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Entre pandas, zèbres et pingouins

Si tous les habitants d’Eupen se rassemblaient au Stade Roi Baudouin, ils ne rempliraient même pas la moitié de l’enceinte. Pas étonnant finalement que les Pandas affichent l’une des plus petites assistances de notre Jupiler Pro League.

Le vent frais annonce bel et bien l’automne tandis que l’odeur des saucisses et de la choucroute nous rappelle que nous sommes à Eupen. Le Kehrweg fait grise mine en ce mardi de fin septembre. Les Pandas accueillent Tubize pour un match de Coupe de Belgique qui ne passionne guère. Alors que la partie approche de son terme et que la qualification des locaux ne fait plus aucun doute, le speaker annonce le nombre de spectateurs venus assister à cette rencontre : 604.

Avec ses 19.500 habitants, Eupen est une sorte d’OVNI dans le paysage de la Jupiler Pro League. La petite ville des Cantons de l’Est est la plus petite entité à accueillir un club de l’élite. Ce bon vingt mille, c’est à peu de choses près ce que Gand a accueilli comme spectateurs, en moyenne, la saison passée. La population eupenoise pourrait être réunie entièrement dans six stades belges : Sclessin (Standard), le Parc Astrid (Anderlecht), le Jan Breydel Stadion (Cercle / Club Bruges), la Ghelamco Arena (Gand), la Luminus Arena (Genk) et le Stade Roi Baudouin.

On peut donc aisément comprendre que les Pandas traînent dans le fond du classement des moyennes de spectateurs, ne devançant que l’Excel Mouscron. En 2016-2017 et en 2017-2018, environ 3.400 personnes s’étaient rendues en moyenne à chaque match d’Eupen. Cette année, ils ne sont pour le moment que 2987 après 5 matchs à domicile (chiffres arrêtés au 07 octobre). Mais qui sont ces hommes et ces femmes qui forment une poignée d’irréductibles toujours prêts à soutenir les Noir et Blanc ?

Une mini-ménagerie au Kehrweg

 » Nous sommes une petite ville et les supporters ne poussent pas aux arbres.  » Raphaël est supporter des Pandas et analyse bien la situation compliquée que vit son club au niveau du remplissage de son stade. Malgré tout, notre homme ne tombe pas dans le pessimisme et voit l’avenir avec confiance.

 » Aujourd’hui, une culture de supporters autour d’Eupen se développe. Les enfants naissent supporters de la KAS, ce qui n’était pas le cas avant « , remarque-t-il. À domicile, Eupen est dépendant de l’adversaire qu’il accueille. On l’a vu contre le Standard où environ 5.500 personnes se sont pressées au Kehrweg pour assister au terrassement des Rouches par les Pandas.

À l’inverse, contre Gand, ils n’étaient que 1.300. Mais c’est à l’extérieur que l’on reconnaît les vrais supporters de l’Alliance.  » Ceux qui vont en déplacement, ils sont toujours là. Il y a un côté familial car tout le monde se connaît « , affirme Raphaël. Malgré ce nombre peu élevé de fans, le club germanophone compte plusieurs groupes d’inconditionnels.

Sur le site du club, quatre sont recensés : les Pandas, les Zebras, le TSV Pinguwine et les Gaulois Noir et Blanc. Mais depuis quelques mois, un cinquième groupe s’est rajouté : les Kami-KAS.  » Avant 2010 et la première montée en D1, supporter Eupen était un deuxième choix. Depuis notre remontée, il y a de plus en plus de monde. Les gens sont maintenant fiers du club de leur ville « , avance Raphaël.

Concurrence allemande et liégeoise

Le malheur d’Eupen, c’est peut-être sa situation. La ville, qui fournit tout de même environ la moitié des supporters du club, est située à la frontière allemande, un pays vers où de nombreux habitants regardent. Il faut dire que la Bundesliga fait davantage rêver que la Jupiler Pro League avec ses grands stades modernes, ses ambiances incroyables et son jeu autrement plus passionnant.

 » En 1 h, vous pouvez aller voir un match chez 3, 4 ou 5 clubs « , fait très justement remarquer Raphaël. Cologne, Dortmund, Mönchengladbach, Bayer Leverkusen, Düsseldorf, Schalke 04 ne sont guère loin. Aix-la-Chapelle, situé à 15 km, attire également de nombreux fans belges, bien que le club évolue en Division 4.

 » Cela fait une grosse concurrence « , souffle le supporter eupenois. Surtout que le Standard occupe aussi une belle place dans le coeur des gens de la région.  » À Welkenraedt, qui est à côté d’Eupen, les habitants sont plutôt supporters des Rouches voire même d’Anderlecht.  »

 » Face à cette concurrence la KAS Eupen propose une alternative la plus attractive possible « , place Michaël Reul, le responsable de la communication des Noir et Blanc. Cette alternative se résume rapidement : du bon football, une atmosphère familiale et un sentiment de proximité avec les supporters.  » C’est cela notre atout.  »

Un cruel manque d’identification ?

Malgré tout, la proximité de la D1 allemande et du Standard influence positivement les supporters et l’ambiance qu’ils mettent dans les gradins du Kehrweg.  » Il y a ce qu’on peut appeler une ambiance Ultra, due notamment au fait que pas mal de supporters actifs d’Eupen sont d’anciens du Standard « , explique Raphaël.

Le manque de joueurs du cru est une autre raison avancée par certains pour expliquer les tribunes clairsemées. Sans ces gars du coin, le public aurait du mal à s’identifier à l’équipe, à la voir comme son représentant en D1. Un argument qui, pour Raphaël, ne tient pas.

 » Il y a 2 ans, Christian Brüls jouait ici mais cela n’a pas changé grand-chose « , estime-t-il. Peut-être était-il trop seul ? Il reconnaît tout de même que l’arrivée des Qataris avait été accueillie avec méfiance au départ. Et ceux qui sont restés voyaient déjà leur club se transformer en Paris Saint-Germain des Cantons de l’Est.

Une certaine naïveté qui les aurait poussés à se détourner du club quand ils n’ont pas vu les grandes stars rejoindre Eupen ?  » En tout cas, c’est vrai que les jeunes aimeraient bien voir quelques gars de la région dans le noyau.  »

D’autres sont plus réalistes. Au Penalty, le café du stade, plusieurs supporters remercient les Qataris.  » Sans eux, on ne serait pas en D1. Alors, il faut choisir : soit jouer au haut niveau, avec des joueurs qui viennent des quatre coins du monde ; soit jouer plus bas avec des mecs de la ville, de la région germanophone « , nous glissent plusieurs amis, bière à la main.

Des actions pour attirer le public

Le cas extrême du match de Coupe de Belgique contre Tubize montre qu’il est quand même difficile de fidéliser le public, même en semaine. Pourtant, le club essaye tant bien que mal de remplir son stade.  » Contre le Standard, il y avait un DJ et une happy hour de 16 h à 17 h. Cela a bien fonctionné, ça a ramené du monde « , soutient Raphaël.

 » Le club essaye vraiment d’aller vers ses supporters. Pour la fête de la Communauté germanophone ( ndlr : le 15 novembre), il y a toujours une action avec des places offertes aux enfants des clubs de la région. Cela amène toujours une chouette ambiance « , poursuit-il.

 » La KAS Eupen cherche la coopération avec les autres acteurs sportifs et sociaux de la région : invitations aux écoles, à d’autres clubs sportifs, à des associations sociales ou caritatives « , confirme Michaël Reul.

Le responsable de la communication des Pandas souligne ensuite l’aspect démocratique du club :  » Nous proposons des tickets à des prix abordables et de fortes réductions pour les abonnements par rapport au ticket par match. Ainsi, la place assise en T2 coûte aux adultes sans réduction, pour toute la saison y compris les play-offs, 170 euros ce qui correspond à un prix par match de 8,50 euros.  »

Union sacrée avec les fans

On peut qualifier le soutien du noyau dur des supporters d’Eupen envers leur club d’indéfectible. Et ça, les joueurs en ont bien pris la mesure. A Waasland-Beveren, les supporters n’étaient qu’une poignée à avoir fait le déplacement mais les hommes de ClaudeMakélélé ont pris le temps d’aller les saluer et les remercier. Un geste important pour le gardien inamovible, Hendrik Van Crombrugge.

 » On sait qu’on n’a pas le plus grand public de Belgique mais ceux qui sont là nous soutiennent tout le temps.  » Le portier souligne l’importance de leur présence  » surtout à domicile. Contre le Standard, 5.000 ou 6.000 supporters dans notre petit stade, cela fait beaucoup et on sent cette force qui vient du public.  »

Pourtant, vu les résultats catastrophiques du début de saison, on aurait pu penser que les supporters tourneraient un peu le dos à leurs protégés. Il n’en fut rien.  » Malgré notre mauvais départ, ils ont continué à nous soutenir car ils savaient que nous critiquer ne nous aiderait pas « , se réjouit Van Crombrugge.

 » Je sais que c’est difficile pour eux, quand ils font les déplacements, qu’ils payent leur ticket, de voir des joueurs de foot professionnel très bien payés ne pas apporter assez. On a eu pas mal de discussions avec eux. On est tous ensemble. C’est une sorte d’union sacrée.  »

Et visiblement, ils ont bien fait. Depuis quelques semaines, les Pandas enchaînent les bons résultats et les belles prestations. Grâce au 12e homme ? En partie, peut-être…

Les Schwarz-Weisse Gallier, lisez les Gaulois Noir et Blanc, assurent eux aussi l'ambiance au Kehrweg.
Les Schwarz-Weisse Gallier, lisez les Gaulois Noir et Blanc, assurent eux aussi l’ambiance au Kehrweg.© belgaimage

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