
«Le surgelé est meilleur pour la santé que les aliments frais»: la fin d’un débat éternel
On les croit fades, moins sains, plein d’eau ou bourrés d’additifs. Pourtant, les surgelés n’ont pas dit leur dernier mot. Dans bien des cas, ils conservent mieux les nutriments que les aliments dits frais. Encore faut-il savoir s’en servir sans faire d’erreur.
Et si les aliments surgelés étaient aussi bons que les frais pour la santé? C’est en tout cas ce qu’affirment unanimement les nutritionnistes. Certains vont même plus loin : «Il y a des aliments qui atteignent un taux d’apports en nutriments élevé uniquement lorsqu’ils sont surgelés», certifie le nutritionniste Nicolas Guggenbühl.
Cette bizarrerie s’explique par la dégradation rapide de la qualité des aliments frais. L’épinard, à l’air libre ou au frigo, va rapidement perdre ses apports. Passé un jour dans les rayons de l’épicerie et un de plus au réfrigérateur, et voilà que s’envole près d’un tiers de sa valeur nutritive. Ce qui n’est pas le cas lorsqu’il est surgelé rapidement après sa cueillette. Piégées dans la glace, les vitamines n’ont aucune échappatoire. Cette analyse vaut pour les fruits et légumes, là où elle s’observe plus pudiquement pour les viandes et poissons. Aucun effet ne démontre l’influence de la méthode de conservation sur l’apport nutritif pour ces aliments d’origine animale. Frais comme surgelé , c’est le même.
Plus de vitamines dans l’aliment signifie une meilleure valeur nutritive à chaque repas. Les nutritionnistes conseillent aux personnes âgées de privilégier la congélation de leurs ingrédients, voire de leurs repas de la semaine. Ainsi, elles pourront combler plus facilement leurs besoins accrus en nutriments. Les protéines, les oméga-3, la vitamine B12, le fer ou encore la vitamine D ou C, précieuses pour les fonctions cognitives et physiques, se conservent admirablement bien dans le congélateur.
Pour Nicolas Guggenbühl, c’est une solution aussi utile que saine. «Cela permet d’anticiper des repas complets, sains et équilibrés, à réchauffer facilement les jours de fatigue ou de manque d’envie. C’est un gain de temps qui limite le gaspillage mais surtout permet de garder une alimentation saine à tout âge.»
Mais le «luxe» du surgelé n’est pas réservé aux seniors. Le nutritionniste y voit aussi une opportunité pour les parents débordés. «Il n’y a aucun problème nutritionnel à congeler des plats à l’avance pour les servir à ses enfants le soir. Là aussi, les parents gagnent du temps en ayant la conscience tranquille», explique Nicolas Guggenbühl.
Mais il faut nuancer. Cela vaut pour des repas faits maison, avec des produits qui n’ont pas été transformés. La congélation n’est pas un remède miracle qui transforme le chicon gratin en barquette en un régime équilibré et riche en nutriments.
Bon pour la santé et la planète
Surgeler ses aliments, c’est un peu comme mettre la saison en bouteille. Des fraises en plein hiver, des épinards en août, du potimarron quand tout le monde pense aux apéros en terrasse… Ce qui pourrait passer pour un caprice de gourmet est en réalité une stratégie pleine de bon sens. D’un côté, on préserve la planète. De l’autre, on garde les nutriments là où ils sont censés être: dans l’assiette.
Même si le congélateur consomme de l’énergie, son bilan reste souvent meilleur que celui des camions réfrigérés venus d’Espagne ou du Maroc. Manger des légumes belges, cueillis en saison puis surgelés à la maison, reste bien plus écologique que de consommer des produits frais importés. En moyenne, un appareil moderne consomme entre 150 et 250 kWh par an. Le surcoût énergétique est rapidement compensé par la réduction du gaspillage et des transports.
Et ce gaspillage, justement, la congélation permet de le freiner. Un reste de potage, une portion de gratin ou un bouquet de persil oublié dans le frigo… Plutôt que de finir à la poubelle, tout cela peut rejoindre le tiroir du bas. Congeler permet de prolonger la vie des aliments, d’éviter les pertes et d’acheter plus malin. Dans l’Union européenne, un tiers de la nourriture produite finit à la poubelle. Il suffit parfois d’un sachet hermétique et d’un peu de méthode pour inverser la tendance.
Congeler oui, mais décongeler attention
Ce n’est pas parce qu’un aliment a bien supporté le gel qu’il survivra à la fonte. La décongélation est une étape à prendre au sérieux. «Laisser son plat sur l’évier pour qu’il dégèle plus vite est une très mauvaise idée. En plus de fragiliser la texture, ce geste encourage la prolifération des bactéries. Et dans certains cas, les conséquences peuvent être plus graves qu’un simple changement de goût», avertit Nicolas Guggenbühl.
La bonne méthode reste la plus simple. Sortir son plat à l’avance mais le laisser au réfrigérateur pendant plusieurs heures, voire toute une nuit. Cette montée lente en température protège les aliments sensibles, comme la viande ou le poisson, tout en limitant la perte de nutriments. Pour les légumes, un égouttage rapide permet d’éviter qu’ils ne baignent dans leur propre eau de fonte.
Certains produits n’ont même pas besoin d’être décongelés. Les petits pois, les fruits rouges, les épinards ou les champignons peuvent passer directement de leur sachet au wok ou au mixeur. Ils gardent ainsi une bonne tenue et conservent l’essentiel de leurs qualités nutritionnelles.
Reste à respecter les délais de conservation. La viande hachée ne dépasse pas trois mois. Le bœuf peut aller jusqu’à douze. Le poulet, neuf. Les poissons gras comme le saumon ou la truite se gardent entre trois et six mois. Les légumes, eux, tiennent sans problème entre six et douze mois, selon leur teneur en eau.
Tout ne se congèle pas
Tous les aliments ne sortent pas indemnes du congélateur. Au-delà des questions de goût ou de texture, certains produits mal surgelés ou mal conservés peuvent présenter un vrai danger pour la santé. C’est le cas, par exemple, de la viande ou du poisson si la chaîne du froid n’a pas été strictement respectée. Une coupure d’électricité ou une porte mal fermée suffit à faire remonter la température. Le produit reste dur au toucher mais la prolifération bactérienne, elle, a déjà commencé. Une fois réchauffé, l’aliment peut alors provoquer des troubles digestifs, voire une intoxication plus sérieuse.
La viande hachée est particulièrement sensible. Sa structure très fine expose une plus grande surface à l’air, ce qui augmente le risque de contamination. Mieux vaut ne jamais la conserver plus de trois mois au congélateur, et surtout ne pas la recongeler une fois décongelée. Même chose pour les filets de poisson, les fruits de mer ou le poulet, qui peuvent héberger des bactéries dangereuses si la décongélation est mal gérée.
On peut penser à la listeria, une bactérie rare mais potentiellement grave, surtout chez les femmes enceintes, entraînant des troubles digestifs ou neurologiques. Ou encore à la salmonelle, plus fréquente, qui se manifeste par des nausées, de la diarrhée, des crampes abdominales et parfois de la fièvre.
Certains légumes ou fruits riches en eau, comme la tomate, le melon ou la pastèque, ne présentent pas de danger en soi, mais leur texture altérée après congélation peut poser problème lorsqu’ils sont réchauffés ou consommés crus. Nicolas Guggenbühl prévient: «Une fois décongelés, ces fruits ou légumes gorgés d’eau relâchent beaucoup de liquide. S’ils restent trop longtemps à température ambiante, cette humidité favorise le développement bactérien.»
Les produits laitiers légers, comme les yaourts ou les fromages frais, réagissent mal à la congélation. Les œufs, enfin, ne doivent jamais être congelés dans leur coquille. Le blanc et le jaune se dilatent, provoquant parfois des fissures invisibles. C’est une porte d’entrée pour les bactéries. Même précaution pour les préparations maison à base d’œufs crus, comme la mayonnaise ou les crèmes non cuites, qui ne supportent ni le froid prolongé ni la remontée en température.
Surgeler est un excellent réflexe santé. Mais mal utilisé, il peut produire l’effet inverse. Une attention particulière doit donc être portée au type d’aliment, à la méthode de congélation, au conditionnement et surtout à la décongélation. La prudence, ici, vaut bien plus que quelques minutes de rapidité.
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