Zones de basses émissions : " Nul ne sait si l'objectif de 2030 pourra être atteint. " © Jean-Luc Flémal/belgaimage

Automobile:  » Bruxelles est au niveau de la Roumanie! « 

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

 » Interdire le diesel et l’essence sans avoir d’infrastructures d’électromobilité est une politique destructrice pour le secteur et toute l’économie « , assure Luc Bontemps, patron de la Febiac, la fédération belge de l’automobile.

Que répondez-vous aux automobilistes qui peinent à s’y retrouver dans les différentes motorisations et les stratégies de  » verdisation  » des gammes ?

 » Que dois-je choisir ?  » Voilà la première question posée aujourd’hui par les clients. Ces temps d’incertitude ont des aspects positifs : les consommateurs veulent être mieux informés, ils sont nombreux à envisager l’achat d’un véhicule plus propre et plus économique, et il existe désormais une solution adaptée à chaque profil de conducteur. L’aspect négatif de cette époque de transition n’est pas le manque de transparence des produits, mais le flou des règles fiscales réparties entre divers pouvoirs publics. Le client ne sait pas, aujourd’hui, quel sort sera réservé à sa nouvelle voiture, investissement onéreux dont l’espérance de vie peut atteindre dix-sept ans.

La voiture de société accélère l’introduction de nouvelles technologies.

De gros rouleurs regrettent d’être passés à l’essence. Va-t-on assister à un redressement des achats de voitures diesel en Belgique ?

Après plusieurs années de chute vertigineuse des ventes de voitures diesel, on observe ces derniers mois un léger retour à la croissance. C’est logique : le rejet du diesel a été très radical et les consommateurs reviennent à la raison. Au diesel Euro 6 des nouveaux moteurs actuels succédera à l’horizon 2025 la norme Euro 7, encore plus performante. Tout automobiliste qui parcourt de nombreux kilomètres par jour ou transporte des charges lourdes aura pu constater qu’à puissance équivalente, un diesel consomme moins de carburant qu’un moteur à essence. Les émissions de CO2 s’en trouvent réduites. L’hostilité de la Région bruxelloise au diesel a de lourdes conséquences : l’automobiliste achète une voiture en tenant compte de sa valeur résiduelle, or cette valeur a beaucoup chuté pour les modèles diesel depuis la décision de bannir progressivement ce carburant de la capitale.

Les constructeurs automobiles se demandent si le consommateur sera au rendez-vous du big bang électrique. Une inquiétude compréhensible ?

Peu de secteurs ont adopté l’objectif européen zéro émission avec autant d’énergie et de ressources que l’industrie automobile. Les constructeurs investissent des milliards d’euros dans le développement de technologies plus propres, de véhicules électriques ou fonctionnant à l’hydrogène. La voiture électrique est attrayante et finira par convaincre. Mais les constructeurs devront continuer à investir aussi dans la technologie des moteurs à combustion, car l’électrification n’en est qu’à ses débuts. L’infrastructure qui permet d’utiliser un véhicule électrique est encore quasiment inexistante en Belgique. Autre souci : avec l’évolution rapide des batteries, une voiture électrique achetée en 2020, dotée d’une autonomie de moins de 200 kilomètres, risque d’être invendable dans quatre ans. D’où l’intérêt de passer par une société de leasing, qui portera le risque.

Une étude qualifie les voitures de société de système coûteux pour l’Etat et nuisible pour la mobilité et l’environnement. Va-t-on vers la fin de ce système ?

On perd de vue le fait que la voiture de société, avec sa rotation rapide, accélère l’introduction de nouvelles technologies et écologise ainsi le parc automobile. Si les véhicules électriques et hybrides rechargeables commencent à faire une percée, c’est surtout parce que des entreprises incluent ces modèles dans leur flotte. Leur choix prend en compte l’intégralité des coûts de détention pendant la période d’utilisation d’un véhicule. Le prix catalogue plus élevé d’une voiture électrique ou plug-in hybride est donc un obstacle moins infranchissable pour les entreprises que pour la grande majorité des particuliers.

Luc Bontemps :
Luc Bontemps :  » Il y a de quoi être inquiet quand on voit le temps qu’il faut pour installer des bornes de chargement. « © Danny Gys/reporters

Qu’est-ce qui vous incite à penser que les flottes des sociétés vont basculer peu à peu vers l’électrique ?

Les perspectives sont positives : tout indique que le prix des batteries va baisser, tandis que le choix des modèles va s’élargir. Reste qu’une entreprise poursuit un but économique. Le coût d’utilisation et l’efficacité du véhicule sont pour elle des éléments clés. Une firme soumise à la concurrence ne peut se permettre de perdre du temps lors de la recharge des batteries. Les entreprises appelées à conclure de nouveaux contrats pour leur flotte automobile doivent avoir des garanties claires que l’infrastructure de charge suivra. Dans le même temps, les parkings des entreprises devraient être équipés de panneaux solaires pour la recharge de leur flotte électrique.

Quel avenir pour les carburants synthétiques, le CNG, l’hydrogène ?

Le carburant synthétique composé d’électricité verte et de CO2 capté dans l’atmosphère est une technologie prometteuse. Le CNG a aussi un potentiel. En Italie, un tiers du parc automobile roule au gaz naturel compressé. Mais la Belgique a raté ce train-là : les pouvoirs publics n’ont pas soutenu en temps voulu l’installation de cette énergie et l’automobiliste, lui, était alors scotché au diesel, bon marché. Pas sûr que le CNG, combustible fossile, ait toujours sa place sur le marché belge, compte tenu du basculement prévu vers la propulsion électrique. L’hydrogène est une technologie d’avenir pour l’industrie automobile et peut-être aussi pour les secteurs aérien et maritime : le fait que l’énergie puisse être stockée sous une forme légère et un volume relativement réduit est un atout majeur. Encore faut-il qu’il y ait suffisamment d’électricité renouvelable disponible pour produire cette énergie de manière respectueuse pour l’environnement.

Bruxelles a décidé de bannir le diesel de la Région en 2030 et l’essence en 2035. Qu’en pensez-vous ?

L’interdiction des voitures diesel et essence a été annoncée tambour battant par l’exécutif bruxellois, puis on a appris qu’il y aurait une étude de faisabilité. Cela crée de l’incertitude, et même de la panique, car nul ne sait aujourd’hui si l’objectif pourra être atteint. Il est tout à fait justifié que les politiciens contribuent à la promotion de la mobilité zéro émission, mais il y a de quoi être inquiet quand on voit le temps qu’il faut pour installer quelques bornes de chargement à Bruxelles. La Région ne compte que dix-sept bornes publiques ! L’ambition est d’en installer un millier, ce qui est encore très insuffisant. Interdire le diesel et l’essence sans avoir ces infrastructures est une politique destructrice pour le secteur automobile et toute l’économie.

Les limites d’émissions de CO2 des voitures neuves vendues en Europe seront drastiques pour les constructeurs d’ici à 2030. Dans dix ans, la fin du moteur thermique ?

Il est clair que l’Europe veut être pionnière en mobilité électrique. Cela ne signifie pas qu’il n’y aura plus que des voitures électriques en rue dans dix ans. Plus de 93 % des voitures neuves achetées en Belgique ont un moteur diesel ou essence. Une voiture vendue aujourd’hui a une espérance de vie d’environ dix-sept ans. Cela nous mène bien au-delà de 2030.

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