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La radiothéranostique, vers un traitement personnalisé contre le cancer

Laetitia Theunis Journaliste

La radiothéranostique est une forme innovante de thérapie médicamenteuse pour lutter contre certains cancers. Elle ouvre la voie à un traitement personnalisé associé à un diagnostic particulièrement précis.

Depuis quelques années, une nouvelle forme de thérapie médicamenteuse ciblée contre le cancer a émergé de la recherche scientifique mondiale. Son nom: la radiothéranostique, un néologisme issu de la contraction de «thérapie par radionucléide» et de «diagnostic moléculaire». Encore peu connue du grand public, la méthode utilise des véhicules microscopiques, aussi appelés «vecteurs», administrés par voie intraveineuse. Ces petites molécules, peptides ou anticorps spécifiques de la tumeur visée, sont capables de reconnaître spécifiquement cette dernière et de se lier à des sites présents sur sa surface. C’est alors seulement qu’entrera en action l’isotope radioactif transporté par les véhicules. «C’est une forme de médecine personnalisée», fait remarquer le Pr Patrick Flamen, chef du service de médecine nucléaire à l’Institut Bordet, qui vient d’inaugurer le premier Centre d’excellence en radiothéranostique de Belgique.

Cette thérapie cible actuellement les tumeurs neuroendocrines et les carcinomes de la prostate à un stade avancé.

Comme son nom l’indique, la radiothéranostique trouve une fonction tant en traitement thérapeutique que pour poser un diagnostic. En premier lieu, elle sert à identifier les organes et les régions du corps où un cancer ou des métastases se développent. Dans ce cadre, l’isotope radioactif utilisé est du gallium-68. Il est produit sur place grâce à un système mis au point par l’Institut national des radioéléments, à Fleurus. Ses propriétés chimiques particulières lui confèrent le pouvoir de mettre en exergue les cellules cancéreuses, lesquelles sont rendues visibles aux médecins grâce à des machines d’imagerie médicale de pointe (PET/CT ). Les images obtenues peuvent être manipulées sur ordinateur afin d’évaluer l’ampleur du cancer dont souffre le patient. Mais aussi de vérifier, avant toute administration thérapeutique, que la tumeur visée possède bien les récepteurs spécifiques à cette thérapie.

Contre les tumeurs agressives

«Concernant les traitements par radiothéranostique, nous utilisons soit l’yttrium-90 soit le lutétium-177», précise Zéna Wimana, professeure en sciences biomédicales. Le premier isotope radioactif a une demi-vie de 2,5 jours, le second de 6,6 jours. Après administration par voie intraveineuse, ces molécules radiopharmaceutiques s’accumulent spécifiquement au niveau des localisations tumorales et délivrent une dose de radiations détruisant les cellules cancéreuses.

La radiothéranostique, dont l’efficacité clinique a été prouvée, prend place à côté des autres modalités de traitement du cancer telles que la chimiothérapie, la radiothérapie et l’immunothérapie. Elle n’a pas vocation à les remplacer. Elle cible actuellement les tumeurs neuroendocrines et les carcinomes de la prostate à un stade avancé. Et ce, particulièrement chez des patients très résistants aux thérapies standard et présentant des métastases non opérables. «Le but est de prolonger la vie de ces patients, ainsi que de leur assurer une bonne qualité de vie», pointe Géraldine Gebhart, cheffe de clinique de médecine nucléaire.

Dans le monde entier, des recherches sont en cours pour étendre l’usage de la radiothéranostique à d’autres tumeurs malignes agressives, comme le cancer du sein triple négatif, mais aussi le cancer du cerveau et du pancréas, pour lesquels «la radiothéranostique pourrait amplifier les effets de l’immunothérapie», espère le Pr Flamen. De nouvelles machines d’imagerie médicale (micro PET, micro Spect et un micro-irradiateur) viennent d’être installées à cette fin sur le campus de la faculté de médecine de l’ULB, juste à côté de l’Institut Bordet .

Des chambres blindées

L’ examen diagnostic posé par radiothéranostique utilise le gallium-68, un isotope radioactif à courte demi-vie (68 minutes). Cela signifie qu’une heure après son injection, sa concentration plasmatique a diminué de moitié. Ce composé est donc très rapidement éliminé du corps du patient. «Dès lors, une fois l’examen diagnostic terminé, le patient peut rentrer chez lui, stipule Géraldine Gebhart, cheffe de clinique de médecine nucléaire (Institut Bordet). Par contre, lorsque la radiothéranostique est utilisée dans le cadre de traitements thérapeutiques, on a recours à d’autres radio-isotopes, dits à plus longue durée de demi-vie. Les patients en cours de traitement doivent alors séjourner à l’hôpital avant de pouvoir rejoindre leur domicile.»

Pour les accueillir et les mettre à l’isolement, cinq chambres blindées contre les radiations ont été prévues dans les nouveaux bâtiments de l’Institut Bordet. De quoi protéger l’environnement et les soignants de toute émission radioactive émanant de ces patients. Les molécules d’yttrium-90 et de lutétium-177 administrées par voie intraveineuse s’éliminent en partie par les urines et les fèces. Dès lors, les toilettes, mais aussi les douches, sont reliées à six grandes cuves, de 12 000 litres chacune, dédiées à la récolte de résidus radioactifs.

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