A partir d’un certain âge, même de petites quantités d’alcool peuvent provoquer des maux de tête et d’autres symptômes de gueule de bois. Les chercheurs ont identifié plusieurs causes.
Les fêtes de fin d’année sont souvent indissociables d’un bon verre. Aucun autre mois ne voit autant d’alcool vendu que décembre.
Mais pour certains, à un certain âge, faire la fête devient fort… incertain. Vin, bière et autres spiritueux ne sont plus supportés «comme avant». Même après une consommation modérée, le mal de tête le lendemain matin est au rendez-vous.
«Avec l’âge, on a beaucoup plus vite la gueule de bois qu’auparavant», confirme Helmut Seitz, 75 ans, interniste et gastro-entérologue à la clinique universitaire d’Heidelberg en Allemagne, qui compte parmi les plus grands chercheurs mondiaux dans le domaine de l’alcoolisme. «Les personnes âgées réagissent beaucoup plus sensiblement à l’alcool que les jeunes», ajoute-t-il.
Ce phénomène intéresse les scientifiques depuis longtemps, et ils en ont désormais une image assez précise: une cause souvent négligée est liée à l’estomac. Environ 10% de l’alcool ingéré y est métabolisé, du moins chez les jeunes adultes. Chez les personnes âgées, en revanche, ce mécanisme est perturbé, explique Helmut Seitz, car «les systèmes enzymatiques responsables dans l’estomac ont vieilli ou ont disparu». Cela signifie que chez les seniors, la quasi-totalité de la dose d’alcool est absorbée par l’organisme.
Mais ses capacités d’absorption sont limitées, ce qui est également dû au vieillissement naturel. Avec le temps, la masse musculaire diminue et est remplacée par du tissu adipeux. Cela entraîne une diminution de la quantité d’eau corporelle, c’est-à-dire du volume total de liquide dans le corps humain, dans lequel l’alcool peut se répartir. La chercheuse Ann-Kathrin Stock de l’Université technique de Dresde détaille ce qui en résulte: « Ainsi, avec l’âge, des quantités d’alcool déjà plus faibles provoquent le même degré d’ivresse que des quantités plus importantes chez les personnes plus jeunes».
Mauvaise nouvelle pour le foie
Certains amateurs d’alcool pourraient s’en réjouir, mais pas le foie. En effet, celui-ci doit filtrer et neutraliser l’alcool qui passe directement dans le sang. Il procède en deux étapes: il transforme d’abord l’alcool en acétaldéhyde, puis ce produit intermédiaire en acétate, qui est éliminé par la respiration et l’urine.
Malheureusement, le foie ne grandit pas au rythme des tâches qu’on lui confie. «Il vieillit avec le temps et produit moins de ces enzymes dont nous avons besoin pour dégrader l’alcool», explique Ann-Kathrin Stock.
«Même de faibles quantités d’acétaldéhyde peuvent provoquer des maux de tête»
Helmut Seitz
Ainsi, chez les personnes âgées, l’alcool circule beaucoup plus longtemps dans le sang que chez les jeunes et peut déployer ses effets sur une période plus longue. Cela entraîne également un mal-être plus important le lendemain matin, ont rapporté récemment des chercheurs dans le Journal of Clinical Medicine. Ceux-ci ont analysé différentes études sur le sujet et ont trouvé un lien clair: plus la quantité d’alcool qui atteint le cerveau est importante, plus la gueule de bois est sévère.
Lorsque le foie, affaibli par l’âge, n’arrive plus à suivre le rythme, la consommation d’alcool entraîne également une augmentation du taux d’acétaldéhyde, un produit intermédiaire. Cette substance forme facilement des liaisons chimiques. Elle réagit avec les protéines et l’ADN, le matériel génétique, et endommage ainsi les cellules. A des concentrations plus élevées, elle provoque des palpitations cardiaques, des sueurs, des rougeurs au visage, des nausées et des vomissements, autant de symptômes caractéristiques d’une véritable intoxication.
Certains groupes de personnes, parmi lesquels de nombreux Chinois, Japonais et Coréens, sont particulièrement touchés, car ils ne peuvent pas métaboliser suffisamment l’acétaldéhyde en raison d’un déficit enzymatique congénital. Les personnes chez lesquelles l’enzyme ne fonctionne plus que de manière limitée en raison de leur âge peuvent également rencontrer des problèmes, explique Helmut Seitz. «Même de faibles quantités d’acétaldéhyde peuvent provoquer des maux de tête.»
D’autres problèmes surviennent lorsque des personnes consomment de l’alcool alors qu’elles prennent régulièrement des médicaments, ce qui est souvent le cas chez les femmes et les hommes âgés. Bon nombre d’entre eux prennent cinq médicaments ou plus à la fois. Cela peut considérablement renforcer les effets nocifs de l’alcool. A l’inverse, l’alcool favorise justement deux troubles contre lesquels de nombreux patients âgés prennent des médicaments: l’hypertension artérielle et les troubles du rythme cardiaque.
L’alcool aggrave les râles nocturnes
Le fait que de nombreuses personnes âgées dorment mal n’arrange pas les choses, car ce problème médical est également aggravé par l’alcool. Il perturbe les phases de sommeil et entraîne un réveil plus précoce le matin. La nuit est non seulement courte, mais aussi agitée, car l’alcool a un effet diurétique et oblige à uriner plus souvent. Les hommes âgés, dont la prostate s’est agrandie avec les années et appuie sur la vessie, se précipitent particulièrement souvent aux toilettes après une soirée bien arrosée.
De plus, avec l’âge, les muscles du cou se relâchent, ce qui entraîne une augmentation des ronflements et des halètements pendant le sommeil. L’alcool aggrave les râles nocturnes en réduisant encore davantage le tonus musculaire. La respiration peut même s’arrêter temporairement. Pas étonnant que l’on se sente épuisé le lendemain.

Enfin, les personnes âgées ont un autre point faible qui les rend facilement malades. Au cours du processus normal de vieillissement, le corps développe de plus en plus d’inflammations, et l’alcool accentue ce processus, explique Ann-Kathrin Stock. «Et comme une augmentation des inflammations s’accompagne généralement d’un certain malaise, cela pourrait expliquer pourquoi certains d’entre nous se sentent de plus en plus malades après avoir bu de l’alcool en vieillissant.»
Le moment précis où l’on ne supporte plus bien la bière, le vin et les spiritueux dépend fortement de l’état de santé de chacun, explique Helmut Seitz. «Mais on peut dire de manière générale que cela commence vers l’âge de 60 ans.»
Cependant, il est possible d’aider l’organisme à lutter contre la gueule de bois. L’activité physique et une alimentation saine augmentent son potentiel de détoxification. Une consommation modérée aide également: ne jamais boire d’alcool à jeun, mais bien lentement et en accompagnant sa boisson d’une grande quantité d’eau. Et bien sûr, c’est la dose qui fait le poison. De nombreuses personnes l’apprennent avec le temps, comme le montrent des études: elles réduisent considérablement leur consommation d’alcool en vieillissant.