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Maigrir à perdre la raison

Les jeunes présentant des troubles du comportement alimentaire sont en nombre croissant. Que faire lorsque l’on s’aperçoit que sa fille adolescente maigrit de manière préoccupante ?

Le 13 septembre 2009, une jeune Flamande de 15 ans, Chloé Bastiaens, est décédée des suites d’une anorexie. Cette jeune fille, élevée dans un foyer chaleureux, était harcelée à l’école. On lui disait qu’elle était grosse, ce qui l’a incitée à faire régime… au point de ne plus pouvoir s’arrêter. Refus de manger pendant la journée, crises de boulimie et vomissements fréquents ont rapidement évolué en un trouble alimentaire grave. Chloé continuait pourtant à se trouver trop grosse alors qu’en réalité elle était devenue filiforme. Ne sachant plus à quel saint se vouer, sa mère consulte alors le médecin traitant. Le Dr Staf Henderickx, généraliste à Lommel, se rend compte de la gravité du problème et envoie Chloé chez un spécialiste. Focalisant sur son IMC – un mauvais indicateur chez les enfants et qui, du reste, n’était pas encore catastrophique – le psychologue passe à côté des troubles électrolytiques : du fait des nombreux vomissements, Chloé présente une insuffisance en potassium, ce qui peut provoquer un arrêt cardiaque. Le psychiatre place alors la jeune fille sur une liste d’attente pour l’hospitaliser (il n’y a pas de place à ce moment-là) et fait peu de cas de cette carence. Chloé meurt quelques jours plus tard d’un arrêt cardiaque.

BAAN Chloé

La colère, la frustration et la peine des parents est immense. Ils vont créer, avec Staf Henderickx, une association (l’asbl BAAN Chloé – Betere Aanpak van Anorexia Nervosa), pour une meilleure approche de l’anorexie nerveuse. Ils plaident pour que les troubles alimentaires chez les jeunes soient mieux appréhendés, et surtout plus rapidement. Pour que les médecins traitants les orientent rapidement chez un spécialiste, mais sans pour autant les lâcher. Pour que les psychologues et les psychiatres ne sous-estiment pas la gravité des symptômes physiques. Quant aux listes d’attente pour une hospitalisation, ils estiment qu’elles devraient tout simplement disparaître. « Les jeunes patients anorexiques sont plus vulnérables que les adultes, parce que leurs réserves énergétiques sont plus faibles et qu’ils développent plus vite des troubles électrolytiques mortels suite aux vomissements fréquents, explique Staf Henderickx. Tout le monde ne sait pas que l’anorexie mentale peut s’accompagner de crises de boulimie et de vomissements. Une analyse de sang s’impose dans ce cas.  »

La solution recherchée n’est pas toujours adaptée lorsqu’un ado ne veut pas manger et que ses parents s’inquiètent, l’entourage se permet de donner des conseils certes bien intentionnés mais souvent peu judicieux. Obliger à manger, contraindre à monter sur la balance, sermonner et punir : cela ne marche pas.  » Quiconque ne l’a pas vécu ne peut pas s’imaginer ce que cela représente de vivre avec la problématique d’un trouble alimentaire, poursuit le Dr Henderickx. Ce sont les personnes concernées de près ou qui l’ont été qui sont le mieux placées pour proposer un soutien.  »

Un secret bien gardé

Les parents éprouvent très souvent un sentiment de culpabilité, dû au fait qu’ils n’ont pas remarqué les signaux qu’ils auraient dû voir, pensent-ils. Ces signaux ne sont pas faciles à détecter parce que beaucoup d’entre eux sont typiques de l’adolescence. Ils ne deviennent préoccupants que lorsqu’ils persistent. On ne voit pas nécessairement son ado maigrir quand on le/la côtoie tous les jours, d’autant qu’il dissimule et nie son problème aussi longtemps que possible.

Reconnaître un trouble alimentaire n’est donc pas une sinécure. À la puberté, beaucoup de jeunes se débattent avec leur identité. La plupart des filles, insatisfaites de leur image corporelle, se comparent aux photos retouchées, irréalistes, de mannequins filiformes. Elles se cherchent, au travers de l’habillement, de la coiffure, du maquillage… et du régime. Lorsque cette recherche est combinée à une personnalité fragile et à d’éventuels problèmes, tels que le harcèlement, la pression sociale qui incite à correspondre à une image idéale est parfois la goutte qui fait déborder le vase. Les conduites à risque, comme faire du sport à l’extrême (courir 10 km tous les jours) et manger peu, ne peuvent durer trop longtemps. Les parents doivent absolument tirer la sonnette d’alarme lorsqu’un comportement anormal dure plus de trois mois. L’étape suivante consistera à en discuter avec le jeune, dans le calme, au cours d’une conversation décontractée et vraie, où les parents exprimeront leur inquiétude.

Rester debout

Face à l’ado qui présente un comportement alimentaire problématique, les parents recherchent souvent une aide professionnelle. Mais celle-ci ne peut être imposée au jeune anorexique : il doit comprendre lui-même son problème et choisir de se faire soigner. Cela peut aller vite, mais aussi très lentement. En attendant, il n’est pas inutile pour les parents de s’informer, de contacter des personnes dans la même situation, de reconnaître les signaux d’alarme et surtout de bien s’occuper d’eux-mêmes. Aider un enfant anorexique est une tâche éprouvante que l’on ne doit pas porter seul : le soutien de l’entourage ou de personnes qui sont passées par là est dès lors essentiel, afin de trouver un équilibre entre une présence soutenante et le souci de rester soi-même debout… sachant que le processus de guérison dure en moyenne 7,5 ans. La moitié des jeunes se rétablissent complètement, 1 sur 3 s’améliore fortement, mais chez 1 sur 5, le problème peut persister très longtemps.

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