King des assists
Le Liégeois a troqué La Gantoise pour les tréfonds de l’Eredivisie. Son ambitieux menu : assurer le maintien du club de Tilburg, obtenir une seconde chance en équipe nationale puis franchir une étape supplémentaire.
« Allez, les gaillards « . C’est la devise de Willem II. De la mélodie d’attente au téléphone à la une du magazine du club en passant par les panneaux de bienvenue à l’entrée du stade, le slogan du club est omniprésent. Grégoire joue à Tilburg depuis la trêve hivernale. A Gand, il possédait un des pieds gauches les plus élégants mais est-il à sa place dans une équipe néerlandaise qui lutte pour le maintien ?
Christophe Grégoire : Les journaux néerlandais se sont posé la question et on conclut par : -Il devrait jouer dans une équipe mieux classée. Mais Willem II est peut-être l’étape idéale. En venant du championnat de Belgique, il n’est pas évident de réaliser un transfert dans un grand club. Si je joue bien, Willem II peut donc constituer la transition idéale.
Bien jouer à Willem II n’est pas une mince affaire. Une formation qui a besoin de points ne développe-t-elle pas un football qui ne cadre pas avec vos qualités ?
Bien jouer est certainement difficile, surtout en déplacement. La différence entre les matches à domicile et les autres est énorme. A l’extérieur, nous subissons le jeu et il n’est pas évident de se distinguer. Je dois essayer lors des matches à Tilburg. Là, nous tentons de jouer offensivement.
Vous avez déclaré que vous ne vouliez pas entendre parler de relégation.
Cet article m’a gêné. J’ai même demandé au club s’il était possible de m’expliquer sur son site internet. Il s’agit d’un malentendu. J’ai dit : – Je ne veux pas jouer en D2 dans le sens : – Je ferai tout ce que je peux pour maintenir Willem II en Eredivisie « . Ça ne voulait pas dire que je quitterais le club à tout prix s’il était rétrogradé.
Autre déclaration à la presse : » Un transfert de Gand à Willem II est un pas en avant car le niveau du championnat néerlandais est supérieur au belge « . Après dix matches, avez-vous changé d’avis ?
Pas du tout. Semaine après semaine, je constate que le niveau est supérieur au belge. Chaque équipe a des qualités. Le premier peut être vaincu par le dernier, ce qui n’est pas le cas en Belgique. Quand Anderlecht joue à domicile, il s’impose. Aux Pays-Bas, les ténors peuvent être battus sur leur propre terrain.
D’accord, mais cela ne veut pas dire que le niveau soit supérieur. Qu’est-ce qui fait la différence ?
Les joueurs ont une meilleure base technique qu’en Belgique. Les qualités physiques sont évidemment importantes aussi mais on place davantage l’accent sur le football. D’un strict point de vue technique, je me suis aisément adapté. En revanche, le rythme, plus élevé, m’a posé problème. Le jeu est plus rapide, le ballon circule mieux, on part plus vite un contre… Je m’habitue progressivement.
Presse et public ont été enthousiasmés par vos premiers matches. La suite a été plus pénible. Est-ce exact ?
Oui. D’emblée, j’ai bénéficié de critiques positives mais je sais, en mon for intérieur, que je devais progresser. De là à dire que mes prestations suivantes ont été tellement inférieures, il y a une marge. L’équipe était à la peine. J’en ai aussi subi les conséquences. Mais je n’ai joué qu’un seul match vraiment épouvantable, contre Venlo.
Deux rouges, quatre jaunes
Depuis votre arrivée, vous avez fait banquette une seule fois, contre l’Ajax. Etiez-vous très déçu ?
Pas trop. Dans le courant de la semaine, l’entraîneur m’avait dit que je n’entamerais pas le match mais que je retrouverais ma place lors de la rencontre suivante. Il voulait jouer plus défensivement contre l’Ajax. Il s’agissait donc d’un choix tactique. Je n’ai donc pas eu l’impression d’être écarté.
Vous êtes titulaire mais l’entraîneur vous aligne à des postes différents. A quelle place préférez-vous évoluer ?
Je joue où le coach le veut. J’ai joué dans l’entrejeu central et gauche de même que sur l’aile gauche. J’ai toujours préféré jouer au milieu gauche au sein d’un 4-4-2. Willem II pratique surtout le 4-3-3, un système que j’ai connu à Gand avec Trond Sollied. Il m’alignait surtout à gauche de l’entrejeu, estimant que c’était ma position. Il m’a dit : -Tu verras, à l’avenir, tu joueras à ce poste, même quand je serai parti « . Dans une position centrale, je peux moins utiliser mon centre, qui est une de mes principales qualités.
Moins de passes, c’est moins d’assists, ce que vous redoutiez avant votre transfert. Vous avez annoncé que vous ne vouliez pas être jugé sur base de vos statistiques en Belgique.
Il est normal qu’on en parle. En Belgique, j’étais souvent le meilleur passeur et je ne voulais pas que Willem II se focalise là-dessus : 14 assists ou plus en Belgique ne me garantissent pas 14 assists aux Pays-Bas. Les journaux m’appellent quand même le roi de l’assist. A moi de mériter ce titre. J’en étais à quatre après mes dix premiers matches : une bonne moyenne.
Autre chiffre : en dix matches, votre adversaire direct a été exclu à deux reprises. Est-ce l’effet du hasard ?
C’est vrai ? Je me souviens du coup de boule d’un joueur de l’Excelsior mais pas de l’autre carte rouge. C’est possible, notez. Il m’arrive de provoquer mon adversaire, jamais méchamment mais les défenseurs réagissent apparemment très mal. J’essaie surtout de ne pas prendre de cartes moi-même.
Vous avez quand même prix deux rouges en Belgique… et aux Pays-Bas, vous avez déjà été averti à quatre reprises en dix matches !
Oui, mais les cartes belges ont été sorties pour des bêtises. Cette carte contre Cliftonville en Intertoto…. Aux Pays-Bas, les arbitres distribuent généreusement les avertissements. Dès qu’on ouvre la bouche, c’est la jaune. Quand on montre de manière trop virulente sa déception après une décision, même tarif.
Les arbitres comprennent-ils ce que vous dites ? Dans le feu de l’action, vous ne parlez pas néerlandais ?
Ils comprennent (rires). Il ne faut pas beaucoup de mots pour marquer son désaccord.
Etes-vous obligé de suivre des cours de néerlandais ?
Oui. J’ai commencé mais les cours s’adressaient aux grands débutants alors que mon passage à Gand m’a permis d’apprendre le vocabulaire de base. J’ai donc arrêté. Je reprendrai quand le niveau sera plus élevé. Cinq joueurs ne parlent pas néerlandais mais nous nous comprenons tous en anglais. Au début, on nous traduisait les exercices à l’entraînement mais ce n’est déjà plus nécessaire.
Ruiz, la classe !
Les Néerlandais sont-ils aussi directs que nous le pensons ?
Tout à fait. Quand on joue un mauvais match, le coach le dit :- Tu n’étais nulle part hier. Il le prouve images à l’appui devant tout le groupe. Cela ne me pose pas de problème tant que chacun est traité de la même façon. Chacun entend ses quatre vérités en face alors qu’en Belgique, on donne son avis derrière le dos des gens.
Vous savez de quoi vous parlez. Votre départ a fait jaser à Gand, le manager Michel Louwagie étant le plus acerbe.
Cela m’a déçu. J’ai joué à Gand pendant deux ans et demi. Je n’ai jamais eu de problème avec personne. Puis, après mon départ, j’apprends qu’il était préférable que je parte. J’ai téléphoné à Louwagie. Il m’a dit que les journalistes avaient inventé ça. Je le crois.
Faisons le tour des vérités et des inventions. Vous auriez mieux connu la vie nocturne qu’il se doit pour un footballeur…
Faux. On dit que Guillaume Gillet et moi sortions tous les soirs. Foutaises ! Guillaume a une amie, j’ai une femme et deux enfants. Nous sommes parfois allés boire un verre après un match mais ce n’est pas anormal. Que les gens racontent ce qu’ils veulent. L’essentiel est que mes proches sachent la vérité.
Deux : vous ne supportiez pas la concurrence à Gand ?
Faux. Gand avait beaucoup de bons ailiers gauches. Bryan Ruiz est même un des meilleurs avec lesquels j’ai joué à Gand. Peu de footballeurs recèlent autant de qualités. Ruiz, c’est la classe. Mais nous pouvions très bien fonctionner ensemble. On aurait pu ajouter Fadiga. Nous aurions trouvé nos marques tous les trois.
Enfin, la rumeur la plus tenace : vous étiez déçu du transfert de votre copain Gillet à Anderlecht ?
Pas du tout. Guillaume est mon ami. Pourquoi lui aurais-je envié son transfert ? Si je tenais tellement à jouer avec mes copains, je ne serais quand même pas parti à Willem II ? Ici, je ne connais personne.
On dit que vous demandiez 400.000 euros par an, plus que ce que Gand était disposé à payer…
Je préfère ne pas en parler. Je suis satisfait de mes émoluments à Tilburg, restons-en là. Je négociais un nouveau contrat avec Gand depuis un an. Je n’ai pas obtenu ce que je souhaitais et je n’ai donc pas signé. Je comprends donc que le club m’ait laissé partir : plus le terme de mon contrat approchait, moins il allait toucher d’indemnités sur mon transfert. Celui-ci a arrangé tout le monde.
Pourtant, vous avez effectué des adieux en mode mineur ?
La grande porte, la petite… Cela ne me tracasse pas. Un joueur est un passant, de nos jours. Je suis fier de pouvoir regarder tout le monde droit dans les yeux à Gand : les joueurs, l’entraîneur, les délégués. Je n’ai jamais eu de problèmes avec ces gens.
Suivez-vous toujours les performances de Gand ?
Oui. J’habite à Anvers. Je suis donc plus facilement le championnat belge que le batave. Je sais peu de choses sur l’ Eredivisie. Je connais tout au plus deux joueurs du PSV, y compris Timmy Simons.
Diable Rouge
Vous n’avez pas été sélectionné contre le Maroc. Après coup, ce n’était pas plus mal mais êtes-vous quand même déçu ?
Non. Je comprends qu’on ne me sélectionne pas pour le moment. Je ne dis pas que je le mérite mais mon match précédent était très mauvais. J’étais présélectionné. Cela veut dire qu’on continue à me suivre. Je dois prester à Willem II, c’est tout.
L’équipe nationale vous rejette après deux matches, Anderlecht vous juge sur six matches. Est-ce frustrant d’être aussi vite classé ?
Absolument pas. Il en va ainsi en football. Quelques matches peuvent être décisifs dans une carrière. Cela fonctionne dans les deux sens. Quand je jouais à Liège, Mouscron est venu visionner un autre joueur mais m’a remarqué. C’est ainsi que j’ai rejoint la D1. Sur base d’un seul match. Parfois, cela tient à des détails. Il n’y a qu’un remède : veiller à être à son meilleur niveau à chaque match.
par jan-pieter de vlieger – photos: pro shots
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