confié à Marouane Fellaini, qui a aussi le potentiel d’un box-to-box. Mais le Belgo-Marocain a une telle envie d’aller de l’avant qu’il en oublie parfois sa tâche défensive. Surtout dans la deuxième partie de la saison dernière, cet élément a coûté des points à l’équipe de Michel Preud’homme. » C’était un problème « , réagit brièvement Geraerts.
Geraerts est moins que Vrancken ou Fellaini un joueur de récupération, il brille plutôt par ses qualités sur le plan offensif. Fellaini aurait donc dû rester dans son rôle de pare-chocs. Reste la question de savoir qui à Bruges voudra se mettre au service de Geraerts dans son rôle favori : Sven Vermant ? Gaëtan Englebert ? Jonathan Blondel ? Tous ont une propension offensive mais Geraerts évite la controverse : » Si l’un des quatre médians reste devant la défense, cela ne pose aucun problème « .
Ce qui l’amène à la conclusion que le joueur box-to-box n’existe sans doute pas. Raison pour laquelle Anderlecht ne l’a pas transféré ? Apparemment, il n’y aurait eu qu’un » contact informel » avec le club bruxellois, juste avant le Nouvel An, où les dirigeants mauves se seraient informés sur le contrat de Geraerts. » Ils ont cité mon nom mais aussi dit qu’ils n’étaient pas certains. Jan Polak m’a fait rire. A la question de savoir s’il était cet élément tant recherché par Anderlecht, il a répondu qu’il ignorait ce que cela voulait dire. Pour ma part, vous pouvez donc oublier ce terme… »
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