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Godvergeten, l’émission choc sur les abus sexuels au sein de l’Eglise, diffusée sur la RTBF

Celine Bouckaert
Celine Bouckaert Journaliste au Vif

Godvergeten, l’émission de la VRT qui donne la parole aux victimes d’abus sexuels dans l’Eglise, est diffusée sur la RTBF sous le titre Les oubliés de Dieu. En Flandre, l’émission a suscité un profond malaise et a poussé certains à demander à se faire « débaptiser ».

Documentaire en quatre parties, Godvergeten (Les oubliés de Dieu), suit une vingtaine de victimes d’abus sexuels dans leur quête de reconnaissance. « Elles témoignent souvent pour la première fois de la douleur et de la souffrance, du fait de vivre avec un secret et d’être abusées par un confident. Elles mettent en lumière une histoire cachée qui mérite une place dans la mémoire collective de la Flandre et donnent un aperçu de la manière dont les abus ont dominé et, souvent, détruit leur vie », résume la VRT.

« Un garçon docile »

Agée de 86 ans, Dianne raconte ainsi ce qui est arrivé à son frère Piet. « C’était un garçon docile. Trop docile. Et c’est ce qui l’a tué« . Tout commence en 1957, lorsque Victor, le frère de Dianne et Piet, perd la vie à 24 ans. Après la mort de Victor, Dom Robert, professeur à l’école abbatiale de Termonde, fait son entrée dans la maisonnée endeuillée. Il promet de s’occuper de Piet, pensionnaire, alors que l’école est située à cent mètres à peine du domicile familial.

Les parents de Dianne et Piet considèrent Dom Robert comme un fils: il assiste à tous les événements familiaux.  « Dom Robert a abusé de mon frère Piet pendant six ans. Ses organes génitaux étaient déchirés. Il a dû rester à la maison pendant un mois. Et pourtant, à la maison, on ne voulait pas voir [ce qui se passait ] et le médecin non plus ne voulait rien dire. Piet était physiquement atteint et mentalement bien plus encore« , raconte Dianne. Des années plus tard, Piet se suicidera. Son abuseur poussera le vice jusqu’à assister à ses funérailles. « Au fond, la confiance énorme que mes parents ont placée en lui est indescriptible. L’Église était supérieure à tout le monde », ajoute la vieille dame dans l’émission.

Demandes de radiation

Les nombreux témoignages suscitent un profond malaise. A Hasselt et à Anvers, les diocèses constatent une augmentation de demandes de radiation du registre des baptêmes. Cependant, même si elles en font la demande, ces personnes ne seront pas « débaptisées » pour autant, rappelle Louis-Léon Christians, professeur en droit canon à l’UCLouvain.

« Le baptême est un sacrement. C’est une réalité spirituelle dont il y a une trace dans un registre car un jour, les parents – en présence du prêtre – ont accompli cet acte. Ce que certaines personnes essaient de vouloir dire aujourd’hui c’est ‘oui, mes parents avaient l’intention de me baptiser, mais aujourd’hui je veux faire savoir que je ne suis plus croyant ou que je ne veux plus de contact avec l’Eglise catholique », explique le professeur.

On ne peut donc pas parler de « débaptisation ». L’Eglise va simplement acter ces demandes: elle indiquera en marge du registre de baptêmes que la personne concernée a demandé à être radiée. Ces demandes de radiation n’auront aucune incidence financière sur l’Eglise. « Le financement ne dépend pas du nombre de baptisés, de même que la laïcité organisée en Belgique ne dépend pas du nombre de personnes qui adhèrent à la laïcité », ajoute Louis-Léon Christians.

Les demandes de radiation sont souvent liées à l’actualité. En 2010, suite au scandale de pédophilie impliquant l’ancien évêque de Bruges Roger Van Gheluwe, les demandes de radiation du registre des baptêmes s’étaient également multipliées. Cette année-là, 6 382 personnes ont été radiées du registre des baptêmes. Pour l’année, 2021, l’Église a registré 5 237 demandes de radiation, un chiffre élevé lié probablement aux déclarations homophobes du Vatican.

Réaction des évêques à Godvergeten

Les évêques flamands ont réagi à l’émission Godvergeten. « L’émission laisse une forte impression en raison de l’authenticité des récits, de la gravité des actes commis et des blessures causées. Ces récits doivent s’accompagner d’un sentiment de honte et de scrupule, associées au message clair que les abus n’ont pas leur place dans la société et dans l’Église. Nous remercions les victimes d’avoir eu le courage de raconter leur histoire », écrivent les évêques flamands. « Ces 13 dernières années ont été une école d’apprentissage pour l’Église à bien des égards. Une école d’apprentissage de l’écoute et de la reconnaissance des victimes d’abus sexuels », ajoutent les prélats.

L’émission Les oubliés de Dieu est disponible intégralement sur Auvio.

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