« L’Albert, c’est l’image mais sans le son »

Le stade, le mercato, la visibilité du club, sa croissance, le rôle de Mogi Bayat, le directeur général des Dragons évoque tous les sujets.

Le directeur général de Mons, Alain Lommers, a plusieurs fers au feu. A présent que son équipe est officiellement sauvée, et sans doute écartée des PO1, il se penche pour Sport/Foot Magazine sur les dossiers chauds qui traînent sur les bureaux de l’Albert.

Fin décembre, vous déclariez que  » le mercato de Mons serait raisonnable mais pas dénué d’ambition « . On peut en douter après les départs de Zola, Perbet, Lépicier et Nicaise…

Cela dépendait de nos chances de jouer en PO1. A partir du moment où on a perdu contre Malines (2-3), on savait que cela devenait compliqué d’entrer dans les PO1. On a donc opté pour un mercato raisonnable. A cela s’ajoutent quelques données imprévisibles, comme le départ de Zola alors que nous n’étions pas demandeurs. Quant à Lépicier, je l’avais convoqué en septembre pour négocier un nouveau contrat et il n’est jamais revenu vers nous. J’avais donc le pressentiment qu’il voulait aller voir ailleurs. Le hasard a voulu qu’il désire aller au Beerschot où nous pistions Nyoni. Enfin, il y a le cas Perbet. On sait qu’à chaque mercato, le joueur est demandeur d’un transfert…

Au départ, Villarreal ne proposait pourtant pas grand-chose…

La première offre consistait en une location assortie d’un montant dérisoire. Dans ces conditions-là, cela ne nous intéressait pas. Puis, l’agent de Perbet nous a dit que le fils du président de Villarreal avait pris l’avion pour venir négocier. Il est arrivé vers 17 h et on l’a reçu par politesse car on pensait qu’il allait maintenir sa première offre. Finalement, lors des discussions, on a vu que Villarreal était prêt à mettre le paquet pour obtenir Perbet. On a donc dû faire un choix : fallait-il garder ou non le joueur ? Sachant qu’on avait plus de chances de jouer en PO2 qu’en PO1, on a décidé de se séparer de lui.

Pourtant, comme il s’agit d’une location, Mons ne touche pas le jackpot…

Si Villarreal lève l’option d’achat, la transaction sera plus intéressante que toutes les offres reçues en juillet. En cas de retour de Perbet, le montant de la location (et la prise en charge du salaire) est assez conséquent. Donc, un club comme Mons ne fait pas une mauvaise opération.

Est-ce que vous ne craignez pas de vous rendre compte, ces six prochains mois, de l’influence de Perbet sur les résultats des deux dernières saisons ?

On a adapté notre façon de jouer à Perbet, qui est un véritable joueur de 16m. Son départ va permettre à l’entraîneur de changer de tactique. On oublie qu’en début de saison, Perbet n’était pas aligné. Cela avait permis à Nong et Jarju d’être plus efficace.

 » On a toujours été contents du travail et de l’implication de Scifo  »

Comment expliquez-vous qu’un Perbet, meilleur buteur du championnat, n’ait pas suscité plus d’engouement ?

Le problème est vaste. Quand je regarde la liste des Souliers d’Or, je me rends compte qu’ils font tous partie des grands clubs. Il ne faut pas discuter le sacre de Mbokani mais vous trouvez normal que Perbet ne prenne que 5 points lors du deuxième tour alors qu’il a marqué 12 buts ?

Mais d’autres clubs plus petits, comme Lokeren, arrivent à vendre très bien leurs meilleurs éléments…

Sans doute que Perbet aurait été vendu plus cher s’il avait évolué dans un des grands clubs belges, et peut-être un peu plus cher s’il jouait dans un petit club flamand… Mons dispose du plus petit budget de D1 (NDLR : 6,5 millions d’euros). Nous gérons les salaires des joueurs d’une autre manière que dans d’autres clubs, à savoir avec un petit salaire mais de très belles primes. A Lokeren ou au Beerschot, les salaires de base sont largement supérieurs. Quand moi j’offre un salaire de 100.000 euros, à Lokeren, on lui offre 400.000 euros. Or, le raisonnement est le même pour une voiture. On arrivera à revendre plus cher une voiture de 100.000 euros qu’une de 20.000 euros.

Vous avez attendu avant de prolonger Enzo Scifo…

Non. On a toujours été content de son implication et de son travail. Il était convenu de se mettre à table une fois le mercato terminé. C’est ce qui s’est passé.

Pourquoi avoir rompu le contrat de Benjamin Nicaise ?

Il n’est plus tout jeune. Il pensait plus à sa reconversion qu’à son statut de joueur pro. Il n’y était plus. Ses idées étaient ailleurs et l’entraîneur le ressentait aux entraînements. Peu avant le stage, on a convenu qu’il ne faisait plus partie du noyau A et moi, je devais trouver une solution. Cela s’est très bien passé et on a pu négocier une rupture de contrat. Avec quelqu’un qui a une telle personnalité, il valait mieux terminer en bons termes que le maintenir à l’écart. Là, il aurait fini par exploser.

 » Ce n’est pas parce qu’on a un petit budget qu’on n’a pas d’ambition  »

Jusqu’à présent, Mons en D1, c’est une première saison canon, une deuxième délicate et une troisième catastrophique. Cette fois-ci, la deuxième saison est assez confortable…

Tout le monde sait que la deuxième saison est toujours la plus délicate. Pour ne pas répéter les erreurs du passé, on essaie toujours de bien débuter le championnat. Pour cela, on veut une équipe prête pour l’entame du championnat. D’où les transferts du mois de janvier.

Est-ce que Mons, vu son budget, est condamné au mieux aux PO2, au pire à la lutte pour le maintien ?

On est un club ambitieux mais raisonnable : on espérait ces PO1. Mais je n’ai pas les moyens de prendre un joueur que je paierais 1 million par an. Je ne considère pas que la 8e place soit le meilleur résultat possible pour Mons. L’année passée, alors qu’on revenait de D2, tout le monde trouvait le maintien comme un objectif naturel. Moi, je voyais plus haut. Ce n’est pas parce qu’on a un petit budget qu’on n’a pas de qualités, ni d’ambition.

Que représente la masse salariale dans votre budget ?

Précompte déduit, 42 %. Chez nous, il y a peu de différences entre les salaires. On part du principe que, dans le vestiaire, les joueurs parlent de leur salaire et à partir du moment où ils constatent une grosse différence entre eux, on perçoit du mécontentement et de la jalousie. Certes, certains sont mieux payés que d’autres mais dans une limite raisonnable. Par contre, il y a des différences dans les primes de matches.

Est-ce que le budget sera revu à la hausse la saison prochaine ?

Peut-être mais ce n’est pas pour autant qu’on va verser dans la démesure. Je ne peux pas endetter l’entreprise en me faisant plaisir et en attirant un joueur hors de prix. Même pour Lorenzi qui vient de L1, on est arrivé à négocier et son salaire correspond aux normes montoises.

Le temps où le président Leone comblait les trous est donc révolu ?

Le but est d’arriver à l’équilibre. En D1, c’est réalisable mais si on descend en D2, cela devient plus compliqué. Dominique Leone est intervenu quand on est descendu mais depuis deux ans, ce n’est plus le cas.

 » Je ne vais pas créer un scandale pour qu’on parle de Mons  »

Comment expliquez-vous la sous-médiatisation de Mons ?

Je constate qu’ à La Tribune, on parle 45 minutes du Standard, 45 minutes d’Anderlecht et qu’il faut attendre 22 h 30, quand tout le monde est déjà à moitié endormi, pour évoquer Mons. J’ai aussi l’impression qu’on parle aussi d’abord des clubs qui viennent des grandes villes. Or, Mons compte moins d’habitants que Bruxelles, Liège ou Charleroi. On parle peu de Mons mais ce qui est paradoxal, c’est que le club apparaît beaucoup en images. Ce qui ravit notre sponsor. A l’Albert, on aimerait toutefois y associer davantage le son.

La taille des villes est-elle la seule explication ?

Non, il y aussi l’histoire des clubs. Mons n’a encore rien gagné et cela ne fait que dix ans que l’on côtoie la D1.

 » On entend souvent les services publics dire qu’ils dépensent de l’argent pour un club de foot mais on ne les entend jamais dire que cela rapporte également  »

Est-ce que Mons pâtit de son image de club tranquille ?

C’est un fait : on essaye d’avoir une très bonne image et d’être considéré comme un club sérieux. Je ne vais pas commencer à créer un scandale pour qu’on parle de notre club. On travaille et on tente de le faire bien. On a été les premiers à avoir un responsable de la communication. Avant Anderlecht et le Standard ! On a été un des premiers clubs à retransmettre les matches aux malvoyants.

Mais Mons est-elle une ville de foot ?

Je commence à me poser beaucoup de questions. Cependant, nos infrastructures ne permettent pas d’attirer des personnes dans le confort nécessaire. Je comprends donc que notre population ne se presse pas pour se retrouver dans des mares d’eau. Quand nous sommes remontés en D1, la Grand-Place de Mons était noire de monde. Il y avait 7.000 personnes pour le match de barrage à Tubize. Les supporters sont donc là, quelque part ! Mais malheureusement, quand la T1 et T2 sont remplies, il ne reste plus que la T3, ouverte à tous les vents. Même moi, comme supporter, cela ne me plairait pas de venir voir un match dans ces conditions.

Mons n’est donc plus ce club qui défrayait la chronique, du temps de Sergio Brio ?

Non. On a tiré des leçons de nos erreurs. On s’est rendu compte que le monde du foot était pourri et on a mis en place une structure professionnelle. A un moment donné, Dominique Leone n’arrêtait pas de donner des interviews. Cela s’est retourné contre lui. Désormais, il est plus silencieux.

Mons est-il à l’abri de ce  » monde pourri  » ?

On ne peut jamais dire qu’on est à l’abri. Mais si on parle, par exemple, des agents, on travaille désormais avec une dizaine d’agents différents, sérieux, qu’on connaît depuis une dizaine d’années.

Pourtant, on vous a reproché de travailler beaucoup avec Mogi Bayat. N’y-a-t-il pas un risque de le voir prendre le monopole ?

(Il réfléchit) Mogi, c’est… comment dire ? Un bon commercial. Il connaît très bien le milieu. Il fait partie de ces dix agents et pour l’instant, il a un peu un monopole dans beaucoup de clubs. Mais pas toujours de manière directe. Des joueurs qu’il a réellement sous contrat ? Il n’y en a peut-être que 3 ou 4 à Mons mais il intervient dans de nombreux autres deals, soit mandatés par d’autres agents, soit mandatés par des clubs eux-mêmes. Sur ces deals-là, il ne joue qu’un rôle d’intermédiaire. Et cela nous arrive de refuser des joueurs proposés par Mogi !

Vous avez mené une véritable campagne de lobbying pour alerter les politiciens sur l’état du stade. Même si le Tondreau est communal, le rôle des gestionnaires du club n’est-il pas de prendre le taureau par les cornes et de prévoir les investissements nécessaires pour le stade ?

La commune ne nous a jamais proposé de racheter le stade. Elle a toujours désiré demeurer propriétaire. Nous, on s’occupe de l’entretien et des frais énergétiques et la ville, en tant que propriétaire, doit prendre en charge les gros travaux. L’année passée, lorsque nous avons remis en état le terrain, cela nous a coûté 50.000 euros et la ville n’est pas intervenue. Je préfère que la ville nous dise clairement qu’elle n’a pas les moyens d’avoir un club en D1. Mais elle doit savoir que le RAEC Mons emploie 50 personnes temps plein, que nous payons des taxes communales, que nous travaillons avec 200 fournisseurs. C’est une entreprise. Nous faisons tourner la boutique et cela rapporte beaucoup d’argent à la ville ! Je ne comprends pas que la ville ne se dise pas qu’elle a tout intérêt à investir dans une entreprise qui fonctionne. On entend souvent les services publics dire qu’ils dépensent de l’argent pour un club de football mais je ne les entends jamais dire que cela rapporte également. Quels seraient les dégâts, en termes d’emplois, si nous n’étions plus là ? Mons est capitale culturelle européenne en 2015 mais personne n’a jamais pensé associer le sport à l’événement. Ce stade terminé, il constituerait un amphithéâtre qui pourrait servir à des concerts. Cela se fait dans toutes les grandes villes européennes ! Mais pas à Mons…

Si le dossier du stade ne bouge pas, quelles seraient les conséquences ?

Le budget n’augmenterait pas. La ville nous avait fait des promesses pré-électorales qui nous ont endormis et maintenant qu’ils sont élus, on nous dit qu’il faut revoir les moyens à la baisse. Ce qui signifie relancer une nouvelle étude. On est donc reparti pour deux ans. Pour la Coupe d’Europe, nos sièges ne sont pas conformes. Il faudra donc aller jouer nos éventuels matches européens à Gand ou au Beerschot. De plus, actuellement, on arrive à une capacité de 8.127 places. Si on ferme la T3, on enlève 2.150 places. Pour obtenir la licence, il faut avoir un stade de 8.000 places. Même si la T3 est ouverte, nous n’avons qu’une latitude de 127 places ! Il y a donc un risque de devoir, un jour, aller jouer dans un autre stade. Je ne sais pas si la ville s’en rend compte.

PAR STÉPHANE VANDE VELDE

 » Il faut attendre 22 h 30 pour qu’on évoque Mons à la TV, quand tout le monde est à moitié endormi. « 

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