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Démence sénile: faut-il traquer ceux qui fuguent ?

Muriel Lefevre

Il y aurait aujourd’hui près de 200.000 personnes atteintes de démence en Belgique. À moins qu’on ne trouve un remède miracle, ce chiffre devrait presque doubler d’ici 2050. Une augmentation qui inquiète la police, car ces personnes fuguent, voire disparaissent. Et c’est souvent les forces de l’ordre que l’on appelle en premier.

Ils sont de plus en plus nombreux. Ils, ce sont les personnes qui souffrent de démence. Rien d’étrange lorsqu’on sait que ce mal touche principalement les personnes âgées et que l’on vit dans une société où l’espérance de vie ne cesse d’augmenter. Chez les 75-85 ans, c’est 30 % de la population qui est touchée par la démence, soit une famille sur cinq qui est concernée. « On estime que d’ici 2030, le chiffre pourrait monter à 260.000 déments pour atteindre les 390.000 en 2050 », dit Wilfried Nys, président de la Fondation pour la recherche contre la maladie d’Alzheimer dans le Soir.

Parmi les causes de démence, il y a la maladie d’Alzheimer. À elle seule, elle représente 50 à 75% des cas. Cette maladie a parmi ses symptômes une désorientation spatiale, un phénomène de déambulation, mais aussi une perte de mémoire à court terme. Ce qui fait qu’un simple changement dans un environnement pourtant familier peut perturber profondément la personne. Se sentant perdue, elle lui arrive alors de partir en vadrouille sans but précis à la recherche de repères. Les fugues de personnes souffrant d’Alzheimer sont toujours considérées comme inquiétantes par la police. C’est pourquoi on conseille d’appeler la police après 20 minutes de recherches.

Démence sénile: faut-il traquer ceux qui fuguent ?
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Ces disparitions nécessitent en effet une intervention rapide, pour éviter que ces personnes, souvent faibles, ne se blessent. Le fait qu’elles ne disposent pas toujours d’un GSM ou d’une carte de banque les rend aussi plus difficiles à tracer.

Si ces fugues sont source d’angoisse pour les proches, les personnes âgées sont néanmoins vite retrouvées et souvent dans un rayon de moins de deux kilomètres. Dans 65% des cas, la personne démente est même retrouvée dans son institution. « Parfois, elle était simplement dans un placard. Pourquoi et comment elles se sont retrouvées là, personne ne le sait », dit Alain Remue, à la tête de la cellule Personnes disparues de la police fédérale dans De Morgen.

Les disparitions de séniors représentent en effet 10% des cas de disparition traités par la cellule. Pour faire face à l’afflux de cas sans cesse croissant, la cellule disparition a même formé les polices locales pour qu’elles servent de première ligne. « Ce n’est que quand elles n’y arrivent pas que l’on intervient. L’année dernière nous sommes ainsi intervenus dans 91 affaires. Mais les cas de courtes disparitions sont beaucoup plus nombreux. »

Selon les chiffres officiels, en Wallonie, 170 seniors disparaissent en moyenne chaque année de l’établissement qui les héberge avec un taux de décès de 15 %.

Bientôt pisté comme un GSM volé ?

En sachant que 70% des malades préfèrent rester à domicile, que le personnel soignant risque de manquer et qu’il y a peu de chance que l’on trouve un remède miracle dans les années à venir, l’accompagnement de ces personnes toujours plus nombreuses devra plus que probablement se faire en partie par les proches. De nombreuses familles qui sont, à raison, inquiètes optent donc régulièrement pour un tracker. Soit un appareil, le plus souvent un porte-clés, qui permet de localiser leur proche à toute heure du jour et de la nuit.

Si l’idée se justifie par son côté pratique, elle soulève aussi une véritable question éthique. Cet appareil qui rassure les proches signe aussi la fin de toute vie privée et d’une certaine autonomie pour la personne âgée. Et que dire de ces bracelets électroniques que certaines institutions placent chez leurs patients ? C’est là toute la difficulté de trouver un équilibre entre sécurité et liberté.

Alain Remue l’admet dans De Morgen: « moi non plus je n’aimerais pas que quelqu’un sache toujours où je suis. Sauf qu’aujourd’hui, le problème de personnes âgées qui fuguent est à ce point aigu que cela se défend. Mais, attention, uniquement pour les personnes dans un stade avancé ou si elles ont déjà fugué. Et même dans ces cas-là, il devrait s’agir d’un système passif qui n’est activé qu’en cas de disparition. »

Car, après tout, ce que n’est pas parce qu’on a plus les idées très au clair qu’on a plus le droit de flâner.

Un formulaire pour aider la police

Lancé d’abord dans les institutions par la Cellule des Personnes disparues de la Police fédérale, la Ligue Alzheimer ASBL a implanté également le Protocole Disparition Seniors dans le cadre du domicile. La mémoire sur long terme étant celle qui leur reste le plus longtemps, les proches décrivent les éléments du passé qui pourraient être utile en cas de recherche de la personne. Un tel formulaire peut être trouvé en cliquant ici.

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