Les secrets des SuperAgers: pourquoi Mick Jagger ne vieillit pas

Les scientifiques s’intéressent de près à un groupe de personnes âgées de plus de 80 ans, connues sous le nom de SuperAgers. A un âge avancé, leur mémoire fonctionne toujours aussi bien que celle des personnes de 50 ans. «Ils sont sociables, énergiques et apprécient un bon verre de vin.»

Plus de 20.000 personnes ont déjà testé leur mémoire, et vous? 20 questions pour évaluer l’état de votre cerveau

Certaines personnes semblent moins touchées par les effets du temps. Même à un âge avancé, leur mémoire et leurs autres fonctions cognitives restent intactes. On les appelle les SuperAgers. Il s’agit de personnes âgées de 80 ans et plus qui sont mentalement (et généralement aussi physiquement) beaucoup plus en forme que leurs contemporains. Ils obtiennent des résultats aussi bons que des personnes de 50 ans aux tests de mémoire. Le terme SuperAger a été inventé par le neurologue américain Marek Marsel Mesulam, affilié à l’université Northwestern, où des scientifiques mènent depuis 25 ans des recherches sur ces personnes âgées qui défient les lois du déclin cognitif.

«Les SuperAgers vieillissent plus lentement que les autres, explique Reginald Deschepper, anthropologue médical et professeur émérite. Cela est encore plus flagrant chez un groupe de centenaires, qui ont une mémoire exceptionnelle et une très bonne condition physique. Il existe apparemment des mécanismes biologiques qui les protègent, de sorte que les facteurs nocifs ont beaucoup moins d’effet sur eux. Comme la Française Jeanne Calment, officiellement la personne la plus âgée au monde à ce jour, qui a vécu jusqu’à 122 ans.»

«A 85 ans, 25% de la population souffre de troubles cognitifs tels que la démence, explique le neurologue Bernard Hanseeuw (UC Louvain et Harvard Medical School). Et au moins la moitié des personnes de cette tranche d’âge ne souffrent certes pas de démence, mais présentent des lésions ou des dommages au niveau du tissu cérébral, de type Alzheimer ou autres maladies neurodégénératives, qui provoquent un léger déclin.» Qu’est-ce qui rend les SuperAgers si uniques et les distingue de leurs contemporains?

Les scientifiques espèrent que l’étude du cerveau des SuperAgers pourra aider à lutter contre la maladie d’Alzheimer

L’autopsie de cerveaux de SuperAgers donnés à la science a permis aux chercheurs de Northwestern Medicine de découvrir que leur cerveau présentait des caractéristiques particulières. Contrairement à ceux de leurs contemporains, qui vieillissent et rétrécissent de manière typique, les «super-âgés» possèdent une structure cérébrale jeune avec des caractéristiques cellulaires uniques. Ils semblent avoir, dans certaines parties du cerveau cruciales pour la mémoire, des cellules nerveuses plus grandes, plus vitales et plus saines que celles de leurs contemporains, et parfois même que celles des personnes d’âge moyen.

La capacité cérébrale supplémentaire des SuperAgers

En effet, même si des traces de démence (telles que les plaques et les enchevêtrements responsables de la maladie d’Alzheimer) sont détectées dans le cerveau des SuperAgers, ceux-ci ne présentent pas pour autant le comportement caractéristique d’un cerveau âgé. Selon les neurologues, cela s’explique probablement par le fait qu’ils ont entretenu et développé une importante réserve cognitive au cours de leur vie. Cette capacité cérébrale supplémentaire les protège contre le déclin cognitif et les conséquences de maladies telles que la maladie d’Alzheimer.

«Le cerveau est comparable à un muscle, explique Reginald Deschepper. Même ceux qui ont fait de la musculation toute leur vie auront perdu beaucoup de masse musculaire à 80 ans. Mais si vous disposez d’une grande réserve musculaire, vous resterez plus résistant aux problèmes typiques de la vieillesse. Il en va de même pour le cerveau.»

Les scientifiques espèrent que l’étude du cerveau des SuperAgers pourra aider à lutter contre la maladie d’Alzheimer, la forme la plus courante de démence. «Si nous comprenons les mécanismes qui permettent un vieillissement optimal, détaille Bernard Hanseeuw, les gènes et les facteurs environnementaux impliqués qui font que certains cerveaux ne développent pas de pathologie ou y réagissent avec résilience, nous pouvons essayer de les utiliser chez les patients qui développent cette pathologie.»

Selon le neurologue Sebastiaan Engelborghs (UZ Brussel – VUB), il y a beaucoup à apprendre des SuperAgers, «des personnes qui sont en fait protégées contre la démence». Mais le professeur trouve encore plus intéressant l’étude des SuperAgers vivants que l’examen post mortem de leur cerveau. «Quel est leur mode de vie? Quel est leur patrimoine génétique? Quels sont leurs traits de personnalité?» Comprendre leurs secrets offre de nombreuses perspectives pour des programmes de prévention à grande échelle.

Trois verres de whisky

Un cerveau sain est en partie inné et certaines familles ont tout simplement la chance d’avoir les bons gènes. «Chez les personnes âgées de plus de 100 ans, ces gènes dits de longévité jouent un rôle important dans la protection du cerveau et du corps contre le processus de vieillissement», décrit Reginald Deschepper.

Mais des traits de personnalité distinguent également les super-seniors des seniors moyens. Malgré leur mode de vie parfois très différent, les super-âgés se révèlent remarquablement actifs socialement et très énergiques. «Nous savons que les contacts sociaux aident à prévenir la démence, appuie Sebastiaan Engelborghs. On développe sa réserve cérébrale par l’éducation et l’apprentissage continu. Mais aussi par les contacts sociaux. C’est pourquoi le travail, par exemple, est un excellent moyen de maintenir sa réserve cérébrale. C’est stimulant sur le plan cognitif et cela permet généralement de maintenir les interactions sociales.»

«On développe ses capacités cérébrales grâce à la formation et à l’apprentissage continu. Mais aussi grâce aux contacts sociaux.»

Sebastiaan Engelborghs

L’isolement social a quant à lui l’effet inverse sur le cerveau. «Il existe souvent une interaction entre la santé physique des personnes âgées et la solidité de leur réseau social, avance Reginald Deschepper. Lorsque votre état physique se détériore, vous avez tendance à vous replier sur vous-même, ce qui accélère le déclin de vos capacités cognitives.»

Les super-âgés, ont également constaté les chercheurs, aiment la convivialité et les bonnes choses de la vie, comme un verre de vin avant d’aller se coucher. Ce sont donc des bons vivants, mais avec modération. Car malgré des exemples tels que Jeanne Calment, qui a fumé jusqu’à plus de 100 ans, ou Winston Churchill, qui buvait trois verres de whisky au petit-déjeuner et a tout de même vécu jusqu’à 90 ans, un mode de vie sain et un cerveau en forme vont généralement de pair. «La plupart des SuperAgers ont été en bonne santé physique et cognitivement actifs toute leur vie», explique Bernard Hanseeuw.

Le sommeil est également essentiel. «Passez une nuit blanche et faites tester vos capacités cognitives le lendemain matin, vous comprendrez», explique Bernard Hanseeuw, qui souligne également l’importance d’une alimentation saine, «bénéfique pour la mémoire et le cerveau». «Une consommation excessive de sucre, un taux de cholestérol trop élevé, l’hypertension artérielle et le tabagisme endommagent nos vaisseaux sanguins, y compris ceux du cerveau.»

Substances toxiques

Ces dernières années, on accorde davantage d’attention à ce qu’Eric Topol, éminent médecin américain et auteur du best-seller Super Agers, appelle l’importance du «lifestyle +». Il ne s’agit pas seulement des classiques tels que l’alimentation, l’exercice physique et le sommeil, mais aussi des facteurs environnementaux au sens large. Comme le contact plus ou moins important avec la nature, l’exposition à la pollution atmosphérique et aux produits chimiques toxiques tels que les PFAS ou la présence de microplastiques. «Toutes sortes de facteurs qui ont une influence sur le corps et le microbiome, et dans un second temps également sur le cerveau», résume Reginald Deschepper.

La situation socio-économique et le niveau d’éducation jouent également un rôle, tout comme les traumatismes, les expériences négatives vécues pendant l’enfance et les dépressions. «Tout cela peut avoir un impact considérable sur les performances cognitives à un âge avancé», explique Sebastiaan Engelborghs. Qui a identidié quatorze facteurs de risque influençables de la démence. «En agissant sur ceux-ci, nous pouvons retarder ou prévenir 45% des cas de démence. »

Les chauffeurs de taxi, ces SuperAgers

À partir de 40 ans environ, les gens commencent souvent à remarquer qu’ils ont du mal à trouver leurs mots ou qu’ils oublient le nom d’une personne qu’ils ont récemment rencontrée. Mais, comme l’explique le neurologue Bernard Hanseeuw, ce n’est pas tant la mémoire qui décline avec l’âge, mais plutôt les fonctions attentionnelles et la vitesse de réflexion. «Il faut de l’attention et de la concentration pour enregistrer quelque chose dans sa mémoire permanente. J’ai maintenant plus de 40 ans et je n’ai plus la même capacité d’attention qu’à 20 ans. Avec l’âge, cela empire. On peut traiter moins d’informations à la fois et il faut fournir plus d’efforts pour les mémoriser. Mais une fois que les informations ont été traitées et qu’il n’y a pas de problèmes de mémoire liés à la maladie, elles sont bien conservées dans la mémoire.»

Chez les SuperAgers, l’attention et la vitesse de réflexion restent à un niveau élevé même à un âge avancé. Peut-être grâce à un avantage génétique, mais il n’est jamais trop tard pour travailler forme mentale et capacités cognitives. Entraîner son cerveau grâce à des loisirs ou d’autres activités aide à lutter contre le déclin. Les personnes hautement qualifiées, qui effectuent plus souvent un travail intellectuel, ont un avantage dans ce domaine, mais il existe également des recherches intéressantes sur le cerveau des chauffeurs de taxi et de bus à Londres avant l’arrivée du GPS, explique Reginald Deschepper. Le cerveau des chauffeurs de taxi, qui devaient trouver un itinéraire différent pour chaque course, s’est avéré beaucoup plus développé et résistant au déclin que celui des chauffeurs de bus, qui empruntaient toujours le même itinéraire.

En réalité, la manière de stimuler son cerveau importe peu. «Le nombre d’activités cognitives qu’un être humain peut accomplir est infini, explique Bernard Hanseeuw. Qu’il s’agisse d’apprendre le chinois ou de jouer au Scrabble, peu importe, tant que vous restez actif.»

La conversation privée entre Vladimir Poutine et Xi Jinping, enregistrée accidentellement, sur la manière d’atteindre l’immortalité, n’était pas si farfelue.

La bonne nouvelle, c’est que tout le monde vieillit en meilleure santé, pointe Reginald Deschepper. «Les personnes âgées de 70 ans aujourd’hui ont une condition physique et cognitive comparable à celles âgées de 60 ans il y a un demi-siècle. Grâce aux progrès de la médecine –les vaccins semblent également ralentir le vieillissement cognitif–, à une alimentation plus saine et à une meilleure prise en compte des facteurs environnementaux, tout le monde peut désormais devenir un peu un « super-vieillard » et préserver plus longtemps la santé de son cerveau et de sa mémoire.»

Ou plutôt: Chacun possède plus de chances de devenir un super-âgé. «Il existe toujours des malchanceux. Des gens qui mènent une vie parfaitement saine, qui ont même génétiquement toutes les caractéristiques d’un super-âgé, et qui ont pourtant des problèmes», poursuit l’anthropologue médical.

Immortalité

Mick Jagger, le chanteur des Rolling Stones âgé de 82 ans qui continue de se déhancher sur scène comme un jeune premier, n’a qu’un an de moins que l’ancien président américain Joe Biden, qui a affiché son déclin physique et cognitif aux yeux du monde entier. Mais Jagger est probablement un super-vieillard, selon Reginald Deschepper. «Il ne menait pas une vie très saine auparavant, mais il s’entourerait aujourd’hui d’une équipe qui s’efforce de lutter de manière optimale contre tous les facteurs de risque liés au vieillissement, grâce à une alimentation équilibrée, beaucoup de sport, mais aussi de nombreux exercices cérébraux.»

(Photo Gary Miller/Getty Images)

Les experts soulignent que le déclin cognitif est le résultat d’une interaction complexe entre plusieurs facteurs, dont la génétique. Qui reste impossible à contrôler pour l’instant. Mais cela pourrait être le cas dans un avenir (lointain). Des scientifiques ont déjà réussi à rajeunir des cellules âgées de la rétine de souris, leur permettant ainsi de recouvrer la vue.

Grâce non seulement au renouvellement cellulaire, mais aussi aux innovations scientifiques dans le domaine de la transplantation d’organes et du génie génétique, les scientifiques espèrent un jour pouvoir ralentir le vieillissement, voire inverser l’horloge biologique. La conversation privée sur la quête de l’immortalité entre le président russe Vladimir Poutine et le président chinois Xi Jinping, enregistrée et divulguée par inadvertance, n’était donc pas si farfelue. «Ce n’est pas un hasard si ce sont précisément les personnes riches et les dirigeants qui s’y intéressent. Les jeunes veulent devenir riches, les riches veulent rajeunir. La recherche dans le domaine de la science de la longévité, qui est extrêmement coûteuse, est donc en grande partie financée par des personnes fortunées qui espèrent en tirer un avantage personnel.»

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