
Avocat, un métier encore trop peu accessible aux minorités
Longtemps dominée par une élite masculine blanche, la profession d’avocat en Belgique amorce une évolution vers plus de diversité. Si la parité entre hommes et femmes progresse, la représentation des minorités, qu’elles soient ethniques, culturelles ou sociales, demeure insuffisante dans le milieu des avocats. Plusieurs initiatives, tant publiques que privées, œuvrent désormais à promouvoir la diversité et à corriger les inégalités structurelles au sein de la profession.
Longtemps, la profession d’avocat a été un domaine réservé aux hommes blancs, plutôt âgés. Mais les lignes commencent à bouger. Depuis 2018, les femmes représentent plus de la moitié des avocats inscrits au barreau belge francophone et germanophone, selon l’Ordre des barreaux francophones et germanophone (OBFG). D’après les dernières statistiques disponibles, datant de 2022, elles constituent 50,4 % des avocats en activité. Mais si l’égalité de genre avance lentement, la diversité ethnique, culturelle et sociale reste, elle, largement insuffisante. Cependant, depuis quelques années, des initiatives privées et publiques se mettent en place afin de lutter contre ces inégalités.
C’est le cas de JustLawyers, une plateforme créée il y a quelques mois à peine, qui met en relation cabinets et avocats, avec une particularité: les candidatures y sont anonymisées. Les recruteurs n’ont accès qu’aux compétences des postulants, sans aucune information liée à leur identité. «Il existe, consciemment ou non, des biais qui freinent la diversité dans les cabinets. L’anonymisation des profils permet de dépasser cette première barrière. Une fois ce filtre franchi, les préjugés perdent de leur force», explique Isabel Rosendor, cofondatrice de JustLawyers.
Pour les jeunes avocats issus de minorités, la diversité n’est plus un simple atout: elle devient un critère de sélection. «Beaucoup me disent qu’ils renoncent à postuler dans un cabinet s’ils ne voient personne qui leur ressemble sur le site internet», poursuit-elle. Au-delà de la représentativité, la diversité est aussi un levier de performance: «De nombreuses études montrent que les cabinets plus inclusifs obtiennent de meilleurs résultats financiers et développent une dynamique interne plus forte», ajoute-t-elle.
Minorités et profession d’avocat: l’inclusion s’installe dans les institutions
La question de la diversité ne concerne plus seulement les initiatives privées: elle s’impose progressivement dans les réflexions institutionnelles. Conscients des défis à relever, certains barreaux commencent à intégrer ces enjeux dans leurs priorités, en cherchant à créer un environnement professionnel plus inclusif et représentatif de la société.
C’est notamment le cas du barreau de Bruxelles qui, en juin 2022, a créé une Commission diversité et inclusion. Sa mission: sensibiliser les avocats à l’importance de la diversité comme richesse et encourager les cabinets à promouvoir une culture d’inclusion. La commission travaille notamment à réduire les disparités de genre, à améliorer l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite et à favoriser une représentation plus équitable dans les cabinets.
L’origine sociale, premier frein à la profession
Mais le défi de l’intégration se pose bien avant l’entrée dans la profession. Nombre d’étudiants issus de milieux défavorisés renoncent aux études de droit, faute de moyens financiers ou d’un accès suffisant à l’information. «Le simple fait que les parents soient à l’étranger, ou viennent de l’étranger, change déjà beaucoup de choses. L’enfant se retrouve parfois seul ici, avec un grand frère ou une grande sœur, et doit assumer très tôt des responsabilités. Certains commencent à travailler dès le secondaire, puis continuent pendant leurs études. Forcément, les chances ne sont pas les mêmes», explique Sophie Huart, présidente de la Commission diversité et inclusion du barreau de Bruxelles.
Pour répondre à ces inégalités d’accès, l’Ordre français des avocats du barreau de Bruxelles a mis en place le programme Propulse. Chaque année, trois lauréats sont sélectionnés par un jury composé de professionnels du droit. Ce programme leur offre un soutien concret: financement du minerval universitaire, matériel adapté à leurs besoins spécifiques et accompagnement tout au long de leur parcours, grâce à un système de mentorat assuré par un avocat tuteur.
Ce concours vise à sensibiliser les élèves de dernière année du secondaire au monde juridique et à soutenir ceux qui souhaitent entamer des études de droit, mais qui n’ont pas nécessairement le réflexe universitaire en raison de leur contexte culturel ou socio-économique. «Quand les parents n’ont pas fait de longues études, certains enfants s’imposent des limites dès le départ, parce qu’il leur manque des modèles auxquels s’identifier», explique Sophie Huart.
Le manque de diversité se reflète également parmi les professeurs universitaires. «Il y a un réel problème de représentation. Lorsque je regarde les professeurs d’université, aucun ne me ressemble. Cela donne le sentiment que cette voie est inaccessible», confie Maître Vicky Sheikh.
Avocats et minorités: des avancées concrètes mais des défis à surmonter
Des avancées significatives ont été réalisées pour favoriser l’intégration des minorités au barreau, avec des initiatives innovantes et des engagements institutionnels qui prennent de plus en plus d’ampleur. «La quasi-totalité des avocats et des cabinets sont pour une plus grande diversité et même si sur le site d’un cabinet vous ne voyez qu’une seule personne issue de la minorité, ne vous inquiétez pas, vous serez la deuxième», insiste Maître Vicky Sheikh.
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