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Pourquoi autant de pluie en mai, et que nous réserve juin? «Tout est figé»

Elise Legrand Journaliste
Eglantine Nyssen Journaliste au Vif, multimedia editor

La météo actuelle est caractérisée par une forte instabilité et des cumuls de précipitations importants. Un temps maussade qui s’explique par une «situation de blocage», dont les effets continueront à se faire ressentir durant dix jours. Et qui complique la tâche des prévisionnistes.

La pluie n’en finit plus de tomber. Précipitations, grisaille et vent rythment inlassablement le mois de mai. Une partition maussade dont les accords, en boucle depuis des semaines, commencent à irriter les oreilles des Belges, en quête du tube de l’été. Ou à tout le moins d’une mélodie plus printanière.

La morosité ambiante s’explique par une «situation de blocage» causée par un anticyclone centré sur l’Atlantique Nord, qui amène un temps sec et dégagé au large des îles britanniques, mais dont ne bénéficie pas la Belgique. La distance qui sépare notre territoire de ces conditions anticycloniques nordiques laisse le champ libre aux dépressions et à une multitude de gouttes froides, qui entrainent de l’instabilité et des précipitations continues. «Tout est figé, résume Xavier Fetweiss, professeur en climatologie à l’ULiège. Et malheureusement, les modèles suggèrent que ce blocage météorologique se poursuivra dans les dix jours à venir

Le phénomène actuel n’est pas sans rappeler l’été 2021, marqué par des records de précipitations et des inondations meurtrières en Belgique. «Ce week-end, on va se rapprocher des conditions de ce fameux mois de juillet, avertit Xavier Fetweiss. C’est trop tôt pour prédire un événement extrême, mais la situation météorologique est exactement la même qu’à l’époque, avec un anticyclone durable au large de l’Angleterre et une dépression fixée sur l’Allemagne.»

Situation de blocage: des prévisions imprécises pour la pluie

D’après le climatologue, les dix prochains jours devraient être marqués par des cumuls de précipitation importants, équivalents à ce qui tombe habituellement sur un mois entier. Selon les relevés de l’Institut royal météorologique (IRM), la dizaine écoulée a déjà été particulièrement pluvieuse: entre le 18 et le 27 mai, 32mm de précipitations cumulées ont été enregistrés à Uccle, soit 11mm de plus que la moyenne mesurée entre 1991 et 2020 (infographies plus bas). L’hiver s’était déjà démarqué par son humidité significative. «Globalement, si on regarde le cumul des précipitations depuis le mois de janvier, on se situe deux mois en avance sur la moyenne», note Xavier Fetweiss.

Les conditions des dernières semaines rendent les prévisions particulièrement complexes à établir. Sur les applications météo, les icônes varient d’un jour (voire d’une heure) à l’autre, prédisant tantôt une météo estivale, tantôt une drache nationale. Quand un week-end clément semble enfin se profiler, la pluie s’invite parfois en dernière minute, obligeant les Belges à constamment jongler entre débardeur et anorak. «La situation de blocage est généralement très mal évaluée par les modèles informatiques, justifie le professeur de l’ULiège. Soit les modèles de prévision ne veulent pas en sortir et suggèrent alors du mauvais temps sans arrêt durant dix jours – c’est ce qu’il se passe pour le moment – soit ils veulent absolument en sortir et proposent alors chaque fois du soleil, qui finalement n’arrive jamais car la situation reste figée plus longtemps que prévu.»

Vers une amélioration à la mi-juin?

Ce phénomène de blocage est renforcé par le réchauffement climatique, en raison de la baisse des différentiels de température entre les régions polaires et équatoriales. «Aujourd’hui, les pôles se réchauffent quatre fois plus vite que l’équateur, donc le contraste thermique diminue, contextualise Xavier Fetweiss. Or, ce contraste thermique est le moteur de la dynamique atmosphérique et des vents dominants: s’il est important, il entraîne de grands courants d’air entre les zones froides et chaudes. Ces vents balaient les configurations météorologiques, qui ne restent en place que quelques jours maximum. A contrario, si ce contraste est plus faible, il stabilise la dynamique atmosphérique, qui se fige et entraîne un statu quo météorologique.» Les dépressions sont donc plus durables et intenses, avec beaucoup de pluie et des risques d’inondation. Les anticyclones prolongés, eux, entraînent vagues de chaleur, sécheresse et risques de feux de forêt. «Ce sur-place génère des phénomènes météorologiques extrêmes», résume le climatologue.

Heureusement, cette situation de blocage ne se prolongera pas indéfiniment. «Le phénomène peut durer un mois, voire deux maximum», précise Xavier Fetweiss. Après le printemps maussade, les conditions anticycloniques pourraient ainsi faire leur grand retour d’ici la mi-juin. Une saison estivale chaude et sèche n’est donc pas à exclure. «D’après les prévisions saisonnières, il y a d’ailleurs 17% de chances que l’été européen soit le plus chaud jamais enregistré. Mais il est toujours complexe de faire des prévisions à si long terme», tempère l’expert.

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