habitudes alimentaires belges
Une tranche par ci, une rondelle par là. La consommation de charcuterie est trop élevée en Belgique. Et ces excès ne sont pas sans conséquences sur la santé. © Belga

Ces mauvaises habitudes alimentaires des Belges: «En 10 ans, les évolutions positives sont malheureusement peu nombreuses»

Ludivine Ponciau
Ludivine Ponciau Journaliste au Vif

Encore un effort. En dix ans, le Belge a gommé quelques mauvaises habitudes alimentaires. Mais son assiette contient toujours trop de viande, de frites, et trop peu de légumes.

«Cinq fruits et légumes par jour». En 2001, le consommateur prenait pour la première fois connaissance de ce message l’invitant à ingérer davantage de végétaux pour préserver sa santé. Une recommandation qui s’inscrivait dans le cadre du Programme national nutrition santé (PNNS), inspiré des directives de l’OMS. D’autres conseils ont suivi: diminuer la viande rouge, éviter l’alcool, privilégier les aliments non transformés, boire au minium un litre d’eau par jour…

Un quart de siècle de conseil nutritionnel. Le Belge en a-t-il pris bonne note? Disons que son assiette a évolué mais qu’il ne parvient toujours pas à se défaire de quelques mauvaises habitudes. C’est ce que montrent les résultats de la dernière enquête de consommation alimentaire de Sciensano.

Malgré quelques améliorations par rapport à l’enquête de 2014-2015, les réflexes de consommation restent trop éloignés des recommandations du Conseil Supérieur de la Santé. La consommation d’aliments favorables à la santé demeure insuffisante, tandis qu’une surconsommation d’aliments défavorables persiste.

«La création d’un environnement dans lequel une alimentation saine est la solution la plus simple doit occuper une place centrale dans la politique de santé publique.»

Les cinq fruits et légumes n’y sont pas, la viande rouge reste trop présente dans les menus et l’alcool trouve toujours sa place à table. Parmi les sondés (60% de Flamands, 35% de Wallons et 5% de Bruxellois), seuls 7% mangent des légumes (frais, surgelés, cuits, en conserve, en bocaux ou séchés) en quantité suffisante. Alors qu’il est recommandé d’en manger au moins 300 grammes par jour, la moyenne des Belges ne dépasse pas les 160 grammes. Les femmes sont aussi mauvaises élèves que les hommes.

Il apparaît cependant que la consommation de légumes augmente avec l’âge, passant de 109 grammes par jour chez les enfants à 126 grammes par jour chez les adolescents et 172 grammes par jour chez les adultes âgés de 18 à 64 ans et les personnes âgées de 65 ans et plus. Autres nuances: les personnes ayant un niveau d’instruction élevé consomment plus de légumes que celles ayant un niveau d’instruction moyen ou faible; et les Flamands (9%) plus que les Wallons (4%). Ces dernières années, le Belge a tout de même intégré davantage de légumes dans son alimentation: lors de la dernière enquête (2014-2015), ils n’étaient que 4% à en consommer 140 grammes par jour.

Peu de légumes et pas beaucoup plus de fruits (frais, surgelés, compotes, en conserve, séchés ou en coulis): 10% n’en mangent pas assez. Alors que la recommandation est d’en consommer 250 grammes par jour, les Belges –les hommes tout comme les femmes– se limitent à 123 grammes par jour. Les enfants (139 grammes par jour) et les adultes âgés de 65 ans et plus (152 grammes par jour) consomment plus de fruits que les adolescents (102) et les adultes âgés de 18 à 64 ans (114). Les bonnes habitudes semblent donc se perdre à l’âge adulte.

Indétrônable steak

Boudés pour toute une série de (mauvaises) excuses, les fruits et les légumes se font supplanter dans l’assiette par l’indétrônable steak saignant et les autres déclinaisons de viande rouge. Alors que la recommandation actuelle est de diminuer sa consommation de viande rouge, associée à un risque accru de maladies chroniques, notamment cardiovasculaires, le diabète de type 2 et certains cancers, le Belge renonce difficilement à sa pièce de bœuf. Si la quantité recommandée de viande rouge consommée par semaine n’est pas fortement dépassée (308 grammes en moyenne au lieu de 300), les hommes sont nettement plus concernés par les excès puisqu’ils en ingurgitent 364 grammes, contre 265 pour les femmes. Ce qui porte à 46% la proportion de Belges qui en abusent. Quant à la viande rouge transformée, dont la charcuterie, elle fait exploser le compteur puisqu’au lieu des 30 grammes recommandés par semaine, la moyenne atteint 189 (231 pour les hommes, 134 pour les femmes). Au total, 91% des Belges dépassent la quantité recommandée.

Or, selon l’OMS, consommée quotidiennement et en franche quantité, la viande rouge «transformée», ou charcuterie, cause le cancer. Et la viande rouge, cuite ou crue, «probablement» aussi.  En 2022, un rapport de l’agence sanitaire française, l’ANSES, confirmait un lien entre la consommation de nitrites, notamment utilisés pour conserver la charcuterie, et le risque de cancer. Les hommes (231 grammes par semaine, contre 154 pour les femmes) sont ceux qui craquent le plus souvent devant une tranche de jambon ou un américain préparé. Comme pour d’autres aliments, ce sont les personnes qui affichent un faible niveau d’instruction qui en consomment le plus.

Pour le Belge, la viande rouge reste la reine des grands repas et du barbecue.

«Les évolutions positives depuis la dernière enquête sont malheureusement peu nombreuses, affirme Nicolas Berger, responsable de l’étude chez Sciensano. Depuis notre enquête précédente en 2014- 2015, les Belges boivent en moyenne plus d’eau et ils mangent plus de légumes mais cela reste insuffisant. La consommation de viande rouge transformée telle que la charcuterie est inquiétante et la consommation d’alcool et de boissons sucrées devrait également être fortement réduite.»

«Des frites, des frites…»

L’alcool plus volontiers que l’eau. Une autre mauvaise habitude dont le Belge a du mal à se défaire. 82% des sondés ont une consommation excessive. Alors qu’il est purement et simplement recommandé de ne pas en consommer une goutte, la moyenne pour toutes les catégories d’âge est de 137 ml par jour. Les femmes sont moins portées sur la bouteille (78%, 65 ml par jour) que les hommes (86%, 213 ml par jour). La quantité est par contre identique au nord et au sud du pays.

La consommation de boissons alcoolisées chez les adultes âgés de 18 à 64 ans a pourtant diminué entre 2014-2015 (193 ml par jour) et 2022-2023 (144 ml pour jour). En outre, la proportion d’adultes âgés de 18 à 64 ans qui consomment des boissons alcoolisées a diminué de 86 à 83%. Mais l’abus d’alcool reste particulièrement inquiétant chez les jeunes puisque 33% des 10-17 ans en consomment actuellement.

L’un des effets néfastes de l’alcool est qu’il déshydrate l’organisme. Or, les Belges ne s’hydratent déjà pas très bien. Seuls 37% répondent à la recommandation de boire entre un litre et un litre et demi d’eau par jour. En moyenne, 896 ml sont consommés au cours de la journée. Chez les plus de 65 ans, chez qui l’hydratation est d’autant plus importante, la consommation ne dépasse pas les 712 ml par jour.

Enfin, Sciensano a jeté un œil à la friteuse du Belge pour savoir quelle quantité de frites il ingurgite. Il en résulte que la consommation moyenne de pommes de terre est de 60 g par jour, dont 25% sont des pommes de terre frites.

Chez les personnes ayant un faible niveau d’instruction, la quantité passe à 68 g par jour, contre 51 g pour ceux ayant un niveau d’instruction plus élevé. La part des produits frits dans la quantité totale de pommes de terre consommée n’a que très peu diminué entre 2014-2015 (30 %) et 2022-2023 (27 %). La frite reste indéniablement un péché mignon.

L’alimentation du Belge s’améliore sur certains points mais il garde de mauvaises habitudes. © Belga

«Ces résultats soulignent la nécessité de faciliter les choix alimentaires sains et de rendre ces choix plus attrayants. La création d’un environnement dans lequel une alimentation saine est la solution la plus simple doit occuper une place centrale dans la politique de santé publique, affirme Nicolas Berger. Pensons par exemple à des mesures telles que rendre les produits sains plus abordables, procéder à un meilleur étiquetage et prévoir une réglementation plus stricte du marketing alimentaire. Il est également important de continuer à miser sur l’éducation et la prévention. Des initiatives existent déjà, comme des cours sur l’alimentation saine dans les écoles ou des campagnes de sensibilisation, mais il est encore possible de les renforcer et de les élargir. De cette façon, les citoyens reçoivent non seulement le soutien de leur environnement pour manger plus sainement, mais apprennent également à faire eux-mêmes des choix alimentaires plus judicieux et plus conscients», conclut l’expert de Sciensano.

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