La canicule n’a pas seulement des conséquences sur le corps. Elle affecte le cerveau, sa capacité à se concentrer ou à mémoriser les informations, mais aussi à gérer correctement les émotions et à prendre des décisions.
Un dôme de chaleur enserre l’Europe et la Belgique, avec des températures dépassant les 35°C par endroits. Bien qu’elles resteront, a priori, en dessous du record absolu de 41,8°C enregistré le 25 juillet 2019 à Begijnendijk, dans la province du Brabant flamand, ces fortes chaleurs mettent le corps à rude épreuve. Et pas seulement. La canicule peut aussi avoir un impact sur le fonctionnement du cerveau.
En 2016, des chercheurs de l’université de Boston ont évalué, durant douze jours, les capacités cognitives de 44 étudiants répartis en deux groupes en les soumettant au test de Stroop (qui évalue la capacité d’une personne à sélectionner des informations pertinentes malgré la présence d’éléments perturbants). Le premier occupait un bâtiment sans air conditionné où la température atteignait 26,3°C, tandis que le second bénéficiait d’une climatisation et d’une température moyenne de 21,4°C. Il est apparu que le temps de réaction du premier groupe était plus long, tandis que sa cadence d’énumération, elle, avait baissé par rapport au second groupe.
En 2018, une seconde étude menée à la Harvard Kennedy School a analysé les résultats, sur treize ans, d’élèves d’écoles publiques new-yorkaises à des examens standardisés (les Regent Examinations). Ceux-ci ont été mis en parallèle avec les variations de températures au fil des années. Il en est ressorti qu’une température élevée supérieure à 32°C était associée à une note moyenne 14% inférieure à celle d’examens passés à une température de 22°C.
Canicule: le cerveau n’est pas une priorité
La chaleur a certes un impact négatif sur les capacités du cerveau, mais il s’agit en réalité d’une conséquence indirecte. Pour maintenir une température corporelle normale, le corps s’autorégule. Un phénomène appelé homéostasie. Lorsqu’il fait chaud, cette thermorégulation se traduit par la transpiration. Or, ce mécanisme très énergivore peut induire de la fatigue, mais surtout une déshydratation. «Il s’agit du principal problème de la canicule, pour l’homme, souligne le professeur Pascal Kienlen-Campard, de l’Institut des neurosciences de l’UCLouvain. L’ensemble des organes est concerné, y compris le cerveau, parfois avec de graves conséquences pour les fonctions vitales.»
La canicule affecte aussi le sommeil, qui lui-même impacte les capacités cognitives des individus. «Durant la journée, on sait comment se protéger de la chaleur, mais la nuit, c’est plus difficile. Quand il fait très chaud, on dort mal. Il est dès lors plus difficile de récupérer, alors que c’est à cela que sert normalement le repos, poursuit le Pr Kienlen-Campard. Résultat des courses, tout l’organisme s’affaiblit.» Y compris le cerveau, dont les capacités de concentration et de mémorisation sont amoindries.
La canicule, cause d’irritabilité, d’impulsivité et de violence
Ce manque de sommeil impacte aussi l’humeur, ajoute Jérôme Vermeulen, psychologue clinicien et responsable du site LePsychologue.be. Tandis que les émotions positives telles que la joie sont réduites, la probabilité de faire face à des émotions négatives comme la colère ou le stress augmente. «Si l’on dort mal, on va se sentir plus irritable, plus impulsif, on gérera moins bien ses émotions, on ne parviendra pas à prendre le recul nécessaire, et on risque de faire de mauvais choix», poursuit le psychologue.
Chez certains individus, cela peut se traduire par un accroissement de la violence. En 2022, une étude de l’Institut de recherche sur l’impact climatique de Potsdam a montré une corrélation entre la température et le nombre de publications à caractère haineux postées sur X (ex-Twitter). «L’agressivité en ligne a augmenté de 12% dans les zones de faibles températures (sous 12°C), et de 22% dans celles les plus chaudes (au-dessus de 22°C)», commente Annika Stechemesser, auteure principale de l’étude. Cinq ans plus tôt, une autre étude faisait état du lien entre l’augmentation des températures en Finlande et celle des crimes. «Une hausse de 2°C de température moyenne augmente le taux de crime violent de plus de 3%», exposaient les chercheurs.
Bonne nuit les petits
«Une bonne nuit de sommeil permet de redémarrer le lendemain en étant émotionnellement stable, en voyant les choses sous le bon angle, en ayant une capacité de concentration et de résolution de problèmes accrue», recommande Jérôme Vermeulen. Plus facile à dire qu’à faire, cependant, lorsque les températures nocturnes ne baissent pas suffisamment. «Au-delà de 20°C, le corps ne parvient pas à récupérer complètement», commente Pascal Kienlen-Campard.
C’est ce qui s’est produit dans la nuit de lundi à mardi et qui se répétera dans la nuit de mardi à mercredi avec des températures à Uccle qui oscilleront entre 23 et 30°C. La nuit suivante devrait être plus fraîche avec des températures nocturnes comprises entre 17 et 21°C.
Rester au frais, jour et nuit
– Le premier conseil est de rester hydraté, de préférence en buvant de l’eau tempérée. Avaler des boissons fraîches, voire glacées, amènera le corps à brûler plus d’énergie pour retrouver une température normale, ce qui est contreproductif.
– Pour maintenir son habitation au frais durant les journées caniculaires, il est conseillé de garder stores, tentures et fenêtres fermés.
– La nuit, lorsque les températures baissent (et seulement quand c’est le cas!), il est recommandé d’ouvrir les fenêtres situées aux extrémités du logement pour créer un courant d’air naturel qui rafraîchira l’habitation.