Juliette Debruxelles

Si c’est pas oui, c’est non: « Le consentement ne doit plus être tacite ou présumé, mais explicite et différencié » (chronique)

Coordinateur d’intimité. Un job consistant à accompagner les acteurs et actrices sur les tournages afin de limiter les risques de situations malaisantes lors des scènes de sexe.

Réveillé par la claque MeToo et par l’affaire Weinstein, le milieu du cinéma s’est depuis offert les services de ces coachs en coït dressant les cadres et les codes, en collaboration avec les équipes artistiques. A quoi ressemblera ce baiser, ce souffle, cet orgasme? Les limites sont définies et contractualisées, la nudité balisée et le vocabulaire personnalisé pour correspondre aux différentes sensibilités. Des situations comme celle vécue par Maria Schneider sur le tournage du Dernier tango à Paris (l’une des agressions sexuelles les plus tristement célèbres du cinéma, soit une scène de sodomie non consentie) ne devraient plus arriver aujourd’hui. Et pourtant… En 2018, l’actrice Emily Meade dénonçait une fellation simulée problématique sur le tournage de The Deuce, conduisant HBO à engager ces fameux premiers coordinateurs d’intimité. L’une des figures les plus respectées de cette profession émergente, Jessica Steinrock, lançait très récemment un rappel à l’ordre à l’attention de Millie Bobby Brown (Stranger Things, Enola Holmes) qui avait confié avoir embrassé son partenaire de tournage, Louis Partridge, par surprise. «Je suis certaine qu’ils ont une grande confiance mutuelle, mais il ne faut jamais surprendre quelqu’un lors d’une scène intime. Elle n’a pas demandé son consentement pour l’embrasser et c’est obligatoire. De plus, en tant que star, elle était dans une situation de pouvoir face à lui.»

Le consentement ne doit plus être tacite ou présumé, mais explicite et différencié.

Exagération? Détournement d’une banalité people pour se faire mousser? Plutôt une occasion de rappeler que le consentement sexuel au temps présent est l’expression d’un choix libre et volontaire, clair, audible, affirmé et mutuel encore trop souvent mal compris, mal expliqué, mal appliqué, qu’il s’agisse de la sphère privée, pro ou médicale. Car oui, les médecins aussi devraient demander votre avis avant de vous soupeser les bourses, de vous palper les seins ou de vous examiner le frifri. Le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) français déclarait d’ailleurs, le 29 mars: «Le consentement ne doit plus être tacite ou présumé, mais explicite et différencié pour chaque examen pratiqué durant une consultation.» Une déclaration nécessaire à la suite de l’augmentation des signalements pour violences gynécologiques et obstétricales en Europe.

C’en est fini – en théorie – de se faire toucher, mesurer, biffler, caresser, attraper ou pénétrer sans avoir clairement marqué son accord. Et quiconque pense que donner son consentement nuit à la spontanéité du moment adopte de fait la dialectique propre aux agresseurs sexuels: débander en entendant l’autre acquiescer n’est pas bon signe. Pas plus que préférer un silence à un refus.

Pour mettre tout le monde d’équerre et faire du consentement un prérequis, reste à retenir que quel que soit votre âge ou votre genre, votre sexe, votre profession, votre statut à l’état civil, votre maturité affective, votre orientation sexuelle… si ce n’est pas oui, c’est non. Une hésitation, un ronflement, un changement d’avis (liste non exhaustive): c’est non.

Dans ce cas, c’est le moment de remballer son matos dans son caleçon, ses mots crus dans sa bouche, sa dick pic dans son téléphone et de laisser tranquille la personne qui n’a pas envie. Merci.

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