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Porsche fête ses 70 ans: Retour sur l’histoire d’une marque de légende

Urbain Vandormael
Urbain Vandormael Spécialiste voitures  

Ce week-end, Porsche fête son 70e anniversaire. Propriétaires et fans du monde entier se rassemblent à Stuttgart pour témoigner de leur attachement à la marque légendaire et se souvenir. L’occasion pour notre confrère de Knack de revenir sur l’histoire mouvementée de Porsche.

Il n’y a pas de conducteur-type de Porsche. Par exemple, Jacky Ickx a gagné sa vie avec ces voitures, et la marque Porsche a rendu James Dean immortel. Ce que l’on sait moins c’est que le roi Baudouin possédait une Porsche 356, immatriculée 3127. Roulait-il vite? L’histoire ne le dit pas.

Le roi Baudouin en Porsche 356
Le roi Baudouin en Porsche 356© /

Par contre on sait que d’autres têtes couronnées ont trouvé le chemin de l’usine Porsche à Zuffenhausen. Plusieurs cheiks ont même entretenu une liaison aérienne entre leurs domaines et Stuttgart pour acheminer leurs voitures. Il paraît que certaines de ces altesses ne maîtrisaient pas le moteur super puissant de leur bolide. D’ailleurs, les instructeurs du circuit-test de Porsche à Weissach parlent encore de leurs moments d’angoisse aux côtés des puissants de ce monde, mais sans citer de noms.

Les concessionnaires Porsche respectent en effet la vie privée de leurs clients. De leurs histoires, on ne peut que faire des déductions telles que les conducteurs Porsche sont majoritairement de sexe masculin et âgés de 45 ans ou plus. Il s’agit de personnalités fortes et motivées, qui ont la volonté de réussir ce qu’elles entreprennent.

Pour elles, rouler en Porsche est un signe de réussite personnelle, un cadeau qu’elles se font à elles-mêmes. La passion pour la vitesse ainsi que l’historique et l’héraldique de la famille jouent bien évidemment un rôle. La fidélité à la marque est, quant à elle, légendaire : Porsche un jour, Porsche toujours! C’est devenu d’autant plus véridique depuis que la marque de voitures de sport a étendu sa gamme et vend de plus en plus de SUV.

Tel père, tel fils

L’histoire de Porsche remonte au 3 septembre 1875, jour de la naissance de Ferdinand Porsche à Maffersdorf en Autriche. Ce troisième fils de ferblantier est surdoué et animé par un besoin de se faire valoir presque maladif. Il considère l’école comme une perte de temps. Le jeune Ferdinand n’a qu’un but : impressionner le monde par ses connaissances techniques.

À 22 ans, il est nommé chef de département du Vereinigten Elektrizitäts-AG Béla Egger à Vienne, et trois plus tard sa voiture hybride à traction intégrale est la vedette de l’Exposition universelle de Paris en 1900. Toujours d’actualité, sa technologie développée il y a 118 ans illustre bien la pensée visionnaire du jeune Autrichien.

Porsche fête ses 70 ans: Retour sur l'histoire d'une marque de légende
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Après quelques détours, il se retrouve chez Daimler-Benz à Stuttgart, mais la collaboration ne fait pas long feu. En 1928, le technicien entêté est mis à la porte. Il utilise son parachute doré pour lancer un bureau de design, dans la cave de sa villa, située au Feuerbacher Weg 48. Avec son fils Ferry et son gendre Anton Piëch, il accepte de développer « une voiture du peuple allemand ». Le résultat, la Coccinelle VW, entrera dans l’histoire et fera la renommée internationale du clan Porsche.

Coccinelle améliorée

Après la Seconde Guerre mondiale, son fils Ferry retourne à Gmünd, en Autriche où le reste de la famille a passé les années de guerre. Il y fonde le Porsche Konstruktion GmbH et profite de la petite scierie de sa soeur Louise pour assembler une future voiture de course et accomplir le rêve du richissime entrepreneur italien Piero Dusio. Les bénéfices servent à financer le retour de son père, alors âgé de 72 ans, et de son beau-frère emprisonnés en France, après leur condamnation pour collaboration avec le régime nazi.

Ferry Porsche avec la Porsche 356 et la Coccinelle VW.
Ferry Porsche avec la Porsche 356 et la Coccinelle VW. © /

Un an plus tard – nous sommes le 8 juin 1948 – Ferry Porsche présente un petit coupé, sobre en tôle, composé de pièces de la Coccinelle. Les journalistes automobiles traitent la première Porsche 356 de « Coccinelle améliorée », qui n’a pas l’ombre d’une chance contre les bolides fuselés des constructeurs britanniques et italiens de l’époque. Ferry Porsche prend les critiques à coeur et déplace le petit moteur Boxer refroidi par air à l’arrière et ajoute deux carburateurs Solex pour plus de puissance. Une légende est née.

Au début des années 50, comme la petite scierie à Gmünd n’est pas apte pour produire des voitures en série, le clan Porsche déménage pour la deuxième fois d’Autriche en Allemagne, cette fois vers la banlieue de Stuttgart. Suite à la hausse rapide de la demande, la nouvelle usine à Zuffenhausen s’avère vite trop petite. Le fabricant de voitures de sport se voit obligé de déléguer une partie de la production à une série de carrossiers étrangers, dont le Bruxellois D’Ieteren. Au début des années 60, ce dernier assemble plus de 700 exemplaires de la 356 roadster. Cette collaboration conduit à une amitié solide entre les familles D’Ieteren et Porsche/Piëch.

Le chiffre porte-bonheur 911

En 1964, Porsche vis dans le mille avec la 911. Contrairement à la 356, la Porsche 911 est applaudie sans réserve. Le design élégant d’Alexander, le fils de Ferry, rayonne de sportivité et de puissance masculine. Les premiers prototypes portaient la description type ‘901’, mais à la demande de Peugeot, le nouveau modèle est rapidement rebaptisé ‘911’. C’est le début d’une success story qui ne s’est jamais démentie. Aujourd’hui encore, la 911 est le modèle emblématique de Porsche.

Alexander Porsche a dessiné la 911.
Alexander Porsche a dessiné la 911. © .

L’homme de 100 millions

Cependant, ce n’est pas parce qu’on construit une voiture de sport fascinante que tout va bien. Dès le milieu des années ’80, la situation financière du constructeur automobile allemand tourne à la catastrophe. En 1992, les banques menacent même de fermer le robinet à crédit si on ne nomme pas rapidement un manager compétent pour mettre bon ordre à la situation. Le choix tombe alors sur Wendelin Wiedeking, âgé de 40 ans, diplômé en construction de machines, et surtout un novateur. En lieu et place d’un salaire confortable, le nouveau grand patron négocie une participation dans les bénéfices de 0,9%. Les familles actionnaires, Porsche et Piëch, lui donnent également carte blanche pour faire place nette.

Lors de son entrée en fonctions en 1993, Porsche produit moins de 15.000 voitures de sport par an, et la valeur marchande l’entreprise est de 300 millions d’euros. Quinze ans plus tard, en 2008, Wiedeking a fait de Porsche le constructeur automobile le plus rentable du monde, et de lui-même le manager autos le plus mieux payé, avec un revenu annuel de 100 millions d’euros. Les familles d’actionnaires paient avec plaisir : plus le salaire de Wiedeking est élevé, plus les bénéfices de l’entreprise familiale sont importants.

En 2009, Wendelin Wiedeking est contraint de démissionner, après l’échec d’un raid du Porsche Automobil Holding SE sur les actions du groupe automobile Volkswagen AG. La lutte de rachat entre David et Goliath fait la une de l’actualité pendant des mois et est finalement tranchée en faveur de Volkswagen. La démission de Wiedeking intervient après que Ferdinand Piëch, président du conseil de surveillance de Volkswagen AG, prend ses distances suite à des infos à propos de spéculations boursières douteuses parues dans les médias. Une longue lutte juridique entre la justice allemande, la direction de Porsche et quelques actionnaires s’ensuit. On les soupçonne d’être de mèche avec Wiedeking, mais la justice allemande ne trouve pas de preuves concrètes et acquitte les personnes visées de toute implication.

L'usine Porsche à Leipzig
L’usine Porsche à Leipzig © /

Ingénieur génial et visionnaire

Cet acquittement vaut donc aussi pour Ferdinand Piëch, né le 17 avril 1937 à Vienne, et troisième enfant de l’avocat Anton Piëch et de Louise Porsche, fille du père fondateur Ferdinand Porsche. Comme il est d’usage dans les familles aisées, Anton et Louise envoient leur fils Ferdinand dans un pensionnat suisse. Manifestement, la discipline de fer et l’air pur de la montagne lui font du bien, car après ses études secondaires, il part étudier la construction de machines à l’ETH à Zürich.

En 1963, son travail de fin d’études est récompensé d’un « cum laude » (distinction). Sa famille lui déroule le tapis rouge et le jeune ingénieur est engagé au département de développement de Porsche. Son premier projet est un succès. La Porsche 917 – une voiture de course de 1.100 chevaux – remporte presque toutes les courses d’endurance importantes en Europe et aux États-Unis. Piëch impose le respect grâce à son génie et son sens de la stratégie, mais en même temps son besoin de se faire valoir et son perfectionnisme lui attirent des inimitiés. Il s’entend à merveille avec son cousin Ferdinand-Alexander Porsche, un peu plus âgé que lui, et reconnu de tous pour son design de la Porsche 911, mais leur dynamisme dérange leurs oncles et tantes plus conservateurs. Ces derniers décident de ne plus attribuer les postes de direction aux membres de la famille, soi-disant pour éviter les conflits entre les clans Porsche et Piëch.

Du coup, Ferdinand Piëch quitte Porsche pour Audi NSU, entreprise que Daimler-Benz a vendue en 1965 pour une croûte de pain à Volkswagen. Sous la devise ‘Vorsprung durch Technik’ il fait de la marque à anneaux une marque premium.

Ursula et Ferdinand Piëch
Ursula et Ferdinand Piëch© /

En 1993, Ferdinand Piëch passe d’Audi à Volkswagen. Une lourde tâche l’attend : transformer la marque déficitaire en entreprise rentable. Une tâche qu’il accomplit avec brio. Les années qui suivent, Ferdinand Piëch se démarque de plus en plus comme l’homme fort, tant au sein du groupe Volkwagen que chez Porsche SE. Après une tentative de reprise avortée, le holding familial devient tout de même actionnaire majoritaire du plus grand constructeur automobile du monde. Signé Piëch, le deal enrichit encore davantage les familles Porsche et Piëch.

Le grand absent

L’entêtement du patriarche Piëch lui vaut de nombreux conflits avec ses neveux et nièces. Ursula Piëch, sa quatrième épouse et mère de trois de ses douze enfants, joue plus d’une fois le rôle de médiatrice. Mais plus elle apparaît comme un successeur possible, plus les familles se déchirent. La situation atteint son apogée en 2015 quand le clan Porsche choisit le côté de Martin Winterkorn dans le conflit autour des émissions truquées de diesel. Profondément vexé, le patriarche se retire de tous les conseils d’administration et vend ses actions Porsche SE d’une valeur estimée à un milliard d’euros à son frère Hans Michel.

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