Omad: manger un repas par jour pour perdre du poids, une fausse bonne idée? © Getty Images

Le régime Omad, une méthode révolutionnaire pour perdre du poids? «Un dangereux effet de mode»

Elise Legrand
Elise Legrand Journaliste

Le régime Omad (One Meal A Day) fait de nombreux adeptes sur les réseaux sociaux. Si les périodes de jeûne peuvent s’avérer bénéfiques pour l’organisme, ne manger qu’un seul repas par jour reste déconseillé par les nutritionnistes.

«Ca a changé ma vie». Allongée dans son canapé, face caméra, Shera partage avec ses abonnés la recette miracle de sa perte de poids express. «J’ai perdu treize kilos et demi en quatre mois, en ne faisant presque pas de sport», témoigne l’influenceuse aux plus de 16.000 abonnés sur TikTok. La clé de son succès? Le régime Omad. Popularisée par des célébrités telles que Bruce Springsteen ou Chris Martin dans les années 2020, cette méthode consiste à concentrer l’intégralité de son apport calorique quotidien au cours d’un seul repas (One Meal A Day).

@sherasayy Voilà mon update omad après 4 mois, -13,5kg pour ma perte de poids et je me sens beaucoup mieux #omad #pertedepoids #reequilibragealimentaire #jeuneintermittent #pourtoiiii ♬ son original – Shera 🎀
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Contrairement aux formes classiques du jeûne intermittent (comme le 16:8), l’Omad prône une approche plus extrême, caractérisée par une unique fenêtre d’alimentation d’une heure par jour, suivie d’une période de 23 heures sans manger. Seule la consommation d’eau et de boissons chaudes non sucrées est autorisée tout au long de la journée. Le repas unique se consomme de préférence le midi ou le soir, selon les emplois du temps de chacun. Malgré sa nature ultra-restrictive, la méthode semble faire de nombreux adeptes sur les réseaux sociaux, où les hashtags #omad et #omaddiet cumulent des millions de vues. Pourtant, sur le plan nutritionnel, elle est loin de faire l’unanimité.

En tant que tel, le jeûne n’est pas déconseillé. «Historiquement, l’être humain est métaboliquement flexible, rappelle Chloë Shaw-Jackson, docteure en sciences et diplômée en nutrition, santé et micronutrition. Il est capable de ne rien manger pendant une, deux ou trois semaines sans trop de souci.» Les périodes (limitées) d’abstinence alimentaire seraient même bénéfiques pour l’organisme. «La base, c’est de jeûner durablement chaque nuit, en laissant au moins douze heures entre le repas du soir et le petit-déjeuner du lendemain, insiste la spécialiste en régime cétogène. Mais si on peut prolonger encore un peu ce jeûne nocturne, c’est l’idéal.»

Les bienfaits de l’autophagie

Privé temporairement de nourriture, le corps va aller puiser dans ses réserves de graisse et produire des corps cétoniques, favorables à la perte de poids, tout en continuant de produire du glucose, indispensable à certaines cellules. En outre, les corps cétoniques vont réduire l’inflammation et limiter le stress oxydant. «Mais la vertu la plus importante du jeûne, c’est l’autophagie, insiste Chloë Shaw-Jackson. Ce processus permet de recycler ce qui est abîmé dans votre corps, à l’instar d’une maison délabrée, que vous casseriez et que vous reconstruiriez avec de nouveaux matériaux. Or, cette autophagie ne se réalise pas si le taux d’insuline est élevé dans l’organisme, ce qui est inévitable quand vous consommez régulièrement des glucides au cours de la journée.»

Le jeûne intermittent peut donc s’avérer bénéfique à de nombreux égards, notamment en cas de volonté de perdre du poids (même si le corps peut, à terme, s’accoutumer à ce régime). Mais il doit être correctement encadré et limité dans sa durée. Tout le contraire de la tendance virale de l’Omad, qui est «une façon bien trop rigide de procéder», dénonce Chloë Shaw-Jackson, et qui peut surtout présenter de nombreux risques pour la santé.

Fonte de masse musculaire

A commencer par un inévitable déficit calorique. A moins d’avoir un appétit pantagruélique, difficile, en effet, d’ingurgiter en un seul repas l’équivalent de 2.000 à 2.500 calories, qui sont pourtant les recommandations quotidiennes établies par l’OMS. Or, quand l’organisme est dépourvu d’énergie, l’exécution de ses missions essentielles est mise en péril. «La thyroïde va moins bien fonctionner et le corps va se placer dans une sorte de veille, précise Chloë Shaw-Jackson. Une femme en âge de procréer, par exemple, pourra ne plus avoir ses règles car le corps a détecté qu’il ne dispose pas d’assez de calories. Le métabolisme de base va chuter, les fonctions reproductrices s’en verront altérées et la digestion, troublée.»

Le régime Omad est donc «totalement incompatible» avec une pratique sportive, qui nécessite un apport calorique supplémentaire, avertit Louise Deldicque, professeure en physiologie de l’exercice à l’UCLouvain. «Ce régime est bien pire que le jeûne observé durant le ramadan, qui a déjà des conséquences délétères sur la performance sportive, rappelle la spécialiste en nutrition du sportif. Et je ne parle pas uniquement des athlètes de haut niveau. Même pour une personne qui court une heure par jour, l’Omad est un comportement inapproprié.» Pourtant, sur Instagram, nombreux sont les pseudo-coachs sportifs à en faire l’éloge, clichés de «Six-Pack» à l’appui.

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Or, les périodes de jeûne prolongées et régulières peuvent également entraîner une perte de masse musculaire, surtout chez les personnes minces. «Après avoir épuisé le stock de graisse, l’organisme, sans ressources, va s’attaquer aux protéines et donc aux muscles», précise Chloë Shaw-Jackson.

Des «comportements déviants»

Avec un seul repas par jour, l’Omad limite également la diversité alimentaire, et donc, les apports en nutriments et macronutriments, regrette Louise Deldicque. «Une seule assiette, aussi variée soit-elle, ne suffira pas à combler tous les besoins en vitamines et minéraux indispensables au bon fonctionnement du corps humain», met en garde la spécialiste. «L’organisme a quotidiennement besoin de fer, d’iode, de sélénium ou d’omégas-3, confirme Chloë Shaw-Jackson. L’Omad est donc peu indiqué par les temps qui courent, où les sols sont beaucoup moins riches qu’avant et réduisent donc la valeur nutritionnelle de certains légumes. Les rythmes de vie stressants nécessitent également un apport plus important en magnésium, par exemple.»

«Toutes ces formes de régime qu’on voit éclore sur les réseaux sociaux sont de vrais comportements déviants. J’espère que dans dix ans, on n’en parlera plus.»

A l’instar du jeûne intermittent, l’Omad peut également s’avérer particulièrement contre-indiqué dans certaines situations. Pour les personnes sujettes aux troubles du comportement alimentaire (TCA), il est totalement à proscrire. Pour les autres, les effets seront plus ou moins délétères selon le profil de l’individu. «Certaines personnes ont par exemple systématiquement besoin de prendre un petit-déjeuner, note Chloë Shaw-Jackson. Or, le repas unique de l’Omad se prend rarement le matin. Certains adeptes du régime risquent de se retrouver complètement amorphes dès onze heures, car elles seront privées des protéines qui permettent de synthétiser les neurotransmetteurs comme la dopamine et la noradrénaline, indispensables à leur concentration et leur motivation.»

Bref, loin d’être une solution miracle, le régime Omad s’apparente plutôt à un «dangereux effet de mode», conclut Louise Deldicque. «Toutes ces formes de régime qu’on voit éclore sur les réseaux sociaux sont de vrais comportements déviants, insiste la spécialiste de l’UCLouvain. J’espère que dans dix ans, on n’en parlera plus.»

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