IRRÉPARABLES DÉGÂTS

Jan Hauspie Jan Hauspie is redacteur bij Sport/Voetbalmagazine.

En marge de l’affaire de corruption et du départ du manager Gaston Peeters, la volonté de nettoyage du président du Lierse pourrait signifier la fin prochaine du club.

Le 13 juillet 2005, quand Sport/Foot Magazine avait dévoilé l’infiltration douteuse de Zheyun Ye et de Pietro Allatta dans le football belge, le nom de Gaston Peeters avait émergé de façon inattendue.

Peeters, manager général du Lierse SK, a admis avoir introduit Ye en Finlande, à Tampere United, par l’intermédiaire d’un de ses bons amis, le manager suédois Marco Blazevski. Peeters n’a pas précisé que Blazevski était déclaré persona non grata par la FIFA – sanction très lourde et très rare – depuis 1995. Il n’a pas davantage dit qu’il s’était ensuite tourné avec Ye vers l’AC Allianssi, avec lequel le Chinois a rapidement trouvé un accord début juillet. Il n’aurait pris connaissance de cette reprise qu’ensuite, en lisant les journaux, affirmant même ne pas connaître le nom du club. Un coup de téléphone a suffi : Erkki Alaja a balayé cette déclaration. Selon l’homme qui était alors président d’Allianssi, Peeters était impliqué dans les négociations de reprise, en tant que consultant. Un mois plus tard ( Sport/Foot Magazine, 10 août 2005), Olivier Suray l’avait explicitement cité : il était le quatrième homme à s’être rendu à Allianssi, avec Ye, Allatta et lui-même, pour fonder la nouvelle société.

Nul en Belgique n’a été interpellé par l’histoire ni même par la démarche inhabituelle de Peeters. Pas même le Lierse, où Leo Theyskens, empreint d’assurance et de combativité, devenu président du club, a présenté le nouvel organigramme le 23 juin. Dorénavant, un comité de direction restreint, composé de Peeters, de Bob van Jole et de Benny Van Dijck ainsi que de Theyskens, allait se charger de la gestion quotidienne du club. L’entraîneur, Paul Put, était flanqué d’un team manager et son contrat était prolongé jusqu’en 2008. Moins d’un semestre plus tard, Van Jole, Peeters et Put sont limogés et Theyskens a déposé plainte au pénal contre ces deux derniers ainsi que contre son prédécesseur, Gaston Vets, et Ye.

Or, malgré la confiance qu’il exprimait le 23 juin envers ses nouvelles figures-clefs, Theyskens prétend aujourd’hui avoir donné pour mission, début juin, à son conseiller d’enquêter à propos d’irrégularités commises au sein du club. Il aurait eu des indications selon lesquelles des parts qui n’appartenaient plus au club, puisqu’elles lui avaient déjà été vendues, auraient été monnayées derrière son dos à Ye. D’où la plainte pour faux en écriture.

Ce n’est que plus tard que des indices de corruption lui seraient parvenus, indices qui touchaient aussi d’autres personnes, selon ses dires. Theyskens soupçonnerait que l’ancienne direction ait prévu d’accorder à Ye un rôle important dans la gestion future du club et qu’elle devait connaître ses véritables intentions – lisez la corruption de joueurs et des gains importants en paris. D’où la plainte pour association de malfaiteurs. Le Parquet examine les plaintes.

Put connaissait Ye et Ye connaissait Put

Le fait que Theyskens vise Vets est étranger, par essence, à l’aspect corruption de l’affaire Ye. Le président actuel du Lierse se sent surtout personnellement trompé par son prédécesseur, à cause de la soi-disant double vente du club, et veut que ce soit rectifié. Vets affirme disposer des documents et attestations qui prouvent que Theyskens était parfaitement au courant de tout. Il a riposté en déposant plainte en diffamation contre Theyskens, ce que fait également l’avocat Chris De Nijn. Celui-ci a démissionné le 15 juin de son poste de président ad intérim et estime que Theyskens a porté atteinte à sa réputation en menaçant de déposer plainte contre lui aussi.

Il n’est pas vraiment étonnant que Paul Put soit aussi visé : c’est lui qui a introduit Ye au Lierse. Put savait que les tentatives du Chinois de reprendre le Germinal Beerschot n’avaient pas abouti, via les managers René Vijt et Walter Mortelmans. Fin 2004, il savait aussi qu’il y avait des problèmes avec les investissements promis par Theyskens au Lierse. Put connaissait Ye et Ye connaissait Put.

 » Le nom le plus étonnant dans le quatuor des accusés est sans aucun doute celui de Gaston Peeters « , écrivait un journal anversois la semaine dernière.

C’est tout le contraire. Non seulement Peeters a tu la teneur réelle de ses contacts avec Ye et Allatta, mais les rumeurs les plus folles circulent à son sujet depuis qu’il a débarqué dans le milieu du football, il y a une quinzaine d’années. C’est d’ailleurs un miracle si, en mai 2003, après la faillite de Lommel, il a retrouvé un employeur.

Gaston Peeters a effectué son entrée dans le football professionnel au poste de manager de Lommel en 1998. Herman Vermeulen, auquel son ami Lei Clijsters avait demandé s’il connaissait quelqu’un doté des qualités requises pour ce poste vacant, a intercédé en sa faveur. Au début des années 90, Vermeulen avait travaillé comme adjoint de Clijsters au Patro Eisden, avant de devenir l’entraîneur principal de Kermt, un club de Promotion dont Gaston Peeters était alors le président. Le courant était passé entre Vermeulen et Peeters, même si les deux hommes ne se parlaient plus quand Clijsters a interrogé Vermeulen : d’après celui-ci, Peeters ne l’avait pas suffisamment soutenu quand Kermt l’avait limogé, au bout d’une année.

Peu de temps après, le club s’était aussi défait de Peeters. Vermeulen était alors devenu l’adjoint de Clijsters à Gand, Peeters rejoignant le KTH Diest, dont il avait également été chassé au bout d’un an. Le reproche est identique partout : il est mégalomane.

Peeters s’était déjà fait mauvaise réputation en-dehors du football. Jusqu’au milieu des années 90, il était gérant d’une filiale de la Banque de Breda à Stokrooie, une entité de Hasselt qui est son village natal. L’agence a fermé du jour au lendemain et il s’est retrouvé à la rue ; d’après la rumeur parce qu’il aurait réalisé des investissements extrêmement risqués avec l’argent de ses clients. Il a ensuite essayé de lancer une chaîne de fritures, qu’il a lâchée en laissant son partenaire se débrouiller avec les dettes. Quand il était à Kermt, lors du vol de sa Mercedes Cabrio devant le stade, il est apparu que le véhicule n’était pas assuré en tant que cabriolet. L’année dernière, il a été cité dans une autre affaire.

Peeters se cachait dès qu’il y avait problème

Mais voilà,  » il parlait si bien « . Peeters, un célibataire qui a habité la maison familiale jusqu’au décès de son père l’an dernier, retombait toujours sur ses pieds. Tant à Lommel, où il a fait la connaissance de son amie actuelle, qu’au Lierse, il était absent de la liste des salariés, travaillant sur facture, comme (faux) indépendant. Sans cesse, des récits font état de factures sur lesquelles nul n’avait de contrôle, d’engagements financiers impossibles à tenir par les clubs. Fait significatif : sa fuite dès que les problèmes se présentaient. Il faisait alors répondre qu’il était en voyage.

Il était d’ailleurs souvent à l’étranger. Sa politique de transferts témoigne d’une prédilection pour les joueurs d’Europe de l’Est et les Croates en particulier. Peut-être le Parquet devrait-il s’assurer que les biens de Peeters correspondent à ses revenus de manager de clubs modestes comme Lommel et le Lierse. Par ailleurs, cet été, en Croatie, Peeters a chaque fois effectué ses transferts en présence de Leo Theyskens, qui possède une usine de robinetterie à Zagreb et connaît bien la région. Le président – homme d’affaires- avait à l’époque maintes fois souligné que rien d’inconvenant ne s’était passé lors des transactions.

Peeters n’a jamais été impliqué dans les négociations entre Gaston Vets et Ye. Par contre, c’est lui qui recevait le Chinois lorsque celui-ci assistait à des matches du Lierse. A ce moment, c’était déjà la guerre froide entre Vets et Peeters. L’ancien président a souvent piqué des crises de rage à la direction quand son manager n’avait pas respecté des engagements. Il a été à maintes reprises sur le point de le limoger. Pourtant, avant d’être mis sur la touche, Peeters est encore parvenu à obtenir une promotion de Theyskens.

Au Lierse, on témoigne :  » Peeters ne fonctionnait pas en manager. Il ne faisait pas son travail. Au fond, il est simplement un fainéant « . Au Parquet de dire s’il y a davantage d’éléments à charge.

JAN HAUSPIE

LE PRÉSIDENT THEYSKENS DÉPOSE PLAINTE CONTRE L’ANCIENNE DIRECTION POUR ASSOCIATION DE MALFAITEURS PARCE QUE YE SE SERAIT PROFILÉ DANS LA GESTION

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