
Le nouveau pouvoir
Un nouvel agent-maison avec Mogi Bayat, son fidèle Herman Van Holsbeeck, et Emilio Ferrera comme interface entre l’Académie et les pros : voici les nouveaux influenceurs du Standard de MPH.
» Olivier Renard m’avait appelé le jour du match pour m’annoncer que Mehdi ne débuterait pas. Je lui ai dit : On reste calme. Il savait bien ce que ça voulait dire chez moi… Mais c’est sûr qu’à la mi-temps, j’étais perdu « , se remémore Bruno Venanzi. » Comment expliquer une telle situation avec de tels joueurs sur le terrain ? T’es dans le déni. Entre membres de la direction, on ne se parlait plus à la mi-temps, on était hagards. » Nous sommes le 11 mars 2018. Le Standard est mené 2-0 à Ostende alors que seule une victoire peut l’envoyer en play-offs 1. 45 minutes plus tard, les joueurs de Ricardo Sa Pinto renversent une situation que beaucoup pensaient perdue. Cette validation pour les PO1 sera vécue comme une libération par tout un club, qui une semaine plus tard décroche une huitième Coupe de Belgique face à Genk, avant de finir la saison en boulet de canon.
Emilio Ferrera veut mettre sur pied à Alost une académie labellisée Standard.
Une euphorie qui masque aussi les mois bien plus compliqués d’une saison en forme de montagnes russes. Le retour de Michel Preud’homme – dont l’annonce de l’arrivée au terme de la saison 2017-2018 avait été communiquée par Sudpresse au lendemain de la victoire en Coupe de Belgique- devait donner davantage de stabilité et permettre au club de vivre enfin une saison plus paisible. » Ne plus devoir attendre le dernier match de la saison régulière pour valider son billet pour les play-offs 1 « , dixit le président Venanzi. Après le partage de vendredi dernier face à Mouscron et les défaites à Gand et Genk, le Standard risque d’encore devoir attendre les 90 dernières minutes de la phase régulière pour être définitivement rassuré sur son sort.
Si l’actuelle campagne connaît moins de péripéties, elle risque de ne pas connaître les mêmes réjouissances que l’an dernier. Le nouveau directeur général, Alexandre Grosjean, s’expliquait en début de saison : » Michel est structuré, il planifie les choses, il est pointilleux. Il est ultra-professionnel, j’en suis bluffé. Son travail va prendre du temps mais tout est réfléchi. » L’intéressé était le premier conscient de la difficulté de la tâche. Il a apporté avec lui de nouvelles méthodes de travail sur le terrain, et ses hommes d’influence et leur réseau en coulisses.
D’Anderlecht au Standard
Flashback. Le 23 mars 2018, une semaine après la victoire en Coupe de Belgique et dans un relatif anonymat, l’équipe nationale du Japon affronte celle du Mali à Sclessin. Une rencontre amicale à laquelle assiste, ensemble, le trio Mogi Bayat, Herman Van Holsbeeck et Emilio Ferrera. Une sortie anecdotique en apparence mais qui prend aujourd’hui tout son sens.
On l’avait décrit il y a trois ans comme le personnage le plus influent du foot belge. La reprise d’Anderlecht par Marc Coucke et la mise à pied d’Herman Van Holsbeeck allaient cependant fameusement changer la donne. Si Mogi Bayat reste le conseiller d’ Adrien Trebel, dont l’actuelle direction aimerait se débarrasser, et fut imposé par la famille Kita (dont Waldemar, président du FC Nantes, est aujourd’hui soupçonné de fraude fiscale) dans le transfert de Kara Mbodj, il est officiellement persona non grata au Stade Constant Vanden Stock. Chez les autres clubs importants du royaume, son influence a également pâli. À Bruges, l’absence totale de réaction du duo Mannaert– Verhaeghe aux appels de Bayat, qui espérait transférer Benoit Poulain vers Fulham lors du dernier jour du mercato d’hiver, ne plaide pas en sa faveur. Alors qu’à Genk, devenu un exemple en matière de recrutement, le temps de son ami Dirk Degraen (ex-directeur général du club limbourgeois entre 2009 et 2014) est bel et bien révolu. Même à Gand, à travers la nouvelle structure et la mise en place d’une véritable cellule de scouting, on s’est distancié de son ex-agent maison.
Mais en bon football business addict, Mogi Bayat a toujours donné l’impression d’avoir un coup d’avance, jusqu’à ce que ses ennuis avec la justice ne le rattrapent. En mettant la main sur Michel Preud’homme, il débarquait par la grande porte au Standard alors que quelques mois plus tôt la ligne s’était brouillée avec les principaux décideurs du club. La question (que l’on continue à se poser) est la suivante : pourquoi une telle personnalité du football belge a besoin, à près de 60 ans, de s’aider d’un agent de joueurs pour revenir dans un club qui lui tend grand les bras ?
» Parce que Michel me l’a demandé quand on est entrés dans le vif des négociations « , nous avait rétorqué Bruno Venanzi en fin de saison dernière. » Il avait confié ses intérêts à Mogi, car il était tout le temps contacté par des clubs étrangers. Avec Michel, on était aussi beaucoup dans l’émotionnel. Moi aussi, je fais relire les contrats par des conseillers. Mogi a toujours dit : Je m’occupe du contrat mais je ne veux pas être rémunéré. Ce que j’ai refusé. Car je ne veux pas avoir de dette morale envers lui. »
Le trio a tissé sa toile
Un an plus tard, le trio du match Japon-Mali a tissé sa toile. Herman Van Holsbeeck, devenu agent pour la structure de Fali Ramadani (repreneur avec Pini Zahavi de Mouscron en 2015) sur les Pays-Bas et la Belgique, avait tenté de signer le talentueux William Balikwisha en début de saison, qui quelques mois plus tard a rejoint l’écurie de Didier Frenay. Cet hiver, l’ex-patron des Mauves s’est immiscé, toujours sans succès malgré les bons tuyaux d’Emilio Ferrera, dans le transfert d’ AlenHalilovic (qui a privilégié ses deux agents croates pour faire le deal).
Quant à Mogi Bayat, il fut imposé par Preud’homme lors des négociations cet été du passage d’ ObbiOularé de Watford au Standard. Cet hiver, il a ramené le jeune Nicolas Raskin (18 ans) après l’avoir fait transiter d’Anderlecht à Gand. Au rayon jeunes, l’ancien dirigeant de Charleroi vient de mettre la main – grâce à Roberto Bisconti dans le rôle de rabatteur – sur plusieurs talents de l’académie dont Flavio Traubia (milieu de terrain U15) et Matteo Godfroid (gardien U15). » Tout était pourtant négocié avec le Standard et puis Mogi s’est amené et a signé ces deux joueurs. Il a surement dû obtenir de meilleures conditions « , raconte fataliste leur ancien agent, Franco Iovino.
Il n’y a pas si longtemps, du temps de la » splendeur » d’Herman Van Holsbeeck à Neerpede, Mogi Bayat était là-bas chez lui, les pieds posés sur le bureau de l’ex-directeur général. Il lui arrivait parfois de donner rendez-vous à Neerpede à des dirigeants d’autres clubs, voire de décrocher le téléphone de HVH et balancer aux agents importuns » Non, ça ne nous intéresse pas. » Avant de raccrocher. De la provoc façon Mogi, qui pouvait parfois irriter son ami Herman, mais dont il était devenu dépendant. Van Holsbeeck : » Il était 15 heures et le mercato se terminait à minuit. Je lui ai demandé s’il pouvait activer ses réseaux pour nous ramener Uros Spajic qui était également sur nos tablettes Il m’a dit : Laisse-moi une demi-heure. Une demi-heure plus tard, il avait réussi à avoir l’accord du directeur technique et du président de Toulouse. Et à 17h30, Spajic était dans mon bureau après être arrivé en jet privé. Quel est le problème avec Mogi ? On ne va pas lui reprocher d’avoir beaucoup de relations. »
Qui d’autre que Mogi Bayat peut se permettre de s’introduire en pleine semaine dans le vestiaire des pros, lieu pourtant réservé à quelques privilégiés ?
Bayat dans le vestiaire des pros
Aujourd’hui, Mogi Bayat n’a pas encore les pieds posés sur le bureau de Bruno Venanzi, mais il y est de plus en plus chez lui. Qui d’autre, parmi les agents, pourrait se permettre de s’introduire dans le vestiaire des pros, lieu réservé à quelques privilégiés, et interdit à une grande majorité des employés du Standard ? Cet hiver, Mogi Bayat a également tenté de mettre la main sur la destinée de Paul-José Mpoku. Sans succès. Mais son empreinte est de plus en plus visible et tenace.
Le Standard d’aujourd’hui n’a plus grand chose avoir avec la structure de l’an dernier. » La volonté de Bruno a toujours été de ne pas être un président plénipotentiaire « , avait déclaré Alexandre Grosjean. Il y a peu de risques que ce soit le cas.
Au coeur du football belge, le statut de Michel Preud’homme est unique. Il est bien plus qu’un entraîneur, mais un vice-président, administrateur et directeur sportif, qui occupe tous les pouvoirs et décide de tout. » Il n’a pas toutes les clefs du club mais tous les trousseaux « , paraphrase un membre du Standard. Difficile donc de trouver meilleure porte d’entrée pour Mogi Bayat dans un milieu ou business et copinages font toujours bon ménage. D’autant plus que MPH n’est pas son seul soutien. Mogi est également soutenu par des hommes de l’ombre.
Emilio Ferrera n’a pas oublié la main tendue d’Herman Van Holsbeeck quand il l’a introduit à Neerpede. » Emilio l’ambitieux » aimerait prendre les rênes de l’Académie pour la remodeler totalement à sa façon. Actuellement coordinateur, sorte d’interface entre les jeunes et les pros, ses préceptes et son style de jeu ont été imposés en début de saison aux entraîneurs de jeunes. Mais l’homme ne veut pas s’arrêter là, lui qui a déjà fait venir d’Anderlecht le jeune Nelson Azevedo, contrat à l’appui et qui a intégré le noyau pro, alors qu’il avait été refusé quelques semaines plus tôt par la direction du club principautaire. Un manque de clarté qui ne freine pas l’ex-entraîneur des U21 d’Anderlecht, qui ambitionne de mettre sur pied à Alost, une académie labellisée » Standard » dont le but est d’attirer les meilleurs jeunes de Bruxelles dans les filets rouge et blanc.
Réminiscence Henrotay
À l’Académie, plus personne n’est dupe, que ce soient les coaches ou la direction. Pour rejoindre les pros, rien de tel que le trio Ferrera-Mogi-Van Holsbeeck pour vous y emmener. Un message qui est arrivé aux oreilles de tous. Et qui en a dégoûté plus d’un. Dont Christophe Lonnoy, ex-bras droit d’Olivier Renard, à qui l’on doit la trouvaille Moussa Djenepo, et dont le travail était reconnu par ses supérieurs, mais qui a préféré tirer sa révérence en début d’année face à l’absence de ligne de conduite et de transparence à différents étages du club. Une nouvelle équipe se façonne et éclipse celle de l’an dernier.
Benjamin Nicaise, actuel team manager dont l’impact est de plus en plus important, a choisi son camp. L’ex-milieu de terrain de Mons et du Standard s’est toujours félicité d’avoir rencontré Mogi Bayat vers la fin d’une carrière qui piquait du nez, et avait par après tenté l’expérience burlesque du Brussels époque John Bico-Mogi. Aujourd’hui, lui aussi sait se montrer reconnaissant, puisqu’il est régulièrement au téléphone avec son ancien agent. Ce groupe d’influence ne fait pourtant pas l’unanimité. Chez les joueurs notamment, où la personnalité conflictuelle de Ferrera et le rôle de Nicaise n’ont clairement pas les faveurs du groupe.
Cette période rappelle celle du duo Henrotay– Van Buyten. À l’été 2016, signer avec l’agent-maison, Christophe Henrotay, c’est comme prendre l’ascenseur vers l’équipe première, nous explique-t-on alors à l’Académie. Dans les derniers jours d’un mercato panique, c’est une batterie de joueurs ( Elderson, Bahlouli, etc) qui débarque par l’entremise d’Henrotay dans le noyau de Yannick Ferrera, qui sera licencié quelques jours plus tard. L’affaire Ishak Belfodil (et son départ avorté vers Everton) qui éclatera en janvier 2017 mettra en lumière les tensions au sein de la direction et conduira au départ de Van Buyten. Reste à espérer pour les fans liégeois que ce parallèle connaîtra une toute autre courbe de résultats.
Michel Preud’homme, entre deux chaises
Michel Preud’homme fait-il son autocritique quand il déclare, comme récemment encore, après la défaite à Gand : » On fait ce qu’on peut avec nos moyens » ? Met-il en cause son premier mercato estival en tant que directeur sportif du Standard ?
Preud’homme aurait aimé faire venir son ancien joueur de Bruges, Lior Refaelov (dont le salaire brut est d’un million d’euros), mais le Standard n’a t-il pas gagné au change avec l’éclosion de Moussa Djenepo ? Devant, l’entraîneur principal voulait absolument un attaquant solide, jouant le rôle de pivot, et a tenu à transférer Obbi Oularé, pourtant blessé à son arrivée et poursuivi par la poisse. Cet été Uche Agbo était invendable (il avait d’ailleurs été brillant lors du match européen aller face à l’Ajax) alors que l’option de Pedro Luis Cavanda avait été levée. Tous deux ont rapidement disparu de la circulation (Agbo a même été prêté cet hiver).
Merveille Bope Bokadi, lui aussi, ne faisait pas partie des plans avant de devenir la solution de rechange de Christian Luyindama, parti cet hiver car le club était dans une situation financière qui l’obligeait à vendre. La politique de transfert ne semble pas encore efficiente malgré un renforcement en profondeur du noyau par rapport à l’an dernier. Lors de l’été 2017, le Standard avait dû faire table rase, se débarrassant de ses cadres après deux saisons en PO2, et avait bâti une quasi toute nouvelle équipe, grandement renforcée durant l’hiver par les arrivées de Gojko Cimirot, Mehdi Carcela et Zinho Vanheusden. Cet hiver, c’est Junior Edmilson qui a failli revenir au bercail.
Malgré cet échec, et le problème du numéro neuf, le Standard semble paré pour aborder les PO1 dans les meilleures conditions. L’arrivée de MPH devait être une marque de stabilité. Aujourd’hui, on est plutôt dans une phase de grand chamboulement. Et peu importe si ça ne plaît pas aux autres décideurs. Bruno Venanzi a donné le pouvoir à l’une des idoles de sa jeunesse, dont le statut de vice-président est un euphémisme.
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