Le pacemaker de l'université de Northwestern: minuscule et biorésorbable. © DPI

Comment le plus petit pacemaker du monde pourrait révolutionner la chirurgie: «Les résultats sont prometteurs»

Le plus petit pacemaker au monde vient d’être mis au point à Northwestern à Chicago. Il permettrait d’éviter les chirurgies invasives.

Un pacemaker plus petit qu’un grain de riz vient d’être conçu par des chercheurs américains à l’université de Northwestern. Sa taille miniature permet de l’introduire par une seringue, évitant ainsi toute chirurgie invasive. En plus de sa taille extrêmement réduite, ce stimulateur cardiaque est biorésorbable; il se décompose progressivement dans le cœur sans qu’il soit nécessaire de le retirer. Des caractéristiques qui minimisent les risques pour le patient et rendent possible une application chez les nouveau-nés.

Le cœur fonctionne naturellement au moyen d’un système électrique interne dont le but est d’assurer une coordination parfaite du rythme cardiaque. Ce système est fait d’un réseau complexe dans lequel on retrouve des cellules spécialisées: les cellules du tissu nodal. Elles sont à l’origine des contractions cardiaques en générant spontanément et régulièrement des impulsions électriques. Lorsque ces cellules deviennent défectueuses, les battements du cœur ne fonctionnent plus normalement. Le cœur peut faire des pauses prolongées pouvant aller jusqu’à plusieurs dizaines de secondes, qui peuvent mener à l’arrêt cardiaque. Ce sont là des symptômes graves d’une arythmie sévère. Dans ce cas de figure, les pacemakers sont des outils essentiels à la survie des patients. «C’est une prothèse qui génère des impulsions électriques pour pallier les déficiences du rythme cardiaque», explique le Professeur Pascal Defaye, responsable de l’unité de rythmologie et stimulation cardiaque au CHU de Grenoble.  Ces impulsions se substituent aux cellules du tissu nodal en alimentant le cœur en électricité.

En 2016, l’Unité des troubles du rythme des Cliniques universitaires Saint-Luc à Bruxelles comptabilisait plus de 500 implants de pacemakers par an. Ceux-ci, implantés sous la peau, possèdent une durée de vie de 10 à 15 ans et doivent être renouvelés ensuite. Ces stimulateurs fonctionnent normalement avec des sondes implantées dans le cœur. Depuis leur apparition en 1958, ils n’ont jamais cessé d’évoluer et c’est ainsi qu’en décembre 2013, le Pr Pascal Defaye implantait un pacemaker sans sonde au CHU de Grenoble, une première mondiale.

«C’est une prothèse qui génère des impulsions électriques pour pallier les déficiences du rythme cardiaque.»

Professeur Pascal Defaye

Responsable de l’unité de rythmologie et stimulation cardiaque au CHU de Grenoble

Il existe d’autres stimulateurs cardiaques, temporaires, limités pour une durée allant de quelques heures à quelques semaines. Ils sont notamment utilisés en cas d’urgence et permettent de donner plus de temps aux médecins pour déterminer s’il est nécessaire d’implanter un pacemaker définitif au patient. Selon Pascal Defaye, «dans certaines situations, il est nécessaire de stimuler le cœur de façon temporaire. Par exemple, lorsque survient un problème cardiaque lors d’une intervention chirurgicale ou encore, après un infarctus.»

La stimulation temporaire conventionnelle fonctionne avec un boîtier externe relié à des sondes. Ces dernières sont introduites par voie veineuse jusqu’au cœur et transfèrent les impulsions électriques produites par le dispositif externe, afin de stimuler le muscle cardiaque.

Cependant, ces pacemakers ne sont pas sans risque et des scientifiques américains de l’université de Northwestern identifient alors un besoin urgent de créer une nouvelle technologie avec des méthodes alternatives moins invasives. C’est chose faite avec leur étude publiée le 2 avril 2025, consacrant un nouveau prototype de pacemaker temporaire miniature, biorésorbable et dépourvu de sondes.

Lumière et électronique: un combo parfait

Ce nouveau prototype de stimulateur cardiaque temporaire fonctionne par un système dit optoélectronique. «Il combine la lumière et l’électronique pour fonctionner», explique Yamin Zhang, coautrice de l’étude, chercheuse et professeure assistante en génie chimique et biomoléculaire à l’université de Singapour. Tandis que le dispositif miniature est implanté dans la couche externe du muscle cardiaque, un patch est appliqué sur la poitrine du patient pour détecter les battements de cœur irréguliers. «Lorsque le rythme cardiaque devient anormal, le patch envoie un signal lumineux proche de l’infrarouge à travers la peau, décrit-elle . La lumière déclenche ensuite le pacemaker pour qu’il envoie une impulsion électrique au cœur».

«Le fonctionnement de ce stimulateur cardiaque par la lumière est possible grâce à la sensibilité de l’un de ses composants électroniques, le phototransistor.»

Le fonctionnement de ce stimulateur cardiaque par la lumière est possible grâce à la sensibilité de l’un de ses composants électroniques, le phototransistor. C’est ce dernier qui s’active et envoie un petit courant électrique pour aider le cœur à battre normalement. Ce circuit optoélectronique permet une action forte et un contrôle précis du courant délivré au cœur. Comme l’éclairage contrôle le processus de stimulation cardiaque, il est important de s’assurer que l’intensité de la lumière soit suffisante pour passer à travers la peau et activer le pacemaker. Les scientifiques ont donc étudié la force de propagation de la lumière dans le corps, notamment entre les zones situées sous les côtes et les tissus mous. «Nous avons alors démontré que le système peut fonctionner efficacement lorsqu’il est placé à moins de six centimètres sous la peau», précise la scientifique.

Lorsque le fonctionnement arrive à son terme, soit environ deux ans après sa mise en place, l’entièreté des matériaux du stimulateur cardiaque interne a vocation à se dégrader naturellement, y compris le phototransistor ou encore le support du dispositif interne. Seuls environ 1,6% des matériaux peinent encore à se résorber mais sans causer de dommages au corps. «Avec le temps, ils restent soit encapsulés dans les tissus, soit sécrétés en quantités infimes, sans qu’il soit nécessaire de les retirer chirurgicalement», rassure Yamin Zhang.

Ce nouveau prototype n’a pour l’heure pas encore été validé pour une utilisation chez l’humain. «Des recherches supplémentaires, des essais et une approbation réglementaire doivent être réalisés avant qu’il soit disponible dans les cliniques», précise la chercheuse. Cependant, les résultats sont prometteurs et les recherches futures dans le domaine des stimulateurs cardiaques pourront inclure des moyens de miniaturisation, grâce à l’amélioration de la composition des prochains prototypes. 

 Y. Zhang et al. Millimetre-scale bioresorbable optoelectronic systems for electrotherapy, Nature, avril 2025

 Sarah Boulvard

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