Des références de médicaments à destination des personnes atteintes de diabète manquent à l’appel dans les pharmacies. L’indisponibilité devrait se prolonger jusqu’à la fin de l’année, compliquant le traitement de certains patients. Un changement de traitement peut s’envisager, en discussion avec le corps médical.
«Temporairement indisponible». Cette mention apparaît à côté de plusieurs centaines de références de médicaments sur le site pharmastatut.be, permettant de suivre les pénuries de certains produits en Belgique. Une situation loin d’être exceptionnelle et parfois sans risque particulier, certains médicaments pouvant facilement trouver un équivalent.
Dans d’autres cas, l’indisponibilité complique grandement certains traitements. C’est le cas pour les personnes diabétiques, utilisant les produits NovoRapid et Fiasp notamment. Pour ces deux composés, les conditionnements sous forme de cartouches pour les pompes automatiques à insuline sont en rupture, confirme le fabricant danois Novo Nordisk. «Il existe actuellement une disponibilité réduite des produits à base d’insuline en Belgique. Elle devrait se poursuivre jusqu’à fin 2025. La cause est une combinaison de facteurs: une demande exceptionnellement élevée et des limitations de production sur certaines lignes», détaille le service communication de l’entreprise pharmaceutique.
Ce traitement par pompe automatique présente l’avantage d’infuser de l’insuline de façon continue, évitant aux personnes diabétiques un suivi manuel plus lourd. Une flexibilité appréciable dans la surveillance de cette maladie chronique, touchant plus de 800.000 personnes en Belgique. Environ 10% de celles-ci souffrent de diabète de type 1 et peuvent bénéficier de la pompe automatique. Elle permet de suppléer une production défaillante d’insuline par le pancréas, afin de réguler le taux de sucre dans le sang.
«Envisager des alternatives»
La tension sur les stocks des produits de Novo Nordisk a été notifiée au printemps dernier par la société. Elle assure «rester engagée à améliorer la disponibilité des produits à base d’insuline et travaille activement à des solutions pour minimiser l’impact sur les patients». La firme recommande aux médecins «de ne pas initier de nouveaux patients sur ces produits et d’envisager des thérapies alternatives pour les utilisateurs actuels.»
Un changement de produit qui peut être envisagé, mais toujours en concertation avec un professionnel de santé. «Un tel changement doit toujours être effectué sous supervision médicale afin d’assurer l’observance thérapeutique et la sécurité», insiste Novo Nordisk, qui produit également l’Ozempic et le Wegovy, deux antidiabétiques coupe-faim.
«Le patient est effectivement encouragé à voir son endocrinologue ou son diabétologue, afin de trouver des solutions. Cela peut être un antidiabétique de secours, temporaire, ou un changement complet de type d’antidiabétique. Globalement, l’arrivée sur le marché de ces nouvelles molécules, beaucoup moins contraignantes que par le passé, provoque en partie cette tension sur les stocks. La production ne parvient pas à suivre la demande», constate Nicolas Echement, porte-parole de l’Association pharmaceutique belge (APB).
Le contingentement, source de tensions
L’APB signale que la situation actuelle n’est pas totalement exceptionnelle pour ce type de traitement, même si elle est évidemment loin d’être idéale. «La plupart des produits liés à l’insuline sont contingentés. L’indisponibilité n’est donc pas due ici à un manque de principes actifs, un lot qui n’aurait pas été validé ou à une rupture de la chaîne d’approvisionnement. Le contingentement signifie que le produit est mis sur le marché de façon limitée. Une fois que le stock du mois est écoulé, c’est terminé jusqu’au mois suivant. Cela provoque une ruée sur le produit et une vraie difficulté à constituer une réserve.»
Le contingentement existe notamment pour faire en sorte que les médicaments aillent aux patients et ne soient pas revendus à l’extérieur, pour spéculer notamment. L’Ozempic, autre produit phare de Novo Nordisk, se trouve dans la même situation, avec un contingentement qui limite sa disponibilité. Cela oblige le pharmacien à prioriser la fourniture du produit pour certains patients, tout en tentant d’anticiper les besoins futurs. Une vraie difficulté, alors que les prescriptions peuvent varier à tout moment.
Une situation qui impacte directement le métier des professionnels de la santé. Certains se retrouvent parfois en difficulté avec leur clientèle habituelle. D’autres ne peuvent pas servir correctement de nouveaux patients. «Nous travaillons à flux beaucoup plus tendu qu’avant, avec des stocks plus limités et des ventes plus rapides. Il faut savoir que les indisponibilités de médicaments représentent une charge de travail colossale, de pratiquement une journée par semaine pour les pharmaciens», déplore Nicolas Echement.
Des pistes contre les pénuries
Au niveau des autres médicaments et produits de soin, la situation actuelle de pénurie semble habituelle, «pour autant qu’on puisse appeler le fait d’avoir des médicaments manquants, une situation normale», grince le porte-parole de l’APB. «Nous constatons aujourd’hui une légère diminution du nombre de conditionnements temporairement indisponibles ou restreints, en comparaison avec 2024», complète L’AFMPS, l’agence fédérale du médicament. Elle ajoute que les données reprises sur pharmastatut se rapportent bien à des conditionnements de médicaments, donc à des tailles d’emballage spécifiques. «Une notification d’indisponibilité temporaire ou d’arrêt de commercialisation d’un conditionnement d’un médicament ne signifie pas que le médicament n’est pas disponible ou retiré du marché. Il est en effet possible que d’autres tailles d’emballage soient encore disponibles.»
Le meilleur suivi des indisponibilités via pharmastatut.be fait notamment partie des stratégies de réflexion sur cette problématique des pénuries. Le site permet de mieux visualiser la situation globale et de vérifier, en cas de manque réel d’un médicament, s’il existe d’autres marques pouvant remplacer utilement le produit. L’importation de médicaments depuis l’étranger reste une solution de secours, pour combler certains manques et assurer la continuité des soins. Une possibilité récente permet désormais de profiter quand même du remboursement prévu en Belgique, dans le cas d’une importation de molécule. Le pharmacien peut également, si c’est faisable, réaliser le médicament magistral, l’Inami se chargeant de valider le remboursement ou pas.
«Nous n’avons pas de solutions toutes faites pour lutter contre les pénuries. Toutes ces pistes représentent des aides, afin de parvenir quand même à fournir les patients. Nous explorons toutes ces possibilités lorsqu’une tension apparaît sur un produit. Il faut signaler qu’il reste quand même très rare qu’aucune solution ne puisse être trouvée rapidement. Mais évidemment, cela ne concerne que les produits hors contingentement, qui eux doivent être gérés de manière plus continue», précise encore le porte-parole de l’APB.
Derrière l’exemple de l’insuline, toute la stratégie d’approvisionnement de médicaments dévoile ses fragilités et ses incertitudes. Une réalité avec laquelle doivent composer quotidiennement les personnes diabétiques et les pharmaciens.