« LE MERCATO devrait être mouvementé »

Face à la Serbie, quatre de ses joueurs (Mirallas, Van Buyten, Courtois, Lukaku) ont foulé la pelouse du stade Roi Baudouin. Une indication de l’importance prise par cet agent sur le foot belge et international. Entretien à l’heure du mercato.

Jeudi 13 juin. Le rendez-vous est fixé dans le restaurant étoilé, Couvert Couvert à Heverlee (Louvain) à l’heure du déjeuner. En compagnie d’un de ses collaborateurs, Christophe Henrotay s’installe dans ce cadre feutré au design épuré. Peu de temps avant, notre interlocuteur était posé dans les quartiers du RSCA avec en haut de la pile, le dossier Mbokani.

Comment expliquer le passage probable de Mbokani au Dynamo Kiev ?

Tout d’abord, j’ai été amené à connaître Dieumerci à travers des négociations entreprises avec d’autres agents. Et j’ai été agréablement surpris par le personnage. C’est quelqu’un de relativement simple -pas simplet – qui a compris l’intérêt de ce transfert. A Kiev, il pourra compter sur un entraîneur qui le désire vraiment et évoluera dans un club qui joue le haut du tableau en championnat et qui est un habitué de la Ligue des Champions. A cela s’ajoute un contrat très intéressant.

Les pays de l’ex-Union Soviétique sont-ils les nouveaux eldorados pour les meilleurs joueurs du championnat belge ?

Des clubs de ces pays offrent des contrats équivalents à ceux des plus grands clubs européens. On peut obtenir pareil contrat en Angleterre mais difficilement dans un club du milieu de tableau. Si un joueur se voit proposer Manchester Utd, il n’y a aucune raison de ne pas y aller. Mais si ce type de club est hors d’atteinte, le joueur réfléchit aux données financières et sportives. Et le Dynamo Kiev, pour Dieumerci, est un très beau club. Il suffit de se rendre au centre d’entraînement, qui est extraordinaire, ou au stade pour s’en convaincre.

Mbark Boussoufa (Anzi), Jonathan Legear (Grozny), Matias Suarez (CSKA Mouscou) dont on pensait le transfert entériné, probablement Mbokani, la Russie et l’Ukraine, sont-elles des destinations privilégiées quand un club comme Anderlecht souhaite vendre ?

C’est un marché très rémunérateur pour un club comme Anderlecht. Je ne peux pas vous dire quelle sera la tendance dans dix ans, mais à moyen terme, ces pays continueront à attirer beaucoup de monde. Il y a quelques années ce n’était pas le cas, aujourd’hui les joueurs veulent s’y rendre car ils se mettent à l’abri financièrement dans un championnat à la qualité indéniable. Les joueurs sont souvent réalistes. Ils savent pour la grande majorité qu’ils ne rejoindront pas le Real, Manchester ou Barcelone et que la Russie est une merveilleuse opportunité.

 » Daniel Van Buyten a failli arrêter sa carrière  »

Daniel Van Buyten, dont vous vous occupez des intérêts, aurait-il pu tirer profit de sa carrière en recevant un dernier contrat gigantesque d’un club russe par exemple ?

Le cas de Daniel est différent car il a eu le temps de se construire un patrimoine important qui lui permet d’assurer son avenir et celui de sa famille. Son raisonnement n’est donc pas le même que bon nombre de joueurs. Il est déjà dans un club qui paie des salaires importants. Il ne faut pas non plus croire que les clubs russes ou ukrainiens offrent à chaque fois le salaire de Samuel Eto’o. J’ai plutôt pensé à un moment que Daniel allait arrêter sa carrière. Il en a parlé avec sa famille. Et puis, il a eu cette proposition de continuer un an dans le meilleur club au monde. Qu’est-ce qu’il irait faire ailleurs ?

À l’inverse, le championnat belge est-il encore attractif pour un joueur étranger ?

Bien sûr qu’il l’est. Que ce soit Bruges, Anderlecht ou le Standard, ces clubs représentent quelque chose. Et d’un point de vue financier également car plusieurs clubs belges sont capables de payer de jolis salaires.

Anderlecht paye-t-il aussi bien qu’un club espagnol du milieu de tableau ?

Oui, même mieux et plus régulièrement surtout ! Bruges a récemment acquis une jeune promesse, Elton Monteiro, qui était à Arsenal. L’été passé, le Niçois Eric Bauthéac (ndlr, que l’on annonce aujourd’hui à Marseille) était proche d’un accord avec le Club jusqu’à ce que le coach refuse. Pourquoi de tels joueurs veulent-ils venir à Bruges ? Car ils ont estimé que la proposition financière était intéressante et que le championnat de Belgique pouvait leur permettre de se mettre en évidence. Quand tu signes à Bruges ou à Anderlecht, tu joues pour le titre. Tout cela compte pour un joueur.

Les récentes réussites de joueurs belges influencent-elles les clubs étrangers ? Sont-ils désormais plus enclins à transférer du belge ?

Les performances de la génération actuelle facilitent les choses. Les clubs étrangers peuvent se dire aujourd’hui : – S’il est belge c’est qu’il doit être bon. Ce n’est pas scientifique, mais c’est naturel. Ça ne veut pas dire que le club étranger ne le screenera pas comme pour tout autre joueur mais il se déplacera plus facilement.

Les clubs belges peuvent-ils espérer vendre leurs joueurs plus chers que par le passé ?

Vendre un joueur cher, c’est le rôle des intermédiaires. Prenons l’exemple de Porto qui est réputé pour gagner beaucoup d’argent sur les transferts sortants. Ceci s’explique parce que ce club possède en premier lieu de bons joueurs, mais aussi quelqu’un comme Jorge Mendes (ndrl, agent de C. Ronaldo ou Mourinho, et présenté comme l’agent le plus influent au monde) qui est capable de trouver les bonnes personnes au bon moment, autrement dit atteindre le club qui a beaucoup d’argent à dépenser et arriver à les convaincre que le prix est justifié. Une voiture a un prix, un joueur n’en a pas. Quel est par exemple le prix de Romelu Lukaku aujourd’hui ? C’est compliqué à dire car ce sont les situations et les agents qui fixent le montant. Celui-ci dépendra du moment, du client et de la bonne  » situation « . Les résultats d’un club sont également hyper-importants pour donner de la valeur au joueur. Un club qui ne fait pas de résultats ne pourra pas vendre un joueur cher, même s’il est excellent.

 » Le départ de Lukaku, c’était beaucoup d’argent  »

Vous semblez être un partenaire régulier de la direction anderlechtoise ?

Je tiens d’abord à préciser que je n’ai jamais amené de joueur à Anderlecht, je n’ai fait qu’en vendre. Mon père avait eu quelques soucis lors du transfert, en 2001, de Mido qui avait finalement préféré l’Ajax aux club bruxellois. Afin que l’on parte d’une feuille blanche, j’ai décidé un jour de contacter Philippe Collin et Herman Van Holsbeeck afin de leur expliquer comment je fonctionnais. J’ai commencé avec Jonathan Legear et puis je leur ai vendu des joueurs. Et je pense que le président est depuis satisfait de mon travail. Et pourtant il y a eu des dossiers difficiles, comme celui de Lukaku, que j’ai mené à bien.

Pour beaucoup d’argent ?

Je ne dévoilerai pas le montant exact de la transaction. Mais j’estime qu’à ce moment-là (été 2011), c’était une très bonne affaire. Dans le cadre du transfert des Musonda à Chelsea, c’était différent mais il fallait trouver une solution car ils ne voulaient pas rester. Cette décision peut être critiquée mais ils avaient les droits de la faire. A ce moment-là, j’ai expliqué aux dirigeants d’Anderlecht qu’ils allaient partir et qu’il fallait trouver la meilleure solution possible afin que tout le monde en tire profit. Et au final, on a fait les choses proprement. La compensation financière venue de Chelsea a permis de relativiser les choses.

Que conseillez-vous à Lukaku désormais ?

Le plus important pour lui, c’est d’avoir un coach qui le veut. Et c’est le cas à Chelsea. Mais il n’y a pas un grand club au monde qui va assurer à un joueur qu’il sera titulaire. Et surtout pas à 20 ans seulement. Mais, pour moi, il réussira au plus haut niveau, cela ne fait aucun doute. Son dernier entraîneur à WBA, Steve Clarke, me l’a encore répété : –Romelu deviendra un des meilleurs attaquants au monde. Ce n’est pas qu’une question de qualités, sa détermination est sans limite.

Rejoindre Chelsea à 18 ans après seulement deux saisons à Anderlecht, était-ce une étape trop importante ?

Quand tu reçois l’opportunité de signer à Chelsea, le club de tes rêves, ce n’est pas moi qui vais dire : non, non, n’y va pas. De nombreux joueurs pleurent toute leur vie pour aller à Chelsea et n’y évolueront jamais. Je n’avais pas le droit de lui dire de ne pas signer. Au final, ll a appris énormément durant cette année car il a rencontré des difficultés. Tout avait toujours été facile pour lui jusqu’à son arrivée à Londres. Sportivement, il a pu observer de très grands joueurs mais il a aussi mûri. Quand Daniel (Van Buyten) ne jouait pas sous Klinsmann, devais-je lui dire de partir ? Si je l’avais fait, il n’aurait pas gagné de Ligue des Champions cinq ans plus tard. N’oublions pas que personne ne fait de carrière rectiligne. Et puis, très peu de clubs étaient disposés à mettre une telle somme sur la table. C’est facile de dire que Romelu aurait dû aller à Bordeaux ou ailleurs, sauf que ce type de club n’est pas capable de payer autant. La situation n’était donc pas si simple. Et au final s’il reste encore à Chelsea un an, il deviendra un home grown player, il fera donc partie du quota de joueurs anglais, ce qui va le valoriser encore davantage. C’est aussi pour ça que Chelsea voulait le transférer à 18 ans et non pas attendre.

 » Des joueurs belges à ManU ? Peut-être…  »

Vous êtes réputé pour avoir de très bons contacts en Angleterre. Certains agents savent-ils ouvrir des portes mieux que d’autres ?

C’est évident. Mais si Kevin Mirallas est à Everton aujourd’hui, c’est surtout parce qu’il restait sur une superbe saison à l’Olympiacos. A l’inverse, si Vadis a failli signer à Everton en janvier dernier, c’est grâce à mes excellents rapports avec David Moyes. Je lui ai dit : tu dois le prendre. Il a alors regardé ses matches en vidéo et m’a dit : –ok, on le prend. Jamais il n’aurait écouté quelqu’un en qui il n’a pas confiance.

Il vous arrive régulièrement d’appeler les coaches ?

Quand tu as un joueur dans un club, tu as besoin d’être en contact avec le coach car c’est une manière de savoir exactement où ton joueur en est, tu peux aussi rectifier le tir dans certaines situations. Et quand tu n’as pas encore de joueur, il m’arrive d’appeler les coaches pour essayer de les convaincre de prendre mon joueur. C’est le cas en Angleterre puisque c’est souvent le manager qui décide. A Tottenham, par contre, on passe par le président, Daniel Levy…. Il n’y a pas vraiment de règle. Dans ce métier, tu deviens performant quand tu as appris à maîtriser tous les codes.

Vu les bons rapports que vous entretenez avec David Moyes, on peut imaginer que des joueurs belges se retrouveront à Manchester United dans un futur proche…. ?

Peut-être (il sourit). David est un copain, je ne le cache pas, comme je considère Bill Kenwright (président d’Everton) comme mon grand-père. Mais jamais, ils ne vont acheter un joueur pour me faire plaisir. C’est une fausse idée de croire que si tel ou tel joueur ne signe pas chez tel ou tel agent, le transfert ne se fera pas. Les clubs ne fonctionnent pas comme ça. La plupart des clubs anglais vont m’écouter car une relation de confiance s’est installée au fil des ans. Ce qui permet déjà de faire avancer le débat.

N’est-ce pas néfaste quand plusieurs joueurs appartiennent à la même personne, comme c’était le cas au Real cette saison avec Jorge Mendes ?

Si mais c’est normal qu’un club qui a confiance en quelques agents continue à travailler avec eux. Les agents sont devenus très importants dans le milieu du foot. Car ce sont eux qui font le marché, qui donnent des infos, qui permettent aux transactions de se faire. Et Jorge (Mendes) est une exception. Ils ne sont pas tous de la sa trempe. Car ce qu’il réalise est très fort.

Est-ce qu’un joueur peut aujourd’hui faire une grande carrière sans un  » bon  » agent ?

C’est compliqué. Même si un agent n’est pas un magicien. Si le joueur n’est pas performant, ne s’entraîne pas bien, n’a pas une bonne hygiène de vie, aucun grand club n’ira le chercher. Et inversement un bon joueur trouvera toujours un bon club. Mais si ce dernier n’est pas bien entouré, il n’aura peut-être pas le contrat qui lui revient, ni l’assistance nécessaire pour se concentrer uniquement sur son métier, personne peut-être pour lui conseiller de placer son argent, etc. Des aspects qui comptent dans la vie d’un footballeur de haut niveau.

Aujourd’hui, beaucoup de clubs, en Amérique latine ou en Espagne, partagent la propriété d’un joueur avec un fonds d’investissement. Cette méthode pourrait-elle être utilisée en Belgique ?

Ici, on n’est pas très friand de ça. Quand Anderlecht achète un joueur, il préfère en être propriétaire à 100 %. Par contre, des clubs comme l’Atléticio Madrid n’hésitent pas à s’allier à un fonds d’investissement pour transférer un joueur, même jeune. Ça permet au club de partager le risque, de diminuer le montant investi. Le club a toujours la possibilité de racheter la partie restante en cours de route.

Pour conclure, à quel type de mercato doit-on s’attendre sur le marché belge ?

Il devrait être mouvementé. Je suis convaincu qu’Anderlecht ne va pas hésiter à investir, tout comme Bruges dont le président, Bart Verhaeghe a prouvé qu’il était très ambitieux. Quant au Standard, c’est un peu l’inconnue….

PAR THOMAS BRICMONT – PHOTOS: IMAGEGLOBE/ KETELS

 » Anderlecht paye mieux qu’un club espagnol moyen et plus régulièrement surtout !  »

 » Les agents sont devenus très importants dans le milieu du foot.  »

 » Je suis convaincu qu’Anderlecht ne va pas hésiter à investir, tout comme Bruges.  »

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