A votre synthé !
Les aires de jeu artificielles ont la cote auprès du champion, mais aussi de son voisin, le FC Brussels.
Le derby bruxellois a à peine vécu que, de part et d’autre, les grandes man£uvres vont bientôt commencer. Non pas en coulisses mais sur le terrain, car tant du côté du RSCA que du FC Brussels, les directions comptent profiter de la saison creuse pour procéder au réaménagement de leurs terrains principaux.
Le Sporting, qui s’était doté l’année dernière d’un semi-synthétique sur le B, qui jouxte la pelouse principale, va étendre cette initiative. Dans la foulée, sur le site de Neerpede où est implantée son Académie des Jeunes, Anderlecht va se pourvoir de deux surfaces 100 % synthétiques ainsi que d’un revêtement similaire pour les deux halls des sports de 2400 mètres carrés (60 x 40) qu’il compte implanter en ces mêmes lieux. Du côté des Coalisés, le stade d’entraînement du Sippelberg, gazonné à l’heure actuelle, sera remplacé par une nouvelle surface, entièrement synthétique celle-là. A côté du stade Edmond Machtens, le long du boulevard Mettewie, le club a donné son feu vert pour la confection d’un semi-synthétique, qui flanquera le full synthétique ancienne génération sur lequel les troupes de l’entraîneur Albert Cartier se sont régulièrement entraînées durant cette campagne.
Aussi bien à Anderlecht qu’à Molenbeek, les travaux seront à nouveau réalisés par la firme Desso DLW Sports Systems, de Termonde, leader sur ce marché non seulement en Belgique mais aussi en Europe (Tottenham, Arsenal, Liverpool, Feyenoord, FC Utrecht, Sporting Lisbonne).
La fin des tacles qui brûlent ?
» Au départ, l’entreprise, qui portait encore le nom de son fondateur, le Mouscronnois Henri Desseaux, était spécialisée dans la fabrication de tapis » dit Yves De Cocker, sales manager. » Le directeur d’une de ses filiales, implantée à Os, en Hollande, était un fan de hockey sur gazon. Un beau jour, à la faveur d’une compétition organisée aux Etats-Unis, il tomba sous le charme du fameux astroturf confectionné par la firme locale Monsanto. Du coup, l’idée lui vint à l’esprit de ne plus se borner à la réalisation de tapis. Desseaux, devenu Desso entre-temps, s’allia par la suite, au début des années 90 à DLW, l’abréviation de Deutsche Linoleum Werke. Dans la foulée, on y ajouté le syntagme Sports Systems car l’essentiel de la production concerne l’élaboration de surfaces destinées aux sports. Dans un premier temps, c’est vers le hockey, en plein air ou indoor, que nous nous sommes tournés. Vu l’énorme engouement, d’autres disciplines ont rapidement suivi, comme le football ou le rugby. Un sport n’est pas l’autre : il a fallu combattre les réticences dans le monde du football. C’est que les premiers revêtements étaient durs et que les sliding tackles étaient encore synonymes, à l’époque, de brûlures. Sur un terrain en herbe normal et dans des conditions classiques, une glissade provoque, en raison du frottement, une augmentation de température, à hauteur de la jambe et de la cuisse, de l’ordre de 5 degrés. Avec la première génération de synthétiques, cet accroissement était de 15 degrés. A présent, nous sommes parvenus à faire baisser ce chiffre à 8. La différence avec le gazon est donc devenue négligeable « .
Le synthétique pour l’entraînement
» La qualité du synthétique a progressé du tout au tout » poursuit notre interlocuteur. » Au commencement, les fibres, en polypropylène, étaient compactes et rugueuses. Au bout d’un certain temps, elles se tassaient aussi. Pour diminuer les risques d’irritation ou de blessure, une sorte de terreau était éparpillé sur la surface afin de conférer à la fois une meilleure élasticité et de réduire les forces de frottement en cas de contact avec le sol. Aujourd’hui, près d’un quart de siècle plus tard, il n’est plus du tout question d’un aggloméré mais d’une fibre, en polyéthylène cette fois, qui ressemble à s’y méprendre à un brin d’herbe. Le terreau, lui, a complètement disparu et est remplacé, aujourd’hui, par de toutes petites billes en caoutchouc qui confèrent une souplesse à l’ensemble. Le synthétique permet de jouer en toutes circonstances, sauf extrêmes, évidemment. En cas de chute de 50 centimètres de neige ou de pluies diluviennes pendant trois semaines, sans interruption, il sera hors service. Mais dans tous les autres cas, il peut être utilisé sans problèmes. Tout le monde se souviendra que, cette saison, le match de Supercoupe de Belgique entre Anderlecht et Zulte Waregem avait dû être interrompu, puis ajourné, suite aux conditions apocalyptiques qui s’étaient abattues sur la capitale. Avec un synthétique, le Sporting et son adversaire flandrien auraient pu mener ce match à bonne fin. La deuxième qualité d’un synthétique, c’est sa pérennité. Avec lui, il n’y a pas le moindre risque de se retrouver un jour sur une surface pelée comme il en va avec l’herbe. Un terrain naturel est conçu pour la pratique de 250 heures de football bon an mal an. L’un des synthétiques de Neerpede en est déjà à 900 heures cette saison et il est toujours comme neuf. La troisième force, c’est son caractère inaltérable. Sur une pelouse abîmée en raison de son utilisation abondante, il faut composer inévitablement avec des rebonds capricieux du ballon. C’est impensable avec un synthétique. Si un coach veut dispenser un entraînement technique, cette surface est idéale. Autrefois, elle était essentiellement en vigueur dans les halls. Mais depuis plusieurs années, elle s’est étendue aux aires de jeu en plein air, parce qu’elle permet de jouer par tous les temps. Ce n’est pas un hasard si Tromsö, le club le plus septentrional de l’Europe, confronté aux étés chauds et aux hivers rudes, a choisi d’évoluer sur ce type de surface « .
Le semi-synthétique pour les matches
» A côté du synthétique intégral, on assiste en parallèle à l’essor du semi » poursuit Yves De Cocker. » En réalité, l’appellation est quelque peu trompeuse car la proportion n’est pas de 50 % de polyéthylène et autant de gazon mais d’un rapport de 7 % de fibres synthétiques et de 93 % d’herbe. C’est pourquoi nous préférons la dénomination de Grassmaster. 20 millions de fibres en polyéthylène sont implantées, avec une distance de deux centimètres entre elles, sur toute la surface du terrain. Par la suite, celui-ci est ensemencé de manière régulière et, au fil des jours, l’herbe naturelle ainsi formée va s’enrouler autour des filaments artificiels. Résultat des courses : plus question de plaques de gazon qui s’envolent, car elles sont retenues par les fibres. Du coup, le semi-synthétique a donc une durée de vie beaucoup plus importante qu’un gazon normal. Ici, on peut utiliser le terrain durant 750 heures sans problème. Ce qui veut dire qu’on multiplie les données chiffrées par trois par rapport à la normale. Chez nous, Lokeren a été le premier à utiliser cette surface cette saison. L’équipe première, la réserve et les espoirs : tous jouent et s’entraînent sur cette aire principale de Daknam depuis le mois de novembre. Au total, il en va là de plus de 400 heures d’utilisation actuellement. Et le terrain est toujours impeccable. A présent, après le club waeslandien, c’est bientôt au tour d’Anderlecht d’embrayer avec un Grassmaster au stade Constant Vanden Stock. Il y a un an, ce système avait été réalisé pour la première fois sur le terrain B. Avant de se prononcer en faveur d’une même option pour l’aire de jeu principale, la direction et l’entraîneur, Frankie Vercauteren, avaient voulu se rendre compte de sa conception ailleurs. C’est la raison pour laquelle nous avons tous mis le cap, récemment, sur Londres où Arsenal et Tottenham ont choisi depuis le début de la saison d’évoluer sur une surface semi-synthétique. Le résultat, tant à l’Emirates Stadium qu’à White Hart Lane est édifiant. Le Sporting était surtout intéressé par le stade des Spurs dont la construction, entièrement fermée, présente des similitudes évidentes avec l’enceinte du Parc Astrid, alors que celle des Gunners, ouverte vers le haut, autorise une aération constante partout. Chacun a pu se rendre compte qu’il n’y avait pas la moindre différence d’un lieu à l’autre et c’est ce qui a convaincu les responsables du club ainsi que l’entraîneur à étendre l’adoption du Grassmaster à l’aire de jeu principale. Seule particularité, pour Anderlecht : la tonte se fait toujours à 25 millimètres de hauteur au Sporting, afin de favoriser tant et plus la vitesse des échanges au sol. Elle induit donc des brins qui dépasseront de la surface du sol dans une fourchette comprise entre 18 et 24 millimètres. Ailleurs, leur hauteur oscille toujours entre 25 et 27 millimètres « .
Vers une uniformité
» Pour le moment, surtout au plus haut niveau, les clubs s’en sont toujours tenus à une surface en gazon normale ou, à présent, au semi-synthétique. La raison est simple : ils ne voulaient tout simplement pas changer leurs habitudes ou brusquer les événements. Mais comme de plus en plus de jeunes seront initiés aux rudiments du football ou se perfectionneront sur une surface synthétique ou semi-synthétique dans les années à venir, il n’est pas du tout interdit de penser qu’on en arrivera à une uniformisation. On voudra de plus en plus reproduire les mêmes conditions de jeu, de la Première aux équipes d’âge et vice-versa. Aujourd’hui, il existe toujours un décalage entre la nouvelle tendance, synthétique ou semi-synthétique, et l’herbe, à laquelle on a été habitués de tous temps. Mais au fil des ans, tout cela s’estompera. Et les jeunes d’aujourd’hui, qui auront appris à dompter le ballon sur une surface artificielle, auront de grandes chances de retrouver ces mêmes conditions au plus haut niveau. Le futur est à ce prix. Non seulement dans le domaine du football mais dans d’autres disciplines aussi. La preuve : dans un passé guère lointain, les trois quarts des levées du Grand Chelem, au tennis, se déroulaient sur herbe : Wimbledon, Forest Hills et Internationaux d’Australie. Seul Roland Garros, avec sa brique pilée, était l’exception. Aujourd’hui, Forest Hills, devenu Flushing Meadows, se déroule sur du synthétique et le stade en gazon de Kooyong a fait place à la Rod Laver Arena à Melbourne, un revêtement artificiel aussi… «
par bruno govers – photos:reporters/gouverneur
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