Le port du casque à vélo reste facultatif en Belgique. Le débat sur l’obligation de le porter déclenche immanquablement des réactions tranchées. Une nouvelle étude de Vias met en lumière le rapport des élèves à cette protection, jugée plus essentielle pour les très jeunes, mais dont ils veulent moins en avançant en âge.
Un élève sur cinq estime dangereux de rouler à vélo dans son quartier à cause du trafic. La conclusion provient de la dernière étude de Vias, l’Institut pour la Sécurité Routière, accompagnant le retour des jeunes à vélo sur le chemin de l’école. Un chiffre qui manifeste le danger ressenti, par une minorité, face aux voitures et autres engins motorisés. L’état des routes peut également rebuter à enfourcher le deux-roues, environ un élève sur sept (15,5%) jugeant cela risqué.
Ces sentiments n’empêchent pas de voir le port du casque à vélo comme non nécessaire, voire ennuyeux. Pas moins de neuf élèves sur dix déclarent qu’ils n’ont jamais porté un casque au cours du dernier mois lorsqu’ils se déplaçaient à vélo, musculaire ou électrique. Sept jeunes sur dix considèrent également ce comportement comme acceptable, davantage chez les garçons (75,5%) que pour les filles (68,5%). Rouler sans casque n’est considéré comme très risqué que pour un jeune sur cinq.
«Il reste difficile de convaincre des adolescents de porter le casque, principalement dans la tranche 15-19 ans, comme ceux de l’étude. Les raisons peuvent varier, elles sont plus ou moins superficielles, notamment lorsque l’apparence est évoquée, surtout par rapport aux bénéfices apportés par une protection. Les trajets de certains jeunes sont également très courts, ce qui peut renforcer la vision que c’est moins nécessaire», analyse Benoît Godart, porte-parole de Vias.
Le casque, dernière mesure
Ces réponses des ados rappellent aussi en filigrane que le casque n’est pas la solution à l’insécurité qui peut se vivre en tant qu’usager faible. «En réalité, le casque doit arriver après tout le reste en matière de sécurité: il faut d’abord des aménagements adaptés aux cyclistes, apaiser la circulation en partageant les rues et en diminuant la vitesse. Le casque sert parfois de cache-misère pour éviter de s’attaquer aux véritables causes des problèmes de sécurité routière. Mais un casque n’empêchera jamais les accidents. Et lorsqu’on parle des décès, il faut bien réaliser qu’une protection de la tête ne changera rien lorsqu’un cycliste passe sous un camion», explique Luc Goffinet, chargé de politique wallonne et fédérale pour Avello (ex-Gracq).
L’association de défense et promotion du vélo rappelle régulièrement sa position sur le casque en Belgique, sensibilisant le public à son intérêt dans certaines situations, tout en bannissant une obligation délétère. «Faut-il un casque sur un VTT? Oui. Lorsqu’on roule vite avec un vélo de course? Evidemment. Idem pour le vélo électrique, notamment car le public de ces engins est parfois plus âgé, avec de moins bons réflexes. Mais rendre le casque obligatoire à tout le monde, même au cycliste qui emprunte un Ravel, à 15 km/h, pour aller faire une course, ça n’a aucun sens. Ca tuerait juste la pratique, car personne n’a envie de se trimballer avec un casque dans un magasin», poursuit Luc Goffinet.
Sur ce point, Avello est rejoint par Vias. «Nos recommandations en faveur du casque visent en priorité certains publics et certaines situations, en fonction de l’âge ou de la vitesse. Nous sommes tout à fait d’accord sur le fait que, parfois, le port du casque ne se justifie pas. Notre but en sensibilisant n’est pas de décourager la pratique, elle est extrêmement positive. Mais nous déplorons qu’il y ait un véritable tabou pour les associations cyclistes dès que le mot « casque » est prononcé», maintient le porte-parole de Vias.
Protéger les enfants
Parmi les plus fortes recommandations, le port du casque pour les enfants semble le plus souhaitable, selon l’Institut pour la Sécurité Routière. Jusqu’à 12 ou 14 ans, un point à discuter, pour s’aligner sur ce qui se fait déjà dans certains pays européens. L’idée est de mieux protéger les plus jeunes, qui ont parfois moins d’équilibre ou sont moins conscients du danger.
Une mesure qui récolte certaines faveurs chez les adolescents: s’ils ne veulent pas du port du casque obligatoire pour tout le monde (seuls 24,9% y sont tout à fait favorables), l’imposer aux enfants de moins de 12 ans paraît logique pour sept jeunes interrogés sur dix. Les Belges dans leur ensemble seraient 84% en faveur de la même mesure.
Cela ne change rien à la première recommandation de Vias: développer des infrastructures et des aménagements routiers permettant d’assurer la sécurité des adolescents lorsqu’ils se déplacent à pied ou à vélo. «Il y a eu de gros progrès à Bruxelles, la situation s’améliore en Wallonie aussi. Les grandes villes passent au 30 km/h, les pistes cyclables se développent, mais tout cela prend du temps. Les situations les plus problématiques commencent à pointer hors agglomérations, notamment lorsqu’il faut rouler à côté de voitures qui vous dépassent à 90 km/h», déplore Benoît Godart.
Les Pays-Bas poussent aussi le casque
Une situation impensable aux Pays-Bas, paradis cycliste, où le casque n’est que rarement de sortie. Le vélo s’y vit comme une liberté, non casqué, dans un environnement sécurisé et adapté à la pratique. Une autre mentalité, qui se ressent aussi chez les automobilistes, eux-mêmes souvent cyclistes à d’autres moments, participant à rendre le partage de la route plus aisé.
Mais face à l’augmentation des décès de cyclistes sur la route, le pays a pourtant lancé une grande campagne de communication au début de l’année, incitant à se protéger la tête. Une action vouée à l’échec selon certains, mais permettant d’infuser progressivement l’idée selon laquelle le casque peut avoir son utilité. Certains publics sont davantage ciblés, notamment les seniors qui investissent désormais plus facilement la route grâce aux vélos électriques.
«C’est de la sensibilisation, mais nullement une obligation, et nous n’y voyons rien à redire, rappelle Luc Goffinet. Ce qu’il faut éviter, c’est de voir cette campagne comme un aveu d’échec. Si on écoutait certaines voix, le fait de ne pas porter de casque devrait provoquer des saturations dans les hôpitaux hollandais et remplir leurs cimetières de cyclistes. Malgré des millions de trajets quotidiens à vélo chez nos voisins, force est de constater que ce n’est pas le cas. Le casque n’est jamais la variable déterminante en matière de sécurité à vélo.»
Casqué ou pas, l’essentiel reste de savoir que la route tue, encore trop, également en Belgique. L’an dernier 87 cyclistes sont décédés après un accident, dont surtout des seniors en Flandre (23). «Une population qui a déjà davantage le réflexe de mettre le casque. Mais l’augmentation du nombre d’usagers crée forcément une probabilité plus forte d’enregistrer des accidents», explique le porte-parole de Vias.
Malgré ses données, Avello, comme d’autres, rappelle que l’impact positif du vélo sur l’espérance de vie compense les risques. Les bénéfices en matière de santé se marquent sur la diminution de certaines maladies, et même le fait de rouler en ville, dans la pollution, n’annule pas les bienfaits de la bicyclette. «Un problème pour lequel le vélo fait aussi partie de la solution, puisqu’en atteignant une masse critique de cyclistes, vous réduisez cette même pollution automobile. Tout est dans tout», conclut Luc Goffinet.