Les agressions envers les agents sont en hausse à la Stib. © Getty

Record des agressions à la Stib: «Ils m’attendaient à l’arrêt suivant et ont lancé des pierres sur le pare-brise»

A Bruxelles, prendre les transports en commun n’a jamais semblé aussi risqué, particulièrement pour ceux qui les conduisent. Derrière les chiffres transmis à la ministre Elke Van den Brandt se dessine un quotidien marqué par la tension, l’incertitude et la hausse des agressions envers les agents de la Stib.

La Société des transports intercommunaux de Bruxelles (Stib) alerte sur une hausse continue des agressions contre ses chauffeurs et employés. En 2024, 964 incidents ont été recensés, soit environ trois agressions quotidiennes. Une situation préoccupante qui touche également l’ensemble du réseau belge, de la SNCB aux TEC et à De Lijn.

Le bilan remis récemment à la ministre bruxelloise sortante des Transports, Elke Van den Brandt (Groen), est alarmant: les incidents enregistrés par la Stib en 2024 se répartissent en 848 agressions verbales et 116 physiques. Depuis 2021, les agressions verbales ont augmenté de près de 200 cas supplémentaires.

Pour Cindy Arents, porte-parole de la Stib, ce phénomène inquiétant peut être expliqué par plusieurs facteurs: «Je pense que les gens sont stressés. Je me souviens qu’il y a peu, j’étais dans un tram vers le rond-point Louise. On était à l’arrêt à cause des embarras de circulation. Une dame d’une cinquantaine d’années, bien habillée, propre sur elle, s’est énervée sur la chauffeuse. Elle l’accusait de la mettre en retard. Elle lui criait qu’elle pouvait avancer, quitte à mettre des piétons en danger. Bref, la chauffeuse, qui devait déjà faire preuve de vigilance et concentration à ce moment-là, devait composer avec cette dame stressée qui l’agressait verbalement.»

La difficulté majeure pour la Stib est la gestion simultanée de la sécurité des passagers et du stress vécu par le personnel: «Les chauffeurs sont comme vous et moi. Personne ne sait rester 100% lucide au volant si on l’agresse. C’est pourquoi nous formons notre personnel aux situations de stress. Nous faisons notre maximum pour anticiper ce genre de situation. Ils sont capables de gérer une phase de conflit de façon polie et diplomatique, et surtout ils savent comment ne pas envenimer le tout. Si jamais l’agression prend de l’ampleur, ils peuvent faire appel aux forces de l’ordre, avec lesquelles nous avons des contacts étroits.»

En parallèle à ces agressions, la Stib a recensé 123 accidents de travail en 2024, générant un total de 7.923 jours d’incapacité, chiffre record pour l’entreprise.

Actuellement, 320 agents de sécurité assurent la surveillance des stations et accompagnent parfois les chauffeurs. Une augmentation récente de 40 agents supplémentaires a été décidée afin de renforcer la sécurité dans les transports publics bruxellois. Chaque jour, plus d’un million d’usagers empruntent les transports de la Stib, représentant 375,8 millions de déplacements annuels. Les forces de l’ordre interviennent uniquement lors de contrôles ou en cas d’agressions en cours.

Face à l’imprévisibilité des actes d’agression, la société privilégie des campagnes de sensibilisation envers les usagers: pancartes humanisant les chauffeurs, démarches éducatives et témoignages rendus publics par les victimes. Gaëlle, conductrice de tram, témoigne sur le site officiel de la Stib: «C’était au tout début de ma carrière. Mon tram s’est retrouvé bloqué. Après quelques minutes à l’arrêt, les esprits ont commencé à s’échauffer. D’abord un voyageur, puis l’effet de groupe a pris le dessus. J’ai eu droit à des propos déplacés et sexistes, et un voyageur a essayé d’ouvrir de force la porte de mon poste de conduite. J’ai finalement décidé d’ouvrir mes portes en urgence pour laisser descendre les voyageurs. Ceux qui s’en étaient pris à moi m’attendaient à l’arrêt suivant. Ils ont alors commencé à lancer des pierres sur le pare-brise. J’ai fini par arriver au terminus, en pleurs.»

Selon Cindy Arents, aucune solution immédiate ne se dessine pour enrayer ces incidents: «Notre seul moyen est d’éduquer et de protéger notre personnel. Nous avons fourni les chiffres à la ministre. Ce sera à elle de prendre les bonnes mesures.»

Vandalisme record à la Stib: 50 incidents par jour à Bruxelles

Le nombre d’actes de vandalisme progresse aussi fortement sur le réseau bruxellois: 18.097 cas recensés en 2024, soit une moyenne quotidienne de 50 incidents. Les agents de sécurité, aidés ponctuellement par la police, assurent la sécurisation des infrastructures touchées. Peu d’auteurs de ces actes sont toutefois appréhendés.

Parmi les lieux les plus affectés figurent les gares du Midi, Simonis et Gare de l’Ouest. Sur les lignes, les véhicules du tram 81, du métro 5 et du bus 59 sont particulièrement ciblés par ces actes de vandalisme.

Insécurité dans les transports publics belges: un phénomène national

Le problème des agressions dépasse largement Bruxelles. En 2023, les quatre sociétés belges de transports publics (Stib, TEC, De Lijn et SNCB) ont recensé ensemble 5.598 agressions envers leur personnel, soit une moyenne supérieure à 15 incidents quotidiens à l’échelle nationale. La Stib est la première à fournir ses chiffres pour 2024, mais une hausse similaire est attendue chez les trois autres opérateurs.

Face à cette problématique d’ampleur nationale, les quatre sociétés exigent que chaque agression fasse l’objet d’enquêtes approfondies suivies de sanctions rapides et fermes.

Un réseau étendu de plusieurs dizaines de milliers de caméras de surveillance est à disposition des autorités policières pour faciliter leurs enquêtes. Les auteurs d’agressions encourent des amendes administratives pouvant atteindre 500 euros en cas de récidive, ainsi que des poursuites pénales, pouvant aboutir à des peines de prison avec ou sans sursis, des amendes judiciaires ou encore des travaux d’intérêt général. L’agression envers le personnel des services publics est d’ailleurs considérée comme une circonstance aggravante.

Les sociétés concernées proposent systématiquement à leurs employés un accompagnement psychologique immédiat après chaque incident ainsi qu’un soutien juridique lors du dépôt des plaintes. Elles se constituent partie civile dès que les agressions font l’objet de poursuites judiciaires.

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