La réaction de sidération, que certains qualifient de «syndrome de l’opossum», peut empêcher les personnes concernées d’avancer, de faire face aux changements ou aux difficultés. Réponse acquise, il est toutefois possible d’apprendre à réguler ses émotions autrement que par l’évitement.
Les Didelphidés, plus communément appelés opossums, sont des marsupiaux d’Amérique dont la particularité est de faire les morts lorsqu’ils font face à un danger. Certains bipèdes semblent prendre exemple sur ces petits mammifères en se figeant face à l’imprévu ou à un changement… même positif.
Ce mécanisme de défense a été conceptualisé par cinq coachs et formateurs dans un carnet de conseils «pour faire face aux changements sans faire le mort à tous les coups». Si une personne ne cesse de se dire qu’elle doit provoquer des changements dans sa vie, mais qu’elle n’agit pas; si elle a l’impression de stagner et de considérer cela comme un échec; si elle rencontre des problèmes persistants, mais qu’elle ne fait rien pour les affronter, préférant attendre qu’ils disparaissent d’eux-mêmes; ou si l’avenir, quand bien même serait-il positif, l’angoisse, alors celle-ci souffrirait de ce que les auteurs appellent le «syndrome de l’opossum».
Il n’est fait aucune mention de ce syndrome dans la littérature scientifique, mais ce qu’évoquent les auteurs de ce livre «fait penser à la réaction de figement (ou freeze reaction, en anglais), à la sidération», commente Céline Douilliez, chercheuse en psychologie clinique à l’Université catholique de Louvain. Elle est parfois observée «lorsqu’une personne est face à un danger imminent, un stress extrême, un événement traumatique».
Syndrome de l’opossum: les changements ne sont pas faciles
Qu’il soit positif ou négatif, un changement n’est pas toujours facile à aborder. Pour y faire face, explique la psychologue, trois éléments sont essentiels: il faut avoir envie de ce changement, il faut s’en sentir capable, et enfin, il faut être prêt à changer. «Certaines personnes manquent de capacités de résolution de problème. Elles veulent changer, mais n’ont pas les connaissances ou les compétences pour le faire. D’autres personnes n’ont pas confiance dans leurs capacités. D’autres encore ont tellement d’autres défis à relever qu’elles n’ont tout simplement pas les ressources pour mettre en place les changements souhaités à ce moment précis», expose Céline Douilliez. «Dans certains cas, les objectifs de changement fixés sont trop abstraits ou sont irréalistes, compte tenu du contexte», poursuit-elle, faisant un parallèle avec les résolutions du Nouvel An.
Le statu quo peut aussi être le résultat d’une stratégie d’évitement, car changer, c’est se confronter à l’inconnu, sortir de sa zone de confort et cela peut faire peur. «Pour certaines personnes qui ont des difficultés à réguler leurs émotions, éviter les situations nouvelles et incertaines peut sembler préférable à court-terme. La procrastination est une forme de stratégie d’évitement», expose la chercheuse en psychologie, qui rejoint deux de ses confrères. En les questionnant sur le sujet, les Pr. Stephan Van den Broucke et Emmanuelle Zech ont, en effet, immédiatement fait le rapprochement entre le syndrome de l’opossum –dont ils n’avaient jamais entendu parler– et la procrastination.
Se figer, c’est acquis; agir, ça s’apprend
Selon Bernard Rimé, professeur de psychologie à l’UCLouvain, la réponse de figement de certaines personnes est acquise. «Quand vous réalisez que la meilleure manière de vous protéger est de ne pas agir, alors ce mécanisme s’ancre dans le caractère», commente le psychologue. Et Céline Douilliez d’ajouter qu’il s’agit d’un «tempérament qui peut s’observer très tôt chez l’enfant». «Certaines personnes ont développé une impuissance acquise en expérimentant de manière répétée des expériences négatives que leurs efforts n’ont pas permis de surmonter», complète la Louvaniste.
Les conséquences de la sidération sont différentes en fonction des domaines concernés: stagnation professionnelle, problèmes de santé physique ou mentale, difficultés relationnelles, etc. «Ces répercussions seront d’autant plus importantes que le changement est nécessaire», souligne Céline Douilliez. Car «le fait de ne pas progresser vers ses buts peut générer des ruminations, des affects dépressifs et anxieux, entamer la confiance en soi».
Cette situation n’est en rien irréversible. La première étape sera pour la personne concernée de comprendre les mécanismes à l’œuvre dans son incapacité à se mettre en action. «Ils peuvent être différents d’une personne à l’autre», insiste la chercheuse. Il peut ensuite être utile de revoir ses buts de changement pour que ceux-ci soient plus concrets, plus atteignables et importants pour soi; de comprendre par quoi ces changements sont motivés; ou encore d’apprendre à réguler ses émotions autrement que par l’évitement, en favorisant, par exemple l’acceptation.