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L’horloge biologique, clé pour guérir vite (et bien)

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

Notre horloge interne régit de nombreux paramètres de notre vie quotidienne. C’est le cas de notre système immunitaire, et donc aussi de notre capacité à guérir rapidement et correctement.

Prenons l’exemple de la peau. Si elle semble similaire à tout moment de la journée – et de la nuit -, sa capacité à se régénérer peut varier. En cas de coupure ou de brûlure, elle guérirait deux fois plus vite si l’on se blesse pendant la journée que pendant la nuit.

Guérison optimale

Cette variation dans notre réponse biologique aux agressions ne concerne pas que la peau. « Si vous vous vous faites vacciner contre la grippe saisonnière, prenez un rendez-vous le matin : vous produirez quatre fois plus d’anticorps protecteurs si vous recevez une injection entre 9 h et 11 h, comparé à six heures plus tard », affirme ainsi la BBC dans un long article consacré au sujet.

Comment l’expliquer ? Partout dans notre corps, les rythmes circadiens, qui régissent l’activité des cellules et des tissus, dictent notre rétablissement physique après une infection ou une blessure. La personne que nous sommes physiologiquement le jour est différente de ce que nous sommes la nuit. Quel que soit le domaine médical, une meilleure compréhension de ces rythmes pourrait optimaliser les soins et la récupération.

L’idée que notre physiologie varie d’heure en heure n’est pas neuve. Hippocrate avait déjà observé des variations selon un schéma de 24 heures dans la gravité de la fièvre. La médecine traditionnelle chinoise suggère également que la vitalité de différents organes atteint son apogée à différents moments de la journée. Il y a aujourd’hui un regain d’intérêt de la médecine moderne, via de nombreuses études notamment, pour l’effet de notre horloge circadienne sur les maladies et les traitements. (voir encadré)

En ajustant notre comportement et notre réponse chimique, ces rythmes nous préparent à des événements réguliers dans notre environnement, qui sont eux-mêmes dictés par le cycle quotidien de la lumière et de l’obscurité. Au niveau de la guérison, ce n’est pas étonnant que le jour et la nuit se distinguent. « Nos cellules ont évolué pour être en mesure de guérir plus efficacement les plaies au moment biologique où elles sont le plus susceptibles de se produire. Il est extrêmement peu probable que vous subissiez une blessure majeure quand vous dormez au milieu de la nuit », explique John O’Neill, biologiste au Medical Research Council’s Laboratory of Molecular Biology (Cambridge), à la BBC. Et la différence est parfois du simple au double. Par exemple, les personnes qui souffrent de brûlures survenues durant la nuit mettent environ 11 jours de plus à guérir que celles qui se sont brûlées durant la journée.

Prise de médicaments

Notre système immunitaire est également soumis à des rythmes biologiques qui affectent sa réponse. Et cela varie en fonction des sortes d’infections. Il serait caricatural de dire qu’il y a un moment « idéal » pour se blesser ou tomber malade. Mais les nombreuses découvertes sur le sujet ouvrent de nouvelles perspectives pour le traitement des maladies infectieuses.

Et il n’y a pas que notre réponse aux infections qui pourrait bénéficier de cette approche, mais également détecter les moments propices à la prise de médicaments pour booster leur efficacité. Dans de nombreux cas, les médicaments (comme les antidouleurs ou les anti-inflammatoires) ont une « vie » de moins de six heures, ce qui signifie qu’ils ne restent pas dans le système assez longtemps pour fonctionner de façon optimale s’ils sont pris à un moment non optimal. Il n’est cependant pas si facile de programmer les médicaments et les traitements au moment où ils sont susceptibles d’être plus efficaces.

Il est cependant difficile de généraliser. En effet, les rythmes circadiens ne sont pas les mêmes pour tout le monde. Certains sont des oiseaux de nuit, d’autres l’inverse. Une proportion importante de la population travaille également la nuit, ce qui peut avoir un impact sur le rythme circadien et la santé. Et il n’existe actuellement aucun moyen simple et rapide pour déterminer où se situent les nuances de l’horloge interne d’un individu à un moment donné.

Rythme décalé, mauvaise idée

Les recherches sur le contrôle des rythmes circadiens, ou plus simplement « l’horloge biologique », ont été récompensées en 2017 par le prix Nobel de médecine. Un concept qui, bien au-delà de la guérison et des soins, régit en quelque sorte toute notre vie quotidienne. C’est cette « tour de contrôle » qui synchronise nos cycles d’éveil et de sommeil, notre appétit, le niveau de production de certaines hormones ou encore notre température corporelle. Mais nous avons souvent tendance à ne pas écouter suffisamment les besoins de que nous dictent notre horloge interne, avec des conséquences désastreuses sur notre organisme, qui peuvent aller d’altérations du comportement à un risque accru d’obésité et de cancer.

Par exemple, le corps humain ne s’adapte jamais tout à fait à des horaires décalés. Lorsqu’on se force à rester éveillé, cela maintient à un niveau élevé la production de l’hormone du stress (cortisol), qui normalement décline à l’arrivée de la nuit. Ce mécanisme permet de maintenir notre état de vigilance, mais a des effets délétères sur notre système immunitaire. Ce rythme de vie entraîne aussi souvent la prise de repas hors des horaires normaux, à un moment où le métabolisme tourne au ralenti et où les calories seront plus susceptibles d’être transformées en graisse que brûlées.

Même à court terme, des perturbations des cycles éveil/sommeil: interactions plus difficiles, manque d’empathie, du mal à tenir un raisonnement complexe, difficultés de mémoire, comportements impulsifs… Des liens ont aussi été trouvés entre les perturbations de l’horloge interne et la dépression, les troubles bipolaires et cognitifs, et même certaines maladies neurologiques.

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