L'archéologue Jean Guilaine

Jean Guilaine, archéologue: «On fait face aux mêmes défis que les Néolithiques»

L’archéologue Jean Guilaine remonte aux origines de la sédentarisation pour démontrer comment les défis contemporains trouvent leurs racines dans cette période cruciale où l’humanité s’est structurée autour des premiers villages et des premières formes de hiérarchie.

Un monde instable, incertain, traversé de crises climatiques, sociales et sanitaires. Et si, pour mieux comprendre notre époque, il fallait se tourner vers nos ancêtres du Néolithique, cette période charnière de la Préhistoire débutant il y a environ 10.000 ans, durant laquelle l’humanité abandonne progressivement son mode de vie nomade pour se sédentariser et développer l’agriculture et l’élevage? C’est l’hypothèse audacieuse et éclairante de l’archéologue Jean Guilaine, professeur émérite au Collège de France, figure emblématique des études préhistoriques, et auteur d’une œuvre abondante, aussi érudite qu’accessible. Dans son dernier ouvrage, Les Néolithiques et nous. Sommes-nous si différents ? (1), il remonte aux origines mêmes de la sédentarisation humaine pour démontrer que les défis contemporains, guerres, inégalités, crises environnementales, ont leurs racines profondes dans cette période cruciale où l’humanité s’est structurée autour des premiers villages et des premières formes de hiérarchie. A rebours d’une nostalgie facile, il montre comment la révolution néolithique, loin d’être un paradis originel, fut le théâtre précoce des inégalités sociales, des tensions genrées et de perturbations écologiques initiées par l’homme. En relisant ainsi notre histoire longue, Jean Guilaine éclaire d’une lumière neuve les crises d’aujourd’hui, soulignant que comprendre ce passé lointain est éclairant pour appréhender l’avenir.

Vous soutenez une thèse forte: en somme, la plupart des menaces auxquelles nous devons faire face aujourd’hui ont déjà été affrontées par nos ancêtres au Néolithique… Qu’entendez-vous par là?

Nous vivons dans un monde instable, souvent dangereux et à l’avenir incertain. Les changements climatiques nous imposent des réadaptations consécutives à la remontée des eaux marines, aux réchauffements générateurs d’incendies, à la baisse des nappes phréatiques, à la fonte de la banquise. Des conflits se déroulent en plusieurs points du globe: Ukraine, Gaza, Liban, Iran et Israël, Soudan, pour n’évoquer que les plus «visibles». Les fondamentalismes tentent d’imposer leur dogmes de façon insidieuse ou à visage découvert. Les inégalités sociales prospèrent. Maladies et épidémies font régulièrement des ravages. Cette avalanche d’épreuves engendre tout naturellement inquiétude et perplexité sur nos projections de lendemains. Il est alors tentant de chercher dans un antérieur révolu des modèles de réconfort, d’idéaliser le passé, de trouver dans celui-ci des qualités depuis disparues. En ouvrant le dossier de l’archéologie du Néolithique, c’est-à-dire en remontant aux origines mêmes des sociétés sédentaires, des premiers villages, je tente de démontrer que nos semblables ont dû très tôt affronter les mêmes difficultés que celles que nous traversons.

Précisément, qu’est-ce que cette «révolution néolithique» a changé, fondamentalement, dans la place de l’homme dans la nature et des hommes entre eux?

On appelle «révolution néolithique» la progressive transformation des sociétés  débutée il y a environ 10.000 ans: en  abandonnant dès lors un genre de vie mobile, en vivant désormais à plusieurs familles dans des localités pérennes, en assurant leur alimentation par des végétaux et des animaux désormais domestiques, les humains sont entrés dans une étape de leur histoire aux racines mêmes de notre monde. La vie économique et sociale en a été profondément modifiée: gestion de la production céréalière et des troupeaux, mise en place de certains codes sociaux, relations de voisinage, liens intercommunautaires, organisation d’échanges à diverses échelles, etc. Cette métamorphose dans les façons de vivre s’étant produite dans quelques épicentres où poussaient naturellement des espèces domesticables (Proche-Orient, Chine, Mexique, Andes, plus tard Afrique), ce système agro-pastoral, une fois rodé, s’est naturellement diffusé vers des périphéries de plus en plus lointaines. Les déplacements d’individus vecteurs des recettes de l’agriculture et de l’élevage ont engendré des transferts de gènes, d’idiomes nouveaux, des processus de conquête ou d’acculturation, des transferts de maladies, etc. Les «néolithisations» ont changé la face du monde.

Ce qui frappe aussi, dans votre livre, c’est l’écho avec des tensions culturelles contemporaines…

Effectivement, mon ouvrage a pour ambition de montrer que la plupart des comportements humains tout au long de l’histoire sont répétitifs et que l’on peut faire remonter leur origine à la préhistoire néolithique, donc bien avant les exemples livrés par les relations écrites. Dès cette lointaine époque, on constate que les dominants usent de divers stratagèmes pour conserver le pouvoir, se démarquer du commun et entretenir par divers artifices leur position sociale. J’évoque même le cas d’élites irlandaises pratiquant une endogamie sinon des relations consanguines pour éviter tout risque de mésalliance avec le commun! Plus généralement, on observe, dès le Néolithique, les mêmes questionnements et les mêmes tensions qui ébranlent les sociétés d’aujourd’hui: les inégalités sociales, les attitudes de domination dans les relations entre sexes, les agressions humaines sur l’environnement, les problèmes consécutifs aux changements climatiques, les confrontations guerrières. Les seules différences sont, bien entendu, les changements d’échelle et d’ampleur de ces manifestations. Pour autant les parallèles sont évidents.

Voulez-vous dire que les sociétés néolithiques ont connu, très vite, la stratification sociale, les hiérarchies, les inégalités?

La première société paysanne s’est très tôt hiérarchisée. En Europe, dès le Ve millénaire avant notre ère, certains dominants sont clairement identifiés dans la nécropole de Varna (Bulgarie): ces «dirigeants» sont gratifiés dans la mort d’une accumulation de «richesses» (armes, céramiques, parures d’or) et du sceptre, insigne de leur pouvoir. A la même époque des tumulus géants sont bâtis en Bretagne pour abriter les sépultures des puissants locaux: leur équipement  funéraire associe des haches de pierre polie d’une qualité exceptionnelle, fabriquées dans un  matériau importé des Alpes, à des colliers de variscite (un minéral vert) d’origine andalouse. Les commanditaires de ces pièces d’apparat disposaient donc du prestige nécessaire pour  faire convoyer ces produits sur des centaines de kilomètres. La pyramide sociale ne cessera de s’accentuer tout au long des temps néolithiques. Le point d’orgue semble atteint en Chine, lors du IIIe millénaire avant l’ère commune: on y évoque déjà, dans certaines régions, de véritables monarchies installées à la tête de petits Etats à forte population.

Vous consacrez un chapitre à ce que vous appelez, avec malice, une forme de «cancel culture»: statues abattues, symboles effacés. Le Néolithique connaissait déjà ces questions qui animent le débat aujourd’hui?

La «cancel culture» vise notamment à l’effacement des traces de toute culture dont on souhaite faire disparaître les manifestations symboliques. L’histoire regorge d’exemples où des emblèmes, des insignes, des représentations sont éliminés par les nouveaux maîtres politiques. Qu’on se souvienne du déboulonnage des statues de Lénine ou de Staline lors du démantèlement de l’URSS, plus récemment de la destruction des effigies du père et du fils Assad lors du changement de régime survenu en Syrie. Or le processus n’est pas nouveau car, dès le Néolithique, l’on trouve des témoignages de monuments sacrés qui furent, par la suite, détruits par suite de ruptures idéologiques. Ainsi, au Ve millénaire, les populations armoricaines dressèrent de hautes stèles de gneiss portant divers motifs gravés ou sculptés dont la signification nous échappe mais qui, pour elles, faisaient sens. A quelque temps de là, ces monolithes furent abattus, «désacralisés», et leurs fragments réutilisés en qualité de simples matériaux de construction dans l’édification de tombes mégalithiques. 

Vous décrivez des cadavres féminins jetés parmi les déchets. Ces données glaçantes vous conduisent à parler de «rapts», de «servitude». Que nous apprennent-elles sur le genre et le statut des femmes au Néolithique?

Ne rêvons pas en pensant que les temps préhistoriques étaient idylliques. La situation des femmes ne semble pas avoir été enviable, tout au moins pour certaines d’entre elles. Dans la civilisation «chasséenne» du sud de la France, vers 4.000 avant notre ère, on observe deux types de sépultures féminines. Certaines femmes ont été mises en terre dans la nécropole de la communauté et sont dotées d’un mobilier funéraire (céramiques, parures) qui laisse penser qu’il s’agit des épouses des mâles de la localité. De plus, la disposition de leur corps, placé jambes fléchies, correspond clairement à la norme  rituelle d’agencement des dépouilles à cette époque. A l’opposé, on observe que les cadavres d’autres individus, et, essentiellement des femmes, ont été jetés sans ménagement, comme de vulgaires ordures, dans des silos désaffectés et réutilisés en poubelles à détritus. Contrairement au premier modèle évoqué, on a affaire dans ce cas à des subalternes, à des déclassées qui, non seulement n’ont pas eu droit à une sépulture décente avec application de la norme rituelle due aux défunts, mais qui n’ont bénéficié d’aucun égard lors de leur décès. L’idée qu’il pouvait s’agir d’esclaves ne peut être écartée.

Vous évoquez aussi des enlèvements, des rapts de femmes. Cette hypothèse est-elle crédible? Quelle était leur destinée?

La vraisemblance du rapt de femmes est bien réelle. Sur plusieurs sites du premier Néolithique de l’Europe tempérée, vers 5.000 avant notre ère, sur lesquels on a pu reconnaître l’existence de massacres consécutifs à des confrontations entre localités, on a observé que les victimes de ces conflits ont été essentiellement des mâles. Les femmes manquent à l’appel: sans doute ont-elles été amenées comme prisonnières par les assaillants. Ces rapts ne nous disent pas quel a été ensuite leur sort: mariées de force à leurs agresseurs, objets sexuels à leur disposition, réduites en esclavage et contraintes à une dure vie de labeur au service de leurs ravisseurs.

Votre livre consacre aussi un développement à l’hypothèse de ce qu’on pourrait appeler le «patriarcat originel». Quelle forme prenait-il à l’époque? Et que dit-il de la nôtre?

Cette question est d’autant plus intéressante qu’une théorie avancée au XIXe siècle laissait entendre que les communautés néolithiques étaient essentiellement gérées par les femmes. On évoquait un  stade «matriarcal» par lequel serait passée l’humanité. L’archéologie d’abord, la génétique ensuite, ont fait table rase de telles hypothèses. L’analyse de plusieurs nécropoles néolithiques a montré que les hommes ont vécu sur les mêmes territoires au fil des générations. C’est donc que les fils héritaient de la terre, la richesse matérielle de l’époque, et que, devenus pères à leur tour, ils la transmettaient à leurs rejetons mâles. Les épouses, à l’inverse, étaient originaires d’autres contrées, proches ou lointaines, comme en témoigne leur codage génétique. Les mariages fonctionnaient donc selon des coutumes d’exogamie et de patrilocalité. Les filles sont souvent peu représentées dans certains cimetières: sans doute ont-elles été mariées à des «étrangers» et ont quitté leur famille. Tout ceci démontre  que les racines de la domination masculine remontent bien avant l’Antiquité. Les combats contemporains pour la parité ont encore bien des cloisons à abattre tant l’ancrage du système est plurimillénaire.

A rebours de toute nostalgie, vous montrez que les inégalités genrées sont anciennes. Cela change-t-il notre manière de penser les questions d’égalité, voire le féminisme aujourd’hui?

Les inégalités entre sexes trouvent également un écho dans le domaine politique et symbolique. Dans toute l’Europe du Sud, aux IIIe et IVe millénaires, ont été érigées des statues qui sont, avec les petites figurines, les seules représentations humaines dont nous disposons pour cette époque. Une analyse sociale de ces œuvres rustiques donne des clés de compréhension sur la façon dont pouvaient être codées les fonctions de chaque sexe. Les hommes sont figurés en détenteurs d’armes. Autrement dit, ils ont droit à des instruments de guerre ou de chasse, activités qui peuvent leur conférer du prestige, à tout le moins une forme de considération parmi les membres de la localité. En revanche, les femmes sont exclues des armes, c’est-à-dire qu’on leur refuse la possibilité d’estime collective par ce canal. On les représente parées de colliers et seins nus. Ces motifs renvoient donc à la séduction, à la beauté du corps, à l’allaitement, au biologique, à l’anatomie. Avec les armes, les hommes sont symbolisés dans le mouvement, le dynamisme, l’«extériorité». Les femmes sont connotées par des repères renvoyant au corps, à l’intime, au gynécée, au domestique, à l’«intériorité». Le sens transmis par ces statues n’est donc pas innocent: il catégorise clairement la sphère de chaque sexe.

Ce contraste très marqué dans la représentation des sexes semble-t-il encore présent dans nos sociétés contemporaines?

Aujourd’hui encore certains objets manipulés (outils, vêtements, parures) suscitent inconsciemment en nous des représentations mentales genrées tant nous sommes façonnés par un certain formatage culturel.

Votre chapitre sur les catastrophes naturelles, sécheresses, tsunamis, montées des eaux, fait écho de manière troublante à l’actualité. L’Anthropocène, d’une certaine manière, commence-t-il en réalité au Néolithique?

Les catastrophes naturelles sont de tous les temps et donc les premières communautés villageoises ont dû également les subir. Prenons le cas du rehaussement du niveau des mers et des océans, qui est l’un des défis auxquels nous sommes et serons toujours davantage confrontés. Les risques d’ennoiement du territoire de certaines communes de France des façades atlantique et méditerranéenne sont évidents à moyen terme. Ces exhaussements des plans d’eau ne sont heureusement pas brutaux mais progressifs et laissent donc un temps de répit aux humains pour s’organiser. Certes, au Néolithique, les populations ont déjà été soumises à de tels aléas, d’autant plus que le tracé des côtes ne cessait de se modifier en raison du réchauffement postglaciaire alors à l’œuvre. Elles constataient bien que la mer grignotait peu à peu leur territoire et qu’elles étaient contraintes de battre  en retraite. C’est la raison pour laquelle nous découvrons aujourd’hui des sites néolithiques «engloutis» par la montée des eaux.

Peut-on vraiment considérer que ces modifications environnementales du Néolithique annonçaient déjà l’Anthropocène?

On peut donner à l’Anthropocène une définition variable selon qu’on le considère comme un processus directement lié à notre monde contemporain ou qu’on l’envisage dans la longue durée historique. Dans le premier cas, on le date de la révolution industrielle des XVIIIe-XIXe siècles, moment où ont commencé de se manifester de façon significative les effets des actions humaines sur les écosystèmes. Certains auteurs font même remonter les débuts de l’Anthropocène jusqu’au milieu du XXe siècle lorsque se conjuguent premiers essais nucléaires, accentuation des déforestations, surexploitation des milieux géologiques et hydrauliques, tous ces facteurs contribuant fortement au développement de l’effet de serre. En revanche, si l’on se place dans une perspective plus globale de longue durée, on peut considérer que les prémices de l’Anthropocène remontent au Néolithique, période au cours de laquelle les humains ont commencé à modifier leur environnement pour satisfaire certains besoins en matériaux ou subvenir à leur alimentation: déforestation par incendies, élevages bovins générateurs de gaz polluants, champs irrigués libérant du méthane, érosion des sols consécutifs à une agriculture intensive, etc. Sans doute les effets de ces perturbations humaines furent-ils un temps assimilés par l’environnement.

Vous évoquez l’épisode climatique de -6.200, qui a bouleversé l’implantation humaine. Vous montrez que les Néolithiques ont dû fuir, se réorganiser. Peut-on déjà parler de migrations climatiques au sens où l’on entend aujourd’hui?

Il y eut des péjorations climatiques lors du Néolithique c’est-à-dire des dégradations des conditions et l’épisode 6.200 avant notre ère en est une. Due au déversement dans l’océan Atlantique des eaux froides stockées, après la fonte des glaces postglaciaires, dans des lacs au niveau du Canada et dont les barrages ont fini par céder, cette intrusion brutale a contrarié l’influence adoucissante des courants océaniques dont l’Europe bénéficiait. Il en a résulté une baisse des températures sur notre continent. Mais les effets de cet épisode n’ont pas été partout identiques. Ils ont en tout cas déstabilisé les populations. Ainsi, certains établissements du Proche-Orient furent-ils abandonnés en raison d’une aridité accrue entraînant des déplacements vers des régions plus humides ou des reconfigurations vers une économie plus mobile (pastoralisme). En Méditerranée occidentale où, vers -6200, l’agriculture n’était pas encore présente, certaines populations de chasseurs-cueilleurs ont réorienté leur économie vers une plus grande exploitation des ressources marines.

L’un des points forts du livre est la question de la démographie. La sédentarité a entraîné une explosion des naissances, dites-vous. Qu’est-ce que cette «pression démographique» a changé dans l’organisation des sociétés humaines?

A partir du Néolithique, l’humanité connaît un véritable boom démographique. Dès que les populations se sédentarisent et exploitent des plantes et animaux domestiqués, leur nombre augmente rapidement malgré les pics de mortalité liés aux maladies issues de la proximité avec les animaux domestiques. Cette pression favorise l’apparition de regroupements urbains dès le IVe millénaire en Orient, et plus tardivement en Europe, où prédomine encore longtemps le modèle villageois. La ville introduit alors la spécialisation des activités (agriculteurs, artisans, marchands, ingénieurs, scribes, prêtres) ainsi que l’apparition de hiérarchies sociales avec des groupes dominants vivant à l’écart dans des quartiers privilégiés. Ces agglomérations deviennent aussi des lieux majeurs d’échanges, de circulation des idées et des biens. En Chine, dès le IIIe millénaire, certaines villes atteignent plusieurs centaines d’hectares avec une élite sociale installée dans des palais et enterrée dans de riches nécropoles séparées du commun des habitants.

Quelles sont les grandes leçons que vous tirez de votre étude? Cela vous rend optimiste quant à l’avenir?

La première leçon est d’ordre méthodologique: même sans sources écrites (apparues tardivement vers -3.000 en Egypte), l’archéologie permet aujourd’hui une véritable démarche historique. Sur le fond, mon étude révèle que les grandes épreuves de nos sociétés modernes (guerres, domination, inégalités, pollutions, maladies) ne sont pas nouvelles, elles apparaissent dès la sédentarisation. La source constante de ces crises est l’homme lui-même: destructeur de l’environnement, exacerbé dans son désir de domination, générateur d’inégalités et de maladies nouvelles dans des milieux artificialisés. Je reste optimiste face aux efforts conjoints actuels (écologiques, sociaux, médicaux ou diplomatiques), mais tout dépendra d’une éducation sans relâche vers davantage de responsabilité morale. L’avenir dépend entièrement de notre capacité à construire rationnellement le monde dans lequel nous souhaitons vivre.

les racines de la domination masculine remontent bien avant l’Antiquité. Les combats contemporains pour la parité ont encore bien des cloisons à abattre tant l’ancrage du système est plurimillénaire.

En filigrane, vous semblez suggérer que, en somme, il n’y a pas eu de «paradis» originel, pas d’âge d’or à regretter. A ceux qui pensent que le passé est un refuge, que répondez-vous?

Il n’a point existé de paradis originel et les faits archéologiques constatés me donnent raison. Les humains ont besoin de mythes, de rêves pour chasser de leur esprit les tourments du quotidien. Ils créent donc dans leur tête un monde idéal qu’ils placent dans de lointaines origines: un paradis perdu dont il faudrait, pour vivre heureux, retrouver les codes. Il s’agit là de pure représentation mentale, une façon d’exorciser les problèmes en se référant à un refuge, le passé artificiel. On ne doit pas se bercer d’illusions car ce n’était pas mieux «avant». De tous temps, l’humanité a dû affronter diverses épreuves et il en sera toujours ainsi. Mais comme elle est très souvent la cause même de ses propres désastres, il ne lui reste qu’à trouver les chemins de la sagesse et de la raison pour s’en défaire.

(1) Les Néolithiques et nous. Sommes-nous si différents?, par Jean Guilaine, Odile Jacob, 240 p.
«On ne doit pas se bercer d’illusions car ce n’était pas mieux «avant». De tous temps, l’humanité a dû affronter diverses épreuves et il en sera toujours ainsi.»

Bio express

1936

Naissance à Carcassonne.

1978

Fonde le Centre d’anthropologie des sociétés rurales.

1994

Professeur au Collège de France, titulaire de la chaire de «Civilisations de l’Europe au Néolithique et à l’âge du bronze».

1999

Chevalier de la Légion d’honneur.

2011

Elu à l’Académie des inscriptions et belles-lettres.

2021

Publie Femmes d’hier (Odile Jacob).

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