Juliette Debruxelles

Les applis de rencontres, c’est vraiment devenu la loose

Des utilisateurs qui fuient par milliers, des cours de Bourse qui chutent, des arnaques et des faux profils à la pelle, les applis de rencontres, c’est vraiment devenu la loose.

Nos pouces fatiguent plus vite que nos cœurs. Parlez des apps de rencontre à n’importe quel adulte inscrit et vous verrez les yeux rouler dans leurs orbites. C’est la loose. Les courbes boursières des géants de la rencontre en ligne ressemblent désormais à des montagnes russes postrupture: Match Group –détenteur du plus grand portefeuille mondial de services de rencontres en ligne– vaut à peine un cinquième de sa valeur d’il y a trois ans. Tinder a perdu plus d’un tiers de ses utilisateurs mensuels depuis son pic de 2020. Bumble, lui, enchaîne les trimestres de baisse d’abonnés payants et recule en Bourse. Le «marché de l’amour» est en panne de désir.

Pendant ce temps, les régulateurs serrent la vis. Depuis le 9 avril, Google n’autorise la pub «rencontres et compagnonnage» qu’aux services dûment certifiés et interdit explicitement les profils ou chatbots générés par intelligence artificielle sans divulgation «claire et visible». Autrement dit: si votre tunnel de séduction repose sur des avatars synthétiques, attendez-vous à un grand vent de solitude cet automne.

Mais derrière les chiffres et les gros sous, il y a les gens. Pourquoi décroche-t-on? D’abord parce que la fatigue est réelle. Trop d’options, trop de messages, trop de faux profils, pas assez de résultats. Les femmes, surtout, dénoncent le flux incessant, la qualité inégale des approches et l’usure d’être «en vitrine». Tout le monde a peur de devenir la nouvelle victime d’un faux Brad Pitt. La romance avec hameçonnage dans les applis de rencontre reste un eldorado pour fraudeurs: les pertes liées aux «romances scams» sont parmi les plus élevées des arnaques d’imposture. Toujours sympa de se retrouver ruiné quand on voulait juste roucouler.

Il faudra peut-être retrouver le courage de dire bonjour avant de swiper, inviter avant de liker.

Les hommes, eux, vivent également un paradoxe moins commenté: plus «romantiques» qu’on ne le croit, ils tombent amoureux plus vite et disent «je t’aime» les premiers, mais se heurtent à une compétition darwinienne et à un taux de rejet très élevé. Une recherche récente sur 808 jeunes adultes dans 33 pays montre que les hommes déclarent tomber amoureux environ un mois plus tôt que les femmes. D’autres travaux confirment qu’ils confessent l’amour en premier. Joie de les savoir munis d’un cœur tendre, mais attention à ne pas confondre la chose avec une volonté d’engagement durable.

Alors quoi? Vers qui se tourner quand on se résigne à penser qu’on ne rencontrera pas l’amour de sa vie lors d’un dîner? On fait comme pour tout le reste: on demande à ChatGPT! Parler de l’IA comme une alternative possible aux rencontres entre humains est dans l’air étouffant du temps. Sans en être (pour le moment) à l’avènement des clones amoureux, selon l’étude «Singles in America 2025», environ un quart des célibataires disent déjà utiliser l’IA pour rédiger, filtrer ou optimiser leur profil sur les applis, soit une hausse de 333% en un an. Chez les plus jeunes, l’usage grimpe encore, tandis qu’une majorité de Gen Z reste ambivalente sur le rôle des assistants trop intrusifs.

Tout ça commence à sentir l’hiver en solitaire avec une bonne série d’épisodes Netflix plutôt qu’un chapelet d’orgasmes… Mais qu’on se rassure: si les applis déclinent, elles ne disparaîtront pas (au risque de faire exploser le taux de frustrations de la population). Elles deviendront simplement des intermédiaires modestes, tenus de dire quand un profil est synthétique, de mieux lutter contre la malhonnêteté et d’assumer que l’algorithme n’est pas une agence matrimoniale. Et de notre côté, il faudra peut-être retrouver le courage de l’IRL (In real life, comme disent les jeunes humains): dire bonjour avant de swiper, inviter avant de liker, préférer une microattention vraie à 1.000 microconnexions tièdes.

Finalement, l’amour reste une technologie low latency: rien ne remplace la présence.

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