Le régime africain, un nouveau champ d’exploration pour la santé. © Getty Images

Après le régime méditerranéen, un coup de boost pour la santé avec le manioc et le gombo

Des chercheurs se tournent vers les habitudes alimentaires traditionnelles des campagnes africaines et leur régime pour renforcer le système immunitaire. Que peut-on en apprendre, en tant qu’Occidentaux?

Une étude parue dans Nature Medicine révèle qu’un régime rural africain traditionnel, riche en légumes, fibres et aliments fermentés, a un effet bénéfique sur les inflammations et le fonctionnement du système immunitaire. Cet effet est observable dès deux semaines.

Le régime alimentaire aujourd’hui encensé par de nombreuses instances de santé reste celui de la Méditerranée. Malheureusement, ce régime est souvent confondu avec la pizza, les pâtes, le kebab d’agneau, le pain pita et le tiramisu, qui ne font évidemment pas partie du régime méditerranéen tel qu’il est scientifiquement défini.

Pour éviter cette confusion, les scientifiques se tournent de plus en plus vers d’autres traditions alimentaires comme le régime scandinave (riche en poisson, baies, seigle, avoine, choux et légumineuses) ou le régime japonais (poisson et fruits de mer, riz vapeur, nouilles soba et udon, tofu, miso et algues). Le régime africain, encore méconnu jusqu’à récemment, est désormais également sur le radar.

Qu’est-ce que le régime africain?

Le régime récemment étudié est celui de la région du Kilimandjaro, en Tanzanie. Il est composé principalement d’aliments végétaux riches en antioxydants comme les bananes plantains, le manioc (également appelé yucca), la bouillie de millet, le riz, les haricots, le poulet, le taro (une racine riche en amidon), l’ugali (plat à base de farine de maïs), le gombo (un légume vert riche en fibres), le mchicha (une sorte d’épinard) et le mbege ou bière de banane, une boisson alcoolisée qui ressemble au kombucha.

Pour confirmer les bienfaits potentiels du patrimoine alimentaire africain, davantage de données scientifiques sont nécessaires. L’Afrique subsaharienne est toujours sous-représentée dans la recherche nutritionnelle immunologique, car les priorités ont été fixées historiquement par l’Occident, avec un accent mis sur des maladies comme le paludisme, la tuberculose et le VIH.

«L’Afrique subsaharienne est toujours sous-représentée dans la recherche nutritionnelle immunologique, car les priorités ont été fixées historiquement par l’Occident.»

Mais le temps presse. De plus en plus d’habitants des zones rurales s’installent en ville et y adoptent des habitudes alimentaires occidentales, avec une augmentation rapide des maladies liées au mode de vie, comme le cancer et les maladies cardiovasculaires, ce qui exerce une pression accrue sur les systèmes de santé locaux.

L’inflammation est à la base de nombreuses affections chroniques comme le surpoids, le diabète de type 2 et les troubles auto-immuns. Jolien Janzing, autrice du livre OerFood récemment publié, en est bien consciente. Il y a 23 ans, on lui a diagnostiqué la sclérose en plaques (SEP), une maladie auto-immune. En pratiquant le jeûne intermittent et en revenant à une alimentation naturelle –sans céréales, produits laitiers ni légumineuses– elle est parvenue à contrôler ses symptômes. Il ne s’agit, pour être bien clair, pas du même régime que celui des campagnes africaines traditionnelles.

L’alimentation peut atténuer les symptômes chez certains patients atteints de SEP, mais elle ne permet pas de guérir la maladie. Le rôle du microbiome devient lui aussi de plus en plus évident dans le cas de la SEP. Ainsi, les thérapies axées sur la flore intestinale sont très prometteuses.

«Il est exact que les sujets ayant suivi le régime africain présentaient des niveaux d’inflammation plus faibles que ceux ayant consommé le Standard American Diet (SAD)», explique Jolien Janzing. Mais selon elle, les résultats seraient encore bien meilleurs si on mangeait davantage comme avant la révolution agricole. «L’homo sapiens a mangé pendant 300.000 ans, en tant que chasseur-cueilleur, de la viande, du poisson, des plantes, et selon la saison, quelques fruits et noix. C’est lorsque nous avons commencé à cultiver des céréales, en 10.000 avant Jésus-Christ, que les problèmes ont commencé. C’est ce qu’écrit aussi Yuval Noah Harari dans son livre Sapiens. Des recherches montrent d’ailleurs que les dents et les os de la momie des glaces Ötzi étaient dans un état épouvantable en raison de ce régime riche en céréales. Les antinutriments présents dans les céréales entravent en effet l’absorption des minéraux et favorisent les inflammations

Les antinutriments sont des substances végétales qui peuvent réduire la valeur nutritionnelle de certains aliments, car elles se lient à des vitamines, minéraux ou autres nutriments spécifiques, limitant ainsi leur absorption par l’organisme. Par exemple, l’acide phytique dans les céréales empêche l’absorption du fer, du zinc, du magnésium et du calcium contenus dans un repas. Cela peut poser problème aux personnes dont l’alimentation repose presque exclusivement sur des produits d’origine végétale comme les céréales et les légumineuses.

Mais, comme le souligne le spécialiste en nutrition Eric De Maerteleire, «les avantages de la consommation d’aliments contenant des antinutriments restent bien supérieurs aux risques potentiels liés à leur ingestion. De nombreuses substances antinutritionnelles ont un effet antioxydant et anticancéreux, il est donc déconseillé de les éviter totalement. Si vous souhaitez réduire la teneur en acide phytique, faites tremper les haricots et autres légumineuses dans de l’eau pendant la nuit pour en dissoudre une partie. Les antinutriments présents dans les céréales perdent également de leur efficacité si, par exemple, on y ajoute du levain, ce qui augmente la disponibilité des nutriments utiles.»

«De nombreuses substances antinutritionnelles ont un effet antioxydant et anticancéreux, il est donc déconseillé de les éviter totalement.»

Un menu africain?

Il y a peu de chances que l’on trouve des bananes plantains africaines, du mchicha ou du gombo dans le petit supermarché local. Mais le régime africain peut tout à fait être adapté à un menu occidental en y intégrant des légumes et des herbes, tout en évitant les céréales comme le riz blanc, les pâtes ou le pain blanc.

«N’ayez pas peur non plus de manger un morceau de viande rouge pure, ajoute Jolien Janzing. Elle contient de nombreuses vitamines B, du zinc, du sélénium et du fer, et constitue une excellente source de protéines de haute qualité. Les protéines végétales sont, en général, moins bien absorbées par l’organisme. Le mode alimentaire des peuples nomades Masai en Tanzanie et au Kenya, par exemple, est riche en protéines animales sous forme de viande et de sang de leurs animaux. Malgré la teneur élevée en graisses de ce régime, les Masai présentent de faibles niveaux de maladies cardiovasculaires. Et l’idée selon laquelle les graisses font grossir est aujourd’hui dépassée.»

«Nous devons réexaminer la recherche nutritionnelle et l’aborder avec un regard neuf, conclut JolienJanzing. Une grande partie des recommandations passées relèvent souvent du marketing. Prenez les adventistes du septième jour: ils ont introduit le végétarisme comme idéal de santé à l’époque moderne, mais c’était surtout pour calmer les pulsions sexuelles. Le médecin et nutritionniste américain John Harvey Kellogg, qui était étroitement lié aux adventistes du septième jour, a inventé les cornflakes au cours de cette fameuse croisade contre la masturbation, pour remplacer un petit déjeuner riche en protéines, à base de lard et d’œufs. Aujourd’hui, les céréales pour le petit déjeuner sont malheureusement bien ancrées dans les habitudes.»

 

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